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[CRITIQUE] : La traversée

Réalisatrice : Florence Miailhe
Avec les voix de : Emilie Van Dürr, Florence Miailhe, Maxime Gémin, Arthur Pereira, ...
Distributeur : GEBEKA Films
Budget : -
Genre : Animation, Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h24min

Synopsis :
Un village pillé, une famille en fuite et deux enfants perdus sur les routes de l’exil… Kyona et Adriel tentent d’échapper à ceux qui les traquent pour rejoindre un pays au régime plus clément. Au cours d’un voyage initiatique qui les mènera de l’enfance à l’adolescence, ils traverseront de multiples épreuves, à la fois fantastiques et bien réelles pour atteindre leur destination.


Critique :


Pour leur premier long métrage, la réalisatrice Florence Miailhe accompagnée de sa fidèle scénariste, Marie Desplechin, signent une épopée bouleversante de deux enfants arrachés à leur village et à leur famille. Une grande sœur, Kyona, la narratrice et le petit frère Adriel, le turbulent. Cette histoire, écrite d’abord à quatre mains, s’écrit également pendant le tournage, grâce à la technique de la peinture animée, effectuée en temps réel devant une caméra. Les coups de pinceau deviennent alors partie intégrante du récit, restituant autant une péripétie qu’une émotion.

La traversée s’est construit dans l’histoire familiale de la cinéaste. Ses arrières-grands-parents ont fui Odessa au début du XXème siècle, puis, plus tard, sa propre mère, jeune, a suivi les routes de France vers la zone libre en 1940. Un récit intime mais aussi universel et d’actualité, à l’image des milliers de famille devant fuir leur pays à cause de guerres, de famines, de persécutions et chercher un ailleurs pour se reconstruire.

Copyright GEBEKA Films

C’est la propre voix de Florence Miailhe qui ouvre le film. Elle nous accompagnera tout au long de l’histoire, une voix de Kyona plus âgée, ancrant le récit dans le présent et nous préparant déjà à une fin plus heureuse. Un carnet s’ouvre, comme pour le début d’un conte. Le carnet de Kyona, dessinatrice experte, seul souvenir qu’elle a pu conserver au fil des années, même pendant la dure traversée de son pays pour rejoindre une frontière plus accueillante. Peut-être s’agit-il d’un conte finalement. Un conte horrifique, fait d’hommes masqués, de prison dorée et de forêt mangeuse d’enfants. Mais sous ces airs de folklore se cachent des émotions bien réelles. Celle d’attendre le retour des parents parce que la vérité est trop moche à concevoir. Celle de vouloir survivre, coûte que coûte, pour tenir une promesse et parce qu’on a la responsabilité d’autres vies avec soi. Cet aspect de conte n’est pas renié par les deux scénaristes, l'histoire se nourrit des mythes et de contes, connus de tout⋅es, dans les différents chapitres. Ainsi, on peut voir un peu de Hansel et de Gretel dans les personnages, qui pendant leur traversée, tombent sur un couple bourgeois désirant des enfants. Leur maison, immense manoir aux couleurs d’automne, phagocyte la fratrie et les transforme. La maison n’est pas faite en pain d’épice, mais cache en son sein l’horreur, comme celle du conte. Les feuilles rouges sang se meuvent comme des flammes et forment les barreaux de leur prison. Pourtant, malgré cette ambiance irréelle, apportée par l’animation colorée et vivante, l’épopée des deux jeunes enfants n’en reste pas moins réelle. En se servant des codes des mythes, Florence Miailhe déploie une narration efficace, où la fiction rejoint notre monde.


Copyright GEBEKA Films

Le récit, découpé en quatre chapitres, quatre saisons, offre une palette de couleur illimitée et sert un double propos : celui du voyage et celui du récit initiatique, où les deux enfants quittent leur innocence pour endosser le manteau de la maturité, indispensable à la survie. Leur relation est d’ailleurs le cœur du film. Au moment du départ, ce sont des frères et sœurs classiques. Ils et elles se chamaillent, se crient dessus. La grande sœur ne supporte pas son petit frère et inversement. Mais quand l’autre devient le seul survivant de la famille, le seul sur qui tu peux te reposer, l’autre devient essentiel. Devant grandir trop tôt, leur relation se transforme seulement en quelques mois, contre quelques années si leur enfance avait eu un cheminement classique.

Jouant constamment entre deux atmosphères, réalité et onirisme ; deux genres, conte et documentaire, La traversée propose un récit dense et vivant sur la perte d’innocence et offre un regard ambivalent sur l’horreur mais aussi la beauté d’un monde en mouvement constant.


Laura Enjolvy


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