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[CRITIQUE] : L’Ennemi


Réalisateur : Stefan Streker
Acteurs : Jérémie Renier, Alma Jodorowski, Emmanuelle Bercot, Félix Maritaud, Zacharie Chasseriaud,...
Budget : -
Distributeur : Alba Films
Genre : Drame
Nationalité : Belge, Luxembourgeois, Français.
Durée : 1h45min

Synopsis :
Un célèbre homme politique est accusé d’avoir tué son épouse retrouvée morte, une nuit, dans leur chambre d’hôtel. Est-il coupable ou innocent ? Personne ne le sait. Et peut-être lui non plus.



Critique :


Cinq ans après son excellent Noces, le cinéaste belge Stefan Streker revient avec un quatrième effort hautement ambitieux sur le papier, L'Ennemi, librement inspiré de l’affaire Welphael (un politicien belge soupçonné d'avoir tué son épouse en 2013, alors qu'il maintient lui qu'elle s'est suicidé), qui déjoue étonnamment les attentes, au point de potentiellement décontenancer son auditoire.
Évitant de totalement suivre la voie du drame judiciaire/procédural vissé sur un politicien accusé du meurtre de sa femme, la péloche se fait plus une rumination sur les notions de culpabilité et de jugement, que ce soit celui des autres ou celui que l'on s'impose à soi-même.
Soit les aléas de Louis Durieux, un politicard aussi franc que passionné et (très) ambitieux, décrit comme « l'enfant terrible » de la politique local; un homme qui brûle la vie par les deux bouts, même avec son épouse Maeve, dont les combats sont aussi intenses que leurs rabibochages.
Mais après une nuit fortement alcoolisée, Louis déboule à la réception de l'hôtel ou il séjourne et assure que son épouse vient de se suicider.
Une fois que les journaux ont eu vent de la tragédie, une annonce qui va vite être bousculée par son arrestation puis son procès pour meurtre, Louis est emprisonné au coeur de l'oeil d'un cyclone mediatico-populaire d'examens et de spéculations en tout genre, ou chacun est encouragé à faire ses propres suppositions...

Copyright Alba Films

Moins intéressé par la relation amoureuse toxique et destructrice de son couple central (sans vie ni passion palpable), ni par les affres du drame judiciaire comme dit plus haut, Stecker prend en revanche à bras le corps la vision cataclysmique du tribunal public (avec l'idée, véridique pour le coup, que le tribunal de l'opinion publique est souvent beaucoup plus diviseur que la justice elle-même), tout en restant suffisamment à distance (il ne remet jamais en question la masculinité toxique de son protagoniste principal, qui lui-même ne remet jamais en cause son comportement), en donnant au public de légères variations de la même histoire - la fameuse nuit tragique en question -, sans jamais donner la moindre réponse définitive sur la culpabilité de son sujet. 
Un dispositif à double tranchant, car si le cinéaste cherche louablement à encourager l'opinion individuelle de son auditoire en refusant de définitivement montrer la véracité des faits (la vision de cette nuit varie en fonction de la manière dont elle est retranscrite : images de vidéosurveillance, cauchemars de Louis, description d'un juge, hypothèse d'un codétenu, reportages,...), il ne donne en revanche pas suffisamment de corps à son puzzle narratif faussement tortueux, qui ne cesse de tourner en rond pour artificiellement conserver son mystère.
Dommage tant le casting est au diapason (Jérémie Renier est magnétique, Alma Jodorowski est solaire), l'ambiance est savoureusement anxiogène et la photographie de Léo Lefèvre s'avère vraiment magnifique...


Jonathan Chevrier