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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #132. Rambo : First Blood Part II

Copyright Carolco Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se baladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leur mot à dire...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !


#132. Rambo II : La Mission de George P. Cosmatos (1985)

Au moins tout autant que Rocky III - l'oeil du tigre et - surtout - sa suite Rocky IV, Rambo II : La Mission incarne la mutation aussi bien d'un Stallone en superstar numéro une d'Hollywood (totalement bourreau et victime de la mode de son époque, lui qui épousera toutes les bordures même les plus sombres, du rêve américain), que de la transformation d'une Amérique sous l'ère Reagan, à l'idéologie conquérante et férocement nationaliste, préférant oublier - volontairement - un passé récent douloureux et peu glorieux (la guerre du Vietnam, une défaite niée au profit d'une vendetta envers l'institution qui a abandonné ses soldats aux combats), pour mieux embrasser un révisionnisme conservateur qui va pourtant vite montrer ses limites.
Mais si Sly a changé, tout le monde peut arriver à changer (tu l'as la référence ?) et surtout John Rambo, un mythe qu'il n'a pas créé lui-même (il est né de la plume de l'écrivain David Morrell), mais qu'il a façonné à son image à tel point qu'il en est totalement indissociable depuis la sortie de First Blood - et encore plus aujourd'hui.

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" Ce que vous appelez l'enfer, il appelle ça chez lui. "

S'il n'est plus le symbole de la frustration et de l'incompréhension frappant tous les vétérans du Vietnam, incapable de se réinsérer dans leur propre pays qu'ils ont défendus jusqu'à la mort, Rambo reste en revanche la bête de guerre dressée pour tuer, exemptée de son destin funeste (il part en prison, là où il mourrait dans le roman), et fin prête à retrouver les terres qui l'ont terriblement traumatisées.
Vissé à la théorie/polémique Reagannienne réfutée depuis par une enquête du Congrès - mené notamment par John McCain, lui-même torturé et emprisonné là-bas -, comme quoi des soldats ricains disparus pendant le conflit, seraient toujours en vie et détenus par les milices ennemis depuis la fin du conflit en 1973 (une polémique qui avait déjà inspirée Ted Kotcheff, papa de First Blood, deux ans auparavant avec le merveilleux Uncommom Valor); le premier pitch de Rambo II signé Kevin Jarre, suit le tempo des deux missions privées avortées par le colonel Bo Gritz (missions secrètes mais tellement médiatisées qu'elles seront tuées dans l'oeuf), qui auraient vu des commandos de la Delta Force faire des repérages sur le terrain et même tenter de sauver de potentiels survivants.
Un pitch vite révisé par un James Cameron alors débutant dans le milieu - mais fasciné par le conflit au Vietnam -, dont l'implication va vite être diluée sous la force autoritaire de la plume de... Stallone himself.
Si son script était sensiblement plus brutal (John Rambo n'étant plus, au départ, en prison mais bien dans un hôpital psychiatrique), avec un Rambo plus réaliste et moins mécanique/bestial, ou la première partie se serait totalement focalisée sur les traumas du personnages (déjà bien présents dans le premier film, mais ici le héros aurait été encore plus hanté, et son retour au Vietnam aurait été une manière pour lui d'exorciser ses démons); Stallone lui donnera, tout en conservant ses scènes d'action spectaculaires (mais qui débarquait beaucoup trop tard pour Sly) mais pas complètement ses petites dérives buddy moviesque (Co Bao remplacera un lieutenant sidekick spécialité dans la technologie de pointe), des contours résolument plus manichéens et mainstream, conscient que le public ne veut plus voir d'électrochoc (First Blood, cousin pas si éloigné de The Deer Hunter), mais bien un défouloir régressif et entraînant.

