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[CRITIQUE] : En même temps


Réalisateurs : Gustave Kervern et Benoît Delépine
Acteurs : Jonathan Cohen, Vincent Macaigne, India Hair, Jehnny Beth, Doully, Laetitia Dosch, François Damiens, Yolande Moreau, Anna Mouglalis, Thomas VDB,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h48min

Synopsis :
A la veille d’un vote pour entériner la construction d’un parc de loisirs à la place d’une forêt primaire, un maire de droite décomplexée essaye de corrompre son confrère écologiste. Mais ils se font piéger par un groupe de jeunes activistes féministes qui réussit à les coller ensemble. Une folle nuit commence alors pour les deux hommes, unis contre leur gré.



Critique :


Depuis leurs débuts aussi bien chez la sacro sainte émission Groland que sur grand écran, le tandem Benoît Delépine/Gustave Kervern s'est évertué à baser aussi bien son regard que son humour, sur une restitution férocement décalée et satirique de la réalité de notre société contemporaine, parfois de manière inégale - tout en restant intéressante cela dit -, mais souvent de manière juste et jubilatoire.
On les avait d'ailleurs laissé plus en verve que jamais à l'été 2020 avec Effacer L'Historique, qui répondait directement à l'intelligence sociologique et au naturalisme piquant de Louise Michel et I Feel Good, une farce sombre et lumineuse à la fois sondant les travers de notre société tout en prenant in fine les contours d'une ode à l'amitié, à la solidarité mais surtout à une humanité qui ne s'avoue jamais vaincue.

Copyright Chloe Carbonel

Dans la même veine, En même temps ne dénote absolument pas dans le paysage du duo de cinéastes, toujours autant vissé sur les vicissitudes des laissés-pour-compte d'une société à deux vitesses, à ceci près qu'il ausculte cette fois le fossé de plus en plus béant entre les gouvernants hors sol et les gouvernés, tout en exaltant les comportements extrêmes d'une population qui se cherche et constamment en proie au doute (et donc propice à être - gentiment - moquée).
Partant d'un pitch sensiblement cocasse (à la veille d'un vote important pour la création d'un parc de loisir, un maire de droite radicale et franchement opportuniste, tente de corrompre son adversaire politique, un maire écolo individualiste et acharné, avant de se voir coller - littéralement - à lui dans une position hautement gênante, par un collectif de jeunes activistes féministes), le film trouve tout du long un équilibre précaire mais séduisant entre désinvolture et désespérance, absurde et constat doux-amer, comique de situation et dialogues ciselés, chaos foutraque et saillies cinglantes, ambitions mal placées et petits arrangements effrayants.

Copyright Chloe Carbonel

Si la musique est sensiblement la même (on est totalement en terrain familier et conquis, même si la mise en scène est une fois encore cantonnée au strict minimum) et que les deux réalisateurs ne cherchent absolument pas à bousculer leur mélodie gagnante (une belle couche d'humour potacho-féroce saupoudré de quelques facilités d'écriture, qui laisse place à une réflexion en son coeur toujours plus fine qu'elle n'en à l'air), on pourrait cependant arguer qu'elle est peut-être un poil trop étirée pour son bien, et que quelques-uns de ses accords manquent suffisamment de poigne (jusqu'au-boutisme ?) pour faire de cette satire politico-burlesque un sommet de pertinence et d'irrévérence parfaite pour cette période d'élection présidentielle.
Reste qu'une nuit absurde avec un Jonathan Cohen irrésistible en politicard opportuniste et insupportable, et un Vincent Macaigne exceptionnel en écolo attendrissant (accompagnés par des caméos géniaux de François Damiens, Laetitia Dosch, Anna Mouglalis ou encore Yolande Moreau), ça ne se refuse pas et encore moins en ce mercredi assez timide en sorties.


Jonathan Chevrier