[CRITIQUE] : Les Sorcieres d’Akelarre
Réalisateur : Pablo Agüero
Acteurs : Alex Brendemühl, Amaia Aberasturi, Daniel Fanego,...
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Espagnol, Argentin, Français.
Durée : 1h32min.
Synopsis :
Pays basque, 1609. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le Sabbat. Quoi qu’elles disent, quoi qu’elles fassent, elles seront considérées comme des sorcières. Il ne leur reste plus qu’à le devenir…
Critique :
Dénonciation de l'obscurantisme au pouvoir autant qu'ode à la
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) August 24, 2021
diversité qui ne se limite pas à la seule lutte féministe, #LesSorcièresdAkelarre lie les horreurs du féminicide et de l'ethnocide dans un drame certes modeste mais au magnétisme envoûtant et à la rudesse écrasante. pic.twitter.com/XTSq8zlBUW
Il y a une vraie continuité grisante dans la vision du cinéaste argentin Pablo Agüero, de pointer du bout de la caméra le supplice de la femme au sein de sociétés profondément patriarcales.
Si son Eva ne dort, sur la figure emblématique Evita Peron (morte prématurément à l'âge de 33 ans, qui fut à la fois la femme la plus détestée et aimée d'Argentine), sondait l'influence révolutionnaire de celle-ci sur la population argentine - mais pas seulement - même après sa disparition, tout en offrant une réflexion pertinente sur la condamnation du corps féminin sur la place publique; son nouveau long Les Sorcières d'Akelarre lui, transcende ce regard politique pour élargir son cadre historique et plonger au coeur de la vague de féminicides aveugles lancée en pleine chasse aux sorcières, dans l'Espagne du début du XVIIe siècle.
En offrant une réflexion sur les distorsions et les horreurs du passé, pour mieux représenter leur projection sur le présent, Agüero montre comment la sorcellerie supposée incarne un véhicule politique puissant autant pour revendiquer un tant soit peu de liberté - féminine ou ethnique -, que de bouclier (impuissant ?) dans la lutte contre l’oppression - mortelle - patriarcale, quelle soit familiale, religieuse ou sociétale.
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Aussi attentif à la délimitation des psychologies de ses personnages (chacune est bien croquée et distinctes, des six héroïnes au déterminé et glacial inquisiteur qui les prend pour cible) qu'à la précision de sa mise en scène théâtrale et percutante, Agüero, qui s'inspire d'une figure historique bien réelle (l'inquisiteur Pierre de Rosteguy de Lancre, responsable de la torture et du meurtre d'un nombre conséquent de femmes innocentes), cristallise toute la tension de son récit réaliste et rigoureux, sur son opposition de deux visions opposée de l’humanité ou la répression de la première, ne fait que renforcer l'affirmation vibrante de liberté de la seconde (jugée coupable avant même d'avoir un procès), rébellion fière et légitime du corps féminin contre sa " fonction " imposée par l'autorité masculine, de n'être qu'une machine reproductrice.
Dénonciation de l'obscurantisme au pouvoir - religieux comme royal, annhilant toute identité qui n'est pas " conforme " - autant qu'ode à la
diversité (ethnique, culturelle, linguistique) qui ne se limite pas à la seule lutte féministe (les peuples basques étaient pour le pouvoir espagnol de l'époque, l'incubateur naturel des ferments révolutionnaires, le berceau d'un peuple fièrement autonome qui parle sa langue et adopte des modes de vie éloignés de ceux de la noblesse et de la bourgeoisie urbaine naissante); Les Sorcières d'Akelarre allie les horreurs du féminicide à ceux de l'ethnocide dans un drame historique certes modeste mais au magnétisme envoûtant et à la rudesse écrasante.
Définitivement, une séance immanquable de cet fin d'été ciné 2021.
Jonathan Chevrier