[CRITIQUE] : Doctor Strange in The Multivers of Madness
Réalisateur : Sam Raimi
Avec : Benedict Cumberbatch, Elizabeth Olsen, Benedict Wong, Rachel McAdams, Xochitl Gomez, Chiwetel Ejiofor,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Fantastique, Action, Aventure.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h06min
Synopsis :
Dans ce nouveau film Marvel Studios, l’univers cinématographique Marvel déverrouille et repousse les limites du multivers encore plus loin. Voyagez dans l’inconnu avec Doctor Strange, qui avec l’aide d’anciens et de nouveaux alliés mystiques, traverse les réalités hallucinantes et dangereuses du multivers pour affronter un nouvel adversaire mystérieux.
Critique :
Ce qu'il y a d'assez exceptionnel finalement avec Doctor Strange, et c'est le tribu de tous les personnages du MCU uniquement introduit dans un seul film (Black Panther, Captain Marvel), c'est qu'il est plus intéressant et plaisant à suivre comme un élément de soutien dans les histoires des autres super-héros, que comme vedette de la sienne.
Comme si son immense pouvoir et son éloignement du monde ordinaire en faisait presque une anomalie au coeur l'univers Marvel, à tel point qu'il ne suscite réellement l'intérêt que lorsque d'autres héros se heurtent à son univers magique.
Un constat cruel pour le premier opus dirigé par Scott Derrickson, tant on se souvient finalement plus de ses présences auprès de Thor (Thor : Ragnarok), Iron Man et les autres Avengers (Infinity War et Endgame) et surtout Spider-Man (le tout récent No Way Home), comme si le Doc avait - cruellement - besoin des autres pour exister au sein d'un Cinematic Universe qui n'avait jusqu'alors sans doute pas su pleinement l'appréhender.
Un écueil dans lequel ne tombera pas totalement Sam Raimi et le scénariste Michael Waldron avec le bien nommé Doctor Strange in The Multiverse of Madness, puisque le tandem le fera tout du long - et ce dès le plus rapidement possible - interagir avec une pléthore de personnages dans une sorte de quêtes multiples à divers MacGuffins (dont le personnage d'America Chavez, qui avait un temps été annoncée dans No Way Home), à défaut de se perdre dans une narration totalement vissée sur lui, soulignant peut-être une nouvelle fois, si besoin était, la faiblesse de l'évolution personnelle du personnage au fil du temps et du MCU.
Et c'est dommage tant Strange y est montré ici sous un versant plus égoïste et condescendant (voire même antipathique dans tous les univers, à des degrés plus ou moins imposants), un être qui n'a jamais su se débarrasser de son complexe divin, dont les pouvoirs extraordinaires et illimités ne l'ont finalement jamais été à régler ses vrais problèmes intimes; un homme qui ne veut pas apprendre qu'il n'a pas toujours eu raison et que toute magie a un prix.
De ce côté cela dit, le final ouvert (mais frustrant, dans le sens où il implique une nouvelle fois de devoir attendre le film d'après, pour avoir une hypothétique résolution dramatique), pointant les conséquences de son usage de la magie noire, pourrait enfin amener le bonhomme à ne plus enfreindre impunément toutes les règles tout en revendiquant le statut de héros ultime de l'histoire (comme le montre la première scène post-générique).
Une preuve, certes plus indirecte que d'autres mais tout de même, qui démontre que l'implication de Sam Raimi, aussi brillant et inventif bricoleur soit-il, de résume avant tout à devoir se conformer à un cahier des charges conséquent qui l'oblige à ne pas trop s'écarter de la chaîne de montage sur laquelle son fauteuil de réalisateur est savamment cloué (impossible, après une fantastique trilogie Spidey, d'imaginer qu'il développe aussi fébrilement son héros titre avec une liberté créative totale).
Ce qui ne l'empêche pas pour autant de flirter joliment avec les limites de ses contraintes, de colorier parfois au-delà des bords pour mieux laisser exploser les promesses d'une obscurité sous-jacente qui aurait été un must-see absolue si Marvel ne gardait pas si jalousement sa boîte de pandore fermée.
En un sens, il suit l'exemple de Chloé Zhao sur Les Éternels tout en jouissant peut-être d'une liberté un poil plus importante (où d'une meilleure compréhension de ce type d'efforts), dans sa manière de démontrer que la firme doit définitivement aller de l'avant et prendre des risques, à une heure où le Worlds of DC reprend tranquillement du poil de la bête, en lâchant passablement du lest.
Pas de quoi en faire un grand film super-héroïque malheureusement, mais peut-être (et c'est déjà beaucoup) le film du MCU, hors réunion des Avengers, le plus satisfaisant et original depuis longtemps, plus encore que pouvait l'être le mal-aimé Les Éternels.
Un divertissement épousant aussi bien la familiarité d'une " méthode " éprouvée que les contours d'une violence et d'une noirceur plus assumée, une plongée dans un carnaval des horreurs savoureusement loufoque et ironique, jamais pervertie par son bal des caméos et du fan service (dont certains auront une issue plus brutale que prévue), tout autant qu'il ne tutoie pas toujours du bout de la pellicule, la folie évoquée par son titre (on ne gravite que dans quatre, cinq dimensions maximum).
