[CRITIQUE] : Abuela
Réalisateur : Paco Plaza
Acteurs : Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova,...
Budget : -
Distributeur : Wild Bunch
Genre : Epouvante-horreur.
Nationalité : Espagnol.
Durée : 1h40min.
Synopsis :
Susana, un jeune mannequin espagnol, est sur le point de percer dans le milieu de la mode parisien. Mais quand sa grand-mère est victime d’un accident la laissant quasi paralysée, Susana doit rentrer à Madrid dans le vieil appartement où elle a grandi afin de veiller sur celle qui constitue son unique famille. Alors qu’approche leur anniversaire commun, de vieux souvenirs resurgissent en parallèle d’événements étranges, et le comportement de sa grand-mère devient de plus en plus inquiétant…
Critique :
Retour dans un immeuble madrilène pour le réalisateur de [REC], ce nouveau film de Paco Plaza intrigue dès son ouverture. La grand-mère du titre est impeccablement habillée, focalisée sur une montre, pleine de détermination. Qu'est-ce que tout cela peut signifier ?
Le film est cependant loin d'être très surprenant, passée le prologue. Les thématiques chères à l'horreur récente (Hereditary et Relic en tête) du poids de l'héritage familial et de la vieillesse sont explorées en long et en large avec presque pour seul décor cet appartement bourgeois du premier étage. C'est le gros point négatif du long-métrage : en plus d'une certaine lenteur, le scénario est très convenu et ne laisse pas grande place à l'horreur. On repassera donc pour l'originalité.
Les quelques moments horrifiques, justement, sont assez efficaces, mais pourraient être mieux distillés tout au long du film. Il n'est pas difficile de comprendre les mécaniques à l’œuvre, et si nul jumpscare facile n'est à signaler, la vraie terreur n'a que peu de temps à l'écran. La caméra s'attarde en même temps que le regard de l’héroïne, très lentement, et ne parvient pas toujours à retenir l'attention. Dommage.
Le film peut cependant s'appuyer sur son casting. Pilar, la grand-mère du titre, est interprétée par la mannequin star de Coco Chanel Vera Valdez, impressionnante de justesse et bien flippante quand il le faut. Sa petite fille Susana, une mannequin déjà jugée « vieille » par la profession à 24 ans, est jouée par Almudena Amor qui a elle-même exercé ce job à Paris. Le lien d'héritage par la beauté et la profession de mannequin est bien exploité dans le film. La peur de la vieillesse prend ainsi un côté plus urgent et encore plus justifié.
Enfin, la vraie force du film se trouve dans sa grande sensibilité, qui en ferait presque plus un drame qu'un film d'horreur. Comment vivre une relation qui s'étiole à cause de l'éloignement, malgré un amour sincère entre une grand-mère et sa petite fille ? De vrais moments déchirants confèrent à l’œuvre une certaine épaisseur. A voir donc plus pour cet aspect que pour le fantastique, pour une fois !
Léa (Cilly Karma)
Tout le nouvel effort de Paco Plaza ou presque, est animé par la dualité très (trop?) facilement perceptible entre la jeunesse fantasmée et la vieillesse inéluctable, que ce soit par la force d'une mise en scène spéculaire où un scénario habile aux dialogues arborant une troublante symétrie (au point que les mots prononcés par la grand-mère et sa petite fille se confondent parfois).
Mais à la différence de ces précédents efforts, il dépasse ce dualisme avéré pour lui offrir un vrai propos social substantiel : le tabou du vieillissement et du statut des aînés dans la société contemporaine.
Loin d'être étranger - et le mot est faible - au cinéma horrifique, ce " tabou " n'est ici pas tant représenté de manière graphique (la vieillesse comme memento mori, marque du diable et/ou comme laideur grotesque) mais bien dramatique, où elle n'incarne pas tant un pôle négatif à la jeunesse mais bien une entité rebelle voulant dompter la jeunesse et l'engloutir brutalement.
Usant de thèmes familiers (la déconnexion entre les générations, la question de l'héritage social, l'incompréhension du passé traumatique d'une nation dont on réveille les démons,...) et d'une ambiance joliment oppressante pour mieux nourrir son horreur cérébrale, Plaza se perd néanmoins - et c'est assez ironique - dans sa manière d'aborder l'héritage du body horror sans jamais chercher à le rajeunir d'une quelconque manière qui soit.
Peut-être parce qu'il se dit, tout comme son scénariste Carlos Vermut, que l'efficacité de leur effort passe aujourd'hui uniquement dans la labellisation codée du fantastique (un caractère solennel et dénué de toute subtilité, totalement redevable au gothique contemporain initié par les calques de James Wan), aboutissant à un artefact cinématographique tellement pensé et ficelé à l'extrême pour plaire au grand public, que rien ne déborde (aucune exploration psychologique poussée en tête).
Dommage tant il distille une réflexion fascinante sur la stigmatisation de la vieillesse vaincue par la terreur, mais Abuela ne débouche finalement que sur un exercice horrifique arthritique qui boite au moment où il cherche trop à regarder dans le rétroviseur du passé, au lieu de foncer droit vers l'avenir (l'originalité), chose dont Plaza n'était pas habitué à ses débuts.
Ironiquement, un autre duel entre l'insouciance de la jeunesse face à la stagnation de la maturité (vieillesse)...
Jonathan Chevrier
Acteurs : Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova,...
Budget : -
Distributeur : Wild Bunch
Genre : Epouvante-horreur.
Nationalité : Espagnol.
Durée : 1h40min.
