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[CRITIQUE] : The Green Knight

Réalisateur : David Lowery
Avec : Dev Patel, Alicia Vikander, Sean Harris, Barry Keoghan, Joel Edgerton…
Budget : -
Distributeur : Amazon Prime Video France
Nationalité : Britannique, Allemand
Genre : Aventure, Drame, Fantastique.
Durée : 2h10min

Synopsis :
À travers cette aventure fantastique et épique basée sur la légende arthurienne intemporelle, The Green Knight raconte l'histoire de Sir Gawain, le neveu téméraire et têtu du roi Arthur, qui se lance dans une quête audacieuse pour affronter le chevalier vert éponyme, un gigantesque étranger à la peau émeraude qui met à l’épreuve le courage des hommes. Gawain doit ainsi affronter des fantômes, des géants, des voleurs et des comploteurs qui feront de son voyage une quête d’identité lui permettant de prouver sa valeur aux yeux de sa famille et de son royaume en affrontant son plus grand adversaire.



Critique :


Tout n'est qu'une question de dualité au coeur du cinéma fascinant de David Lowery, et elle n'a jamais été aussi exacerbée qu'au sein de la narration merveilleusement cryptique de son dernier effort, The Green Knight, douloureusement cantonné à une sortie sur Amazon Prime Vidéo dans l'hexagone, la où sa splendeur et sa fougue visuelle méritaient pleinement une exploitation en salles.
S'il avait déjà su convoquer l'inéluctabilité du temps et la fragilité de l'humanité dans son autre récit inébranlable et contemplatif, A Ghost Story, il applique cette fois-ci ces thèmes au coeur même d'une réflexion autour de la masculinité et de la manière dont l'homme a toujours cherché à s'inscrire dans le temps.
En s'attaquant avec plus ou moins de liberté, à un destin occidental sacré (mais aussi et surtout à tous les bagages emblématiques et symboliques qui l'accompagnent), Lowery veut déceler l'essence de la masculinité et du sacro-saint mythe du héros, en sondant comment nos systèmes de croyances ont été façonnés au fil des siècles, comment nous avons choisi de donner la priorité à certaines qualités par rapport à d'autres et comment nous décidons qui devient un héros - et qui ne l'est pas.
Cette façon d'exalter certains hommes que nous pensons être les meilleurs de notre espèce et la manière dont nous romantisons leurs actes et nous grandissons au travers d'eux, faisant de leurs vies prospères et de leur mort un héritage universel.

Copyright Telepool/A24

Scindé en plusieurs chapitres, la narration prend tous son sens dès " The Christmas Game ", pierre angulaire du métrage ou une créature surnaturelle ressemblant essentiellement à un mini-Sylvebarbe, entre dans la cour du roi et lance un défi de taille : celui qui l’attaque devra se rendre à son chevet exactement une année après cet affrontement, afin de recevoir le même coup en remboursement.
Gauvain, désespéré de faire ses preuves, prend le pari - décapiter le chevalier vert et se rendre compte ensuite, à son horreur et sa peur, que le chevalier vert ne peut pas mourir.
Un an plus tard, il devra honorer son vœu, et en un clin d'œil, le temps a passé et Gauvin doit se mettre en route, laissant derrière lui un roi Arthur malade, une amante Essel inquiète et une mère convaincu qu'il y écrira son destin...
S'amusant à tordre ce qui est la matrice des récits chevaleresques - le mythe Arthurien - pour mieux décortiquer ce qui fait la grandeur d'une légende, The Green Knight se fait une balade mélancolique et intime défiant autant notre sens de la réalité (tout en ne cherchant jamais a rationaliser l'inexplicable) que notre sens même du temps, laissant constamment planer une sensation de mouvement envoûtante dans des lieux désolés (qu'il s'agisse de l'intentionnalité de la démarche d'un géant ou du galop d'un renard qui parle).
Minutieusement conçu aussi bien esthétiquement (de l'extraordinaire photo d'Andrew Droz Palermo au score hypnotique de Daniel Hart, sans oublier le travail fabuleux des décors de la décoratrice Jade Healy et de la costumière Malgosia Turzanska : tout est d'une perfection incroyable) que narrativement (un récit anti-chevaleresque aux oppositions fascinantes : ironie et mélancolie, regret et célébration, peur et fierté,...), la réussite du film réside aussi et surtout dans la puissance de l'interprétation de Dev Patel, dont le visage est littéralement une toile de maître sur laquelle toutes ces émotions s'affrontent et se transforment.

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Une performance dont la physicalité troublée (entre confiance, fierté, honte et désespérance), traduit avec justesse la fragilité d'un homme qui est aux antipodes du chevalier triomphant qu'il rêve d'être : il boit dans les pubs où tout le monde le reconnaît, soir après soir, il squatte dans des maisons closes où toutes les femmes le reconnaissent, nuit après nuit, et il n'a pas encore vu le moindre champ de bataille (et il ne le fera peut-être jamais, tant qu'Arthur peut maintenir son royaume lié), irrite sa mère par son inaction, n'arrive même pas à s'engager avec une amante qui lui propose le mariage...
Méditation existentielle et sardonique autant qu'épopée Arthurienne fantastique et poétique, The Green Knight est une oeuvre chimérique et lyrique, une exploration envoûtante sur la masculinité, les notions de mythe, d'identité, d'honneur et d'héroïsme ainsi que des défis que la vie nous impose, de ceux que nous cherchons à ceux qui s'imposent à nous, et que l'on décide ou non de relever.


Jonathan Chevrier



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