Car ici, tout n'est finalement qu'une question de sacrifice (ceux que l'on fait contre son gré, et ceux qu'on ne veut plus faire), d'acceptation et de deuil pour des luttant - littéralement - avec leurs démons intérieurs, gravée autour du chemin de croix sanglant d'une Wanda Maximoff brisée (Elizabeth Olsen, qui traduit une nouvelle fois avec puissance toute la complexité émotionnelle de son personnage), qui démontre qu'elle est le personnage le plus fascinant et déchirant de tout le MCU.
Cartoonesque et irrévérencieux autant qu'il s'avère frustrant et insatisfaisant à plusieurs égards, Doctor Strange in The Multivers of Madness est néanmoins suffisamment fun et mené tambour battant pour incarner une sorte de portail presque alternatif, où un film du MCU passerait un peu plus de temps à exploiter ses forces qu'à chercher à vendre une addiction/fidélisation à tout son univers, et ce même s'il aura du mal à parler aux non-initiés.
D'autant qu'il aborde de manière plus juste et moins opportuniste le concept du multivers que pour No Way Home, découlant moins d'un désir à la fois capitaliste de jouer sur la nostalgie des fans/spectateurs en préservant des ravages du temps des super-héros qu'ils adorent, que d'incarner un outil de tous les possibles pour transformer les liens entre les super-héros et leurs histoires dans un tout cohérent, certes encore nébuleux (nous ne sommes qu'à la Phase 4 d'une refonte ambitieuse), mais peut-être plus ambitieux encore que la décennie originale.
Reste qu'il est un poil irritant de se dire que WandaVision et Loki, cantonnées au petit écran, ont pris plus de risques créatifs et ce même si elles n'ont pas pour elles l'onirisme goofy-esque de Raimi, ni sa sensibilité horrifico-gothique délirante et encore moins sa proprension à donner du rythme et du corps à sa réalisation, sous les sonorités exaltées de Danny Elfman.
Le grand Sam n'a pas transformé le plomb en or mais il a redonné du coeur, de l'enthousiasme et de l'âme à ce qui n'en avait plus, et c'est plus que quiconque jusqu'à maintenant.
Jonathan Chevrier
Avec : Benedict Cumberbatch, Elizabeth Olsen, Benedict Wong, Rachel McAdams, Xochitl Gomez, Chiwetel Ejiofor,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Fantastique, Action, Aventure.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h06min
Synopsis :
Dans ce nouveau film Marvel Studios, l’univers cinématographique Marvel déverrouille et repousse les limites du multivers encore plus loin. Voyagez dans l’inconnu avec Doctor Strange, qui avec l’aide d’anciens et de nouveaux alliés mystiques, traverse les réalités hallucinantes et dangereuses du multivers pour affronter un nouvel adversaire mystérieux.
Critique :
Cartoonesque et irrévérencieux autant qu'il s'avère férocement frustrant à plusieurs égards, #DoctorStrangeInTheMultiverseOfMadness fait le job, Sam Raimi et sa sensibilité horrifico-gothique délirante redonnant du coeur, de l'enthousiasme et de l'âme à un MCU qui n'en avait plus pic.twitter.com/nIL3aAUIiK
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 4, 2022
Ce qu'il y a d'assez exceptionnel finalement avec Doctor Strange, et c'est le tribu de tous les personnages du MCU uniquement introduit dans un seul film (Black Panther, Captain Marvel), c'est qu'il est plus intéressant et plaisant à suivre comme un élément de soutien dans les histoires des autres super-héros, que comme vedette de la sienne.
Comme si son immense pouvoir et son éloignement du monde ordinaire en faisait presque une anomalie au coeur l'univers Marvel, à tel point qu'il ne suscite réellement l'intérêt que lorsque d'autres héros se heurtent à son univers magique.
Un constat cruel pour le premier opus dirigé par Scott Derrickson, tant on se souvient finalement plus de ses présences auprès de Thor (Thor : Ragnarok), Iron Man et les autres Avengers (Infinity War et Endgame) et surtout Spider-Man (le tout récent No Way Home), comme si le Doc avait - cruellement - besoin des autres pour exister au sein d'un Cinematic Universe qui n'avait jusqu'alors sans doute pas su pleinement l'appréhender.
Copyright Marvel Studios 2022. All Rights Reserved. |
Un écueil dans lequel ne tombera pas totalement Sam Raimi et le scénariste Michael Waldron avec le bien nommé Doctor Strange in The Multiverse of Madness, puisque le tandem le fera tout du long - et ce dès le plus rapidement possible - interagir avec une pléthore de personnages dans une sorte de quêtes multiples à divers MacGuffins (dont le personnage d'America Chavez, qui avait un temps été annoncée dans No Way Home), à défaut de se perdre dans une narration totalement vissée sur lui, soulignant peut-être une nouvelle fois, si besoin était, la faiblesse de l'évolution personnelle du personnage au fil du temps et du MCU.
