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[CRITIQUE] : Eaux Profondes


Réalisateur : Adrian Lyne
Avec : Ben Affleck, Ana de Armas, Tracy Letts, Jaboc Elordi,…
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h55min

Synopsis :
Vic et Melinda Van Allen est un couple aisé de la Nouvelle-Orléans dont le mariage s'écroule sous le poids de la rancœur, de la jalousie et du doute. Alors que leurs provocations et manipulations mutuelles s'intensifient, les choses se transforment rapidement en un jeu du chat et de la souris mortel lorsque les amants de Melinda commencent à disparaître.



Critique :


Si l'on est totalement honnête (comprendre : si l'on ne se laisse pas aller à suivre la vox populi parce que lyncher tel ou tel film, c'est bieng), il n'y a rien de profondément déshonorant à la vision du mélodrame domestico-tordu (et non un pur thriller érotique à l'ancienne, comme l'a très mal vendu sa campagne promotionnelle aussi maladroite qu'expéditive) Eaux Profondes, dernier long-métrage en date du pape du thriller érotique des 80s/90s, Adrian Lyne, qui n'avait plus rien tourné depuis vingt piges et le plutôt tiède Infidèle.
Si sa sortie bazardée par Disney (multiples reports de son exploitation en salles avant qu'il soit refilé à l'arrache à Hulu avec un sentiment de dégoût palpable) et ses critiques assassines le couvrait gentiment d'une belle bouffée d'opprobre, le film, basé sur le roman éponyme de Patricia "Le Talentueux Mr. Ripley " Highsmith (même s'il reprend non pas son final, mais celui plus cynique du film de Michel Deville qui l'avait adapté dans les années 80), correspond pourtant fidèlement aux précédents efforts de son cinéaste : un thriller psychologico-dérangeant, serein dans sa volonté d'épouser une facture et des codes familiers du genre, et tout juste assez miteux pour satisfaire une envie de malbouffe cinématographique un vendredi soir sans idée de séance fixe (mais avec suffisamment de vin/bière pour l'accompagner).

Copyright Amazon Prime Video

Ironique dans sa manière d'accorder la vision aigre de sa narration (une émasculation sadique et glaciale des désirs sombres et frustrés du mâle américain moyen) à un monstre populaire tel que Ben Affleck (dont la vie intime/sentimentale est trainée dans la boue des tabloïds depuis toujours), l'histoire du film suit Vic Van Allen, un millionnaire qui s'est retiré dans la banlieue chic de la Nouvelle-Orléans, grâce au butin d'une puce qu'il a conçue pour les drones de guerre. 
Il fait du vélo, édite un trimestriel sur les arts de la vanité, raffole des moments passés avec sa pétillante petite fille de 6 ans, Trixie, et élève des escargots dans son garage (true story). 
Il tolère à peine sa fougeuse femme Melinda, qui le trompe avec de séduisants jeunes hommes juste sous son nez, les affichant lors d'événements sociaux et les invitant même à des dîners entre amis passablement gênants.
Si tout leur entourage considère l'indulgence/indifférence de Vic face à son statut de cocu assumé avec un mélange d'admiration, de pitié et de frustration, ce qui le retient de péter un boulon et de liquider tout ce qui bouge, c'est la glue qui (re)tient justement tout l'intérêt de l'histoire.
Car si et surtout quand il craquera, c'est ce qui anime le suspense et l'intérêt envers ce personnage étrange, un quasi-zombie qui laisse le sentiment d'errer dans sa vie dans un état second (sauf quand il est avec Trixie où qu'il regarde avec une adoration humide ses escargots... true story bis) sans pour autant être passif, puisqu'il semble toujours avoir le contrôle sur tout, trop peut-être...

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S'il ne se laisse pas totalement aller cette fois à son formalisme si familier (qu'on lui a - stupidement - longtemps reproché), ni à de francs élans érotiques (quelques gros plans extrêmes sensuels et rétro-éclairés, rien de plus à se mettre sous la dent), Adrian Lyne arpente pourtant avec assurance le terrain sinueux de la perversité qui unit un couple dont on ne sait rien, et dont la dynamique du pouvoir n'est in fine pas aussi unilatérale qu'elle n'y paraît.
Si ses thèmes et son style cinématographique peuvent - légitimement - paraître complètement passés de mode aujourd'hui, la sophistication qui s'en dégage entre ses petites connotations hitchcockiennes et ses instincts pulpueux, démontrent sans trembler qu'il est toujours aussi capable d'enfermer son auditoire dans une bulle d'incertitude captivante, bien aidé par des performances authentiques et excellentes.
Que ce soit un Affleck à la partition habilement nuancée (une sorte d'auto-parodie consciente du meme de Sad Affleck et de sa partition dans Gone Girl, qui prouve après Le Dernier Duel un don étonnant pour la manipulation de sa propre image), qui garde la rage réprimée de son personnage délibérément illisible jusqu'au dernier tiers; où une Ana de Armas impressionnante et fascinante en polygame plus chaude que la braise elle-même, capable de rendre sa Miranda aussi antipathique et glaciale que vulnérable et d'une détresse dévorante, une femme qui abandonne son rôle de mère et de modèle sans jamais sourciller.
Mention également au dramaturge et (brillante) acteur Tracy Letts, dans le rôle modeste mais clé d'un écrivain local, dont la vanité et les soupçons ajoutent un petit peps point négligeable à la narration.

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Petite évasion nostalgique venue d'un autre temps (d'autant que le thriller/drame érotique n'est plus ce qu'il était il y a trente ou quarante ans), où l'adultère comme le meurtre se commet sans la moindre impunité, Eaux Profondes, vissé sur la toxicité d'un mariage s'amusant du jeu de la surenchère qu'il a lui-même créé, n'a peur de rien, pas même que son mystère soit facilement décelable (l'importance n'est absolument pas là) où que l'édifice de son intrigue criminelle menace de crouler sous ses - nombreuses - invraissemblances et confusions, jusque dans un dernier tiers certes tendu mais un chouïa trop foutraque.
Et c'est sans doute tout ça finalement, qui en fait une vraie curiosité subversive, amorale et rafraichissante, une proposition (indécente... pardon) qu'il faut découvrir, délesté des avis préconçus d'une majorité l'ayant sans doute déjà jugé avant même d'appuyer sur le bouton " play "...


Jonathan Chevrier

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