Synopsis :
Susana, un jeune mannequin espagnol, est sur le point de percer dans le milieu de la mode parisien. Mais quand sa grand-mère est victime d’un accident la laissant quasi paralysée, Susana doit rentrer à Madrid dans le vieil appartement où elle a grandi afin de veiller sur celle qui constitue son unique famille. Alors qu’approche leur anniversaire commun, de vieux souvenirs resurgissent en parallèle d’événements étranges, et le comportement de sa grand-mère devient de plus en plus inquiétant…
Critique :
S'il croque une réflexion étonnante sur la vieillesse (ici non pas un pôle négatif à la jeunesse mais bien une entité rebelle voulant la dompter/l'engloutir),#Abuela ne débouche in fine que sur un effort horrifique arthritique qui boite au moment de laisser parler son originalité pic.twitter.com/Ak10zP43nO
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 26, 2022
Retour dans un immeuble madrilène pour le réalisateur de [REC], ce nouveau film de Paco Plaza intrigue dès son ouverture. La grand-mère du titre est impeccablement habillée, focalisée sur une montre, pleine de détermination. Qu'est-ce que tout cela peut signifier ?
Le film est cependant loin d'être très surprenant, passée le prologue. Les thématiques chères à l'horreur récente (Hereditary et Relic en tête) du poids de l'héritage familial et de la vieillesse sont explorées en long et en large avec presque pour seul décor cet appartement bourgeois du premier étage. C'est le gros point négatif du long-métrage : en plus d'une certaine lenteur, le scénario est très convenu et ne laisse pas grande place à l'horreur. On repassera donc pour l'originalité.
Les quelques moments horrifiques, justement, sont assez efficaces, mais pourraient être mieux distillés tout au long du film. Il n'est pas difficile de comprendre les mécaniques à l’œuvre, et si nul jumpscare facile n'est à signaler, la vraie terreur n'a que peu de temps à l'écran. La caméra s'attarde en même temps que le regard de l’héroïne, très lentement, et ne parvient pas toujours à retenir l'attention. Dommage.
Copyright Sony Pictures |
Le film peut cependant s'appuyer sur son casting. Pilar, la grand-mère du titre, est interprétée par la mannequin star de Coco Chanel Vera Valdez, impressionnante de justesse et bien flippante quand il le faut. Sa petite fille Susana, une mannequin déjà jugée « vieille » par la profession à 24 ans, est jouée par Almudena Amor qui a elle-même exercé ce job à Paris. Le lien d'héritage par la beauté et la profession de mannequin est bien exploité dans le film. La peur de la vieillesse prend ainsi un côté plus urgent et encore plus justifié.
Enfin, la vraie force du film se trouve dans sa grande sensibilité, qui en ferait presque plus un drame qu'un film d'horreur. Comment vivre une relation qui s'étiole à cause de l'éloignement, malgré un amour sincère entre une grand-mère et sa petite fille ? De vrais moments déchirants confèrent à l’œuvre une certaine épaisseur. A voir donc plus pour cet aspect que pour le fantastique, pour une fois !
Léa (Cilly Karma)
Copyright Sony Pictures |
Tout le nouvel effort de Paco Plaza ou presque, est animé par la dualité très (trop?) facilement perceptible entre la jeunesse fantasmée et la vieillesse inéluctable, que ce soit par la force d'une mise en scène spéculaire où un scénario habile aux dialogues arborant une troublante symétrie (au point que les mots prononcés par la grand-mère et sa petite fille se confondent parfois).
Mais à la différence de ces précédents efforts, il dépasse ce dualisme avéré pour lui offrir un vrai propos social substantiel : le tabou du vieillissement et du statut des aînés dans la société contemporaine.
Loin d'être étranger - et le mot est faible - au cinéma horrifique, ce " tabou " n'est ici pas tant représenté de manière graphique (la vieillesse comme memento mori, marque du diable et/ou comme laideur grotesque) mais bien dramatique, où elle n'incarne pas tant un pôle négatif à la jeunesse mais bien une entité rebelle voulant dompter la jeunesse et l'engloutir brutalement.
Copyright Sony Pictures |
Usant de thèmes familiers (la déconnexion entre les générations, la question de l'héritage social, l'incompréhension du passé traumatique d'une nation dont on réveille les démons,...) et d'une ambiance joliment oppressante pour mieux nourrir son horreur cérébrale, Plaza se perd néanmoins - et c'est assez ironique - dans sa manière d'aborder l'héritage du body horror sans jamais chercher à le rajeunir d'une quelconque manière qui soit.
Peut-être parce qu'il se dit, tout comme son scénariste Carlos Vermut, que l'efficacité de leur effort passe aujourd'hui uniquement dans la labellisation codée du fantastique (un caractère solennel et dénué de toute subtilité, totalement redevable au gothique contemporain initié par les calques de James Wan), aboutissant à un artefact cinématographique tellement pensé et ficelé à l'extrême pour plaire au grand public, que rien ne déborde (aucune exploration psychologique poussée en tête).
Dommage tant il distille une réflexion fascinante sur la stigmatisation de la vieillesse vaincue par la terreur, mais Abuela ne débouche finalement que sur un exercice horrifique arthritique qui boite au moment où il cherche trop à regarder dans le rétroviseur du passé, au lieu de foncer droit vers l'avenir (l'originalité), chose dont Plaza n'était pas habitué à ses débuts.
Ironiquement, un autre duel entre l'insouciance de la jeunesse face à la stagnation de la maturité (vieillesse)...
Jonathan Chevrier