Et c'est dommage tant Strange y est montré ici sous un versant plus égoïste et condescendant (voire même antipathique dans tous les univers, à des degrés plus ou moins imposants), un être qui n'a jamais su se débarrasser de son complexe divin, dont les pouvoirs extraordinaires et illimités ne l'ont finalement jamais été à régler ses vrais problèmes intimes; un homme qui ne veut pas apprendre qu'il n'a pas toujours eu raison et que toute magie a un prix.
De ce côté cela dit, le final ouvert (mais frustrant, dans le sens où il implique une nouvelle fois de devoir attendre le film d'après, pour avoir une hypothétique résolution dramatique), pointant les conséquences de son usage de la magie noire, pourrait enfin amener le bonhomme à ne plus enfreindre impunément toutes les règles tout en revendiquant le statut de héros ultime de l'histoire (comme le montre la première scène post-générique).
Copyright Marvel Studios 2022. All Rights Reserved. |
Une preuve, certes plus indirecte que d'autres mais tout de même, qui démontre que l'implication de Sam Raimi, aussi brillant et inventif bricoleur soit-il, de résume avant tout à devoir se conformer à un cahier des charges conséquent qui l'oblige à ne pas trop s'écarter de la chaîne de montage sur laquelle son fauteuil de réalisateur est savamment cloué (impossible, après une fantastique trilogie Spidey, d'imaginer qu'il développe aussi fébrilement son héros titre avec une liberté créative totale).
Ce qui ne l'empêche pas pour autant de flirter joliment avec les limites de ses contraintes, de colorier parfois au-delà des bords pour mieux laisser exploser les promesses d'une obscurité sous-jacente qui aurait été un must-see absolue si Marvel ne gardait pas si jalousement sa boîte de pandore fermée.
En un sens, il suit l'exemple de Chloé Zhao sur Les Éternels tout en jouissant peut-être d'une liberté un poil plus importante (où d'une meilleure compréhension de ce type d'efforts), dans sa manière de démontrer que la firme doit définitivement aller de l'avant et prendre des risques, à une heure où le Worlds of DC reprend tranquillement du poil de la bête, en lâchant passablement du lest.
Pas de quoi en faire un grand film super-héroïque malheureusement, mais peut-être (et c'est déjà beaucoup) le film du MCU, hors réunion des Avengers, le plus satisfaisant et original depuis longtemps, plus encore que pouvait l'être le mal-aimé Les Éternels.
Copyright Walt Disney © Marvel |
Un divertissement épousant aussi bien la familiarité d'une " méthode " éprouvée que les contours d'une violence et d'une noirceur plus assumée, une plongée dans un carnaval des horreurs savoureusement loufoque et ironique, jamais pervertie par son bal des caméos et du fan service (dont certains auront une issue plus brutale que prévue), tout autant qu'il ne tutoie pas toujours du bout de la pellicule, la folie évoquée par son titre (on ne gravite que dans quatre, cinq dimensions maximum).
Car ici, tout n'est finalement qu'une question de sacrifice (ceux que l'on fait contre son gré, et ceux qu'on ne veut plus faire), d'acceptation et de deuil pour des luttant - littéralement - avec leurs démons intérieurs, gravée autour du chemin de croix sanglant d'une Wanda Maximoff brisée (Elizabeth Olsen, qui traduit une nouvelle fois avec puissance toute la complexité émotionnelle de son personnage), qui démontre qu'elle est le personnage le plus fascinant et déchirant de tout le MCU.
Cartoonesque et irrévérencieux autant qu'il s'avère frustrant et insatisfaisant à plusieurs égards, Doctor Strange in The Multivers of Madness est néanmoins suffisamment fun et mené tambour battant pour incarner une sorte de portail presque alternatif, où un film du MCU passerait un peu plus de temps à exploiter ses forces qu'à chercher à vendre une addiction/fidélisation à tout son univers, et ce même s'il aura du mal à parler aux non-initiés.
Copyright Marvel Studios 2022. All Rights Reserved. |
D'autant qu'il aborde de manière plus juste et moins opportuniste le concept du multivers que pour No Way Home, découlant moins d'un désir à la fois capitaliste de jouer sur la nostalgie des fans/spectateurs en préservant des ravages du temps des super-héros qu'ils adorent, que d'incarner un outil de tous les possibles pour transformer les liens entre les super-héros et leurs histoires dans un tout cohérent, certes encore nébuleux (nous ne sommes qu'à la Phase 4 d'une refonte ambitieuse), mais peut-être plus ambitieux encore que la décennie originale.
Reste qu'il est un poil irritant de se dire que WandaVision et Loki, cantonnées au petit écran, ont pris plus de risques créatifs et ce même si elles n'ont pas pour elles l'onirisme goofy-esque de Raimi, ni sa sensibilité horrifico-gothique délirante et encore moins sa proprension à donner du rythme et du corps à sa réalisation, sous les sonorités exaltées de Danny Elfman.
Le grand Sam n'a pas transformé le plomb en or mais il a redonné du coeur, de l'enthousiasme et de l'âme à ce qui n'en avait plus, et c'est plus que quiconque jusqu'à maintenant.
Jonathan Chevrier