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" Pour survivre à la guerre, il faut devenir la guerre. "

Si Cameron exorcisera sa frustration quelques années plus tard, en recyclant ses idées dans le bouillant Aliens, le retour (notamment son thème cher de la femme guerrière, totalement absente ici ou tout du moins réduit au simple statut d'agent de liaison/love interest), Stallone lui, aussi bien devant que derrière - officieusement - la caméra, laissera exploser son ambition de faire de cette suite le film d'action ultime : pétaradant, régressif - voire cartoonesque -, avec de vraies crevures géniales à l'écran (Martin " Karaté Kid " Kove, Charles Napier, Steven Berkoff, en lieu et place d'un Dolph Lundgren finalement embauché en tant qu'Ivan Drago dans Rocky IV un an plus tard) mais surtout avec le grand vilain communiste majeur en tête de gondole, l'URSS, histoire de bien démontrer que l'on est en pleine guerre froide - et donc que les américains sont les plus forts.
Une excessivité qui se retrouve jusque dans la carrure du comédien, plus imposant physiquement que jamais (un entraînement spartiate et proprement dingue, allongé sur plus d'un an entre la préparation du film, le tournage et le même cycle sur Rocky IV, tourné justement ses soins dans la foulée), et qui se veut constamment en mesure d'être l'arme absolue contre le mal, tout en ressemblant à un véritable Dieu vivant tout droit sculpté dans le marbre de la Grèce antique.
Ce n'est d'ailleurs, tout comme dans Last Blood trente-quatre ans plus tard, que lorsqu'il perdra un être cher - Co Bao ici -, qu'il laissera sortir la fameuse bête qui est en lui pour " annihiler " l'ennemi, une machine à tuer torturée qui ne tue que par raison : ici une quête de vengeance (et non un penchant vulgaire de se " taper du Viet ou du Ruscoff ", que l'on retrouvera dans ses nombreux rip-off cela dit) qui se substitue à une quête de survie (et de légitime défense) désormais obsolète puisque qui peut tuer un homme innarêtable, qui lui-même ne peut se contrôler ?
Il y a quelque chose de profondément poétique d'ailleurs dans le romantisme latent de l'amour avorté entre Co Bao et Rambo, présent dans le script de Cameron (ou la caractérisation du personnage était riche, là ou elle est ici limitée à peau de chagrin), mais à peine esquissé dans le rendu final, un ajout qui aurait pourtant permis à Stallone de retrouver autant la douceur de Rocky (et même plus simplement, son humanité criante), que de renforcer la folie dévastatrice et sauvage de sa vengeance.

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" Cette fois, on y va pour gagner ? "

Blockbuster rythmé, guerrier et d'une force brute fascinante, bourré jusqu'à la gueule de dialogues cultes et de séquences iconiques (sublimées autant par la photo bouillante de Jack Cardiff que le score barbare de Jerry Goldsmith), Rambo II : La Mission, officiellement signé George P. Cosmatos (comme Cobra), mais officieusement dominé d'une main de maître par Stallone, est un sommet du cinéma d'action des 80's - mais pas que -, qui s'avère in fine aux antipodes des accusations racistes et facistes qu'on lui a étiqueté sur la pellicule avec une véhémence absurde (en revanche, difficile de réfuter ses penchants patriotiques on ne peut plus marqués, ce qui n'en fait pas pour autant un outil de propagande républicaine); tout comme le chef-d'oeuvre Red Dawn de John Milius, quelques temps plus tôt, ou le fruit d'une minorité de critiques polluantes, dénigrant sensiblement toutes séries B faciles qui se respectent.
Tout le long du métrage, John Rambo n'est resté qu'égal à lui-même, une neutralité évidente (et pas uniquement dans son vibrant discours final, qui comme pour le premier film, remet clairement les choses à leur place) qui tranche avec les opinions républicaines de l'institution de son pays (incarnés par Trautman mais surtout Murdock, qui préfère laisser pour mort les soldats pour mieux enterrer le passé), lui qui se place encore une nouvelle fois seul contre tous et surtout face à la branche administrative US, qui en fait de la chair à pâté au beau milieu de la jungle.
Évidemment moins maîtrisé que son chef-d'oeuvre d'ainé, ce second opus n'en garde pas moins en son coeur toutes ses thématiques (les quêtes de reconnaissance et du père personnifiées par Trautman, la trahison militaire, la désobéissance face aux ordres, une charge féroce contre un gouvernement bâti sur les mensonges et la tromperie,...), qu'il arrive à ne pas totalement sacrifier sur l'autel du divertissement populaire et gentiment binaire, ou le bien (America) se donne bonne conscience en fracassant le mal (les communistes et surtout l'URSS).
Un vrai grand film, quoi qu'en diront certains.


Jonathan Chevrier