[CRITIQUE] : The Boys in The Band
Réalisateur : Joe Mantello
Acteurs : Jim Parsons, Zachary Quinto, Matt Bomer, Andrew Rannells,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Américain
Durée : 2h01min
Synopsis :
Dans un appartement de l’Upper East Side, Michael, homosexuel cynique au
train de vie princier, organise une fête d’anniversaire pour son ami
Harold. Alors que les premiers convives s’amusent et se charrient,
Harold tarde à apparaître. Michael doit en outre accepter un invité de
dernière minute : son ami de fac Alan, homme marié qu’il soupçonne
d’être un " homo refoulé ". Lorsqu’Harold arrive enfin, celui-ci affiche
une humeur sarcastique qui alourdit l’atmosphère. Chacun laisse alors
éclater ses rancoeurs…
Critique :
Entre le rappel brut (même si le film de Friedkin n'a pas perdu un iota de sa force) et le constat plus moderne, remuant une réalité toujours aussi rude avec une puissance implacable, #TheBoysinTheBand est un formidable drame, aussi drôle et perspicace que subtilement déchirant. pic.twitter.com/ICsLuagA8L
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 30, 2020
Passé le premier virage des festivals, soit pour ainsi dire chaque rentrée, et il n'y a rien de moins étonnant à voir toutes les firmes commencer doucement mais sûrement à avancer leurs pions quand à la future course aux statuettes dorées, et force est d'avouer que plus que n'importe quelle saison jusqu'à maintenant, Netflix n'a jamais paru aussi armé pour emporter l'adhésion de masse, en alignant autant les achats malins que les productions accrocheuses.
Après un Le Diable, Tout le Temps qui en aura sûrement laissé plusieurs de marbre (dommage...), la plateforme met un franc coup d'accélérateur et dégaine le bouillant The Boys in The Band, nouvelle adaptation sur grand écran du hit off-Broadway révolutionnaire de Mart Crowley - décédé en mars dernier -, pile poil cinquante ans après celle de William Friedkin (sans qu'il n'en soit totalement un remake), qui n'a décemment rien perdu de sa superbe même avec un demi-siècle au compteur.
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Véritable symbole artistique de la lutte pour le droit des homosexuels outre-Atlantique (joué un an avant les émeutes de Stonewall - qui voient naître les premières luttes du mouvement LGBT), échoué à Joe Mantello et porté par un casting de talent juste dément, cette nouvelle adaptation, plus fluide et élégante que les précédentes, dont la pureté d'exécution et la liberté de ton, semble justement tout droit venue des 60's inquiète mais vivante qu'elle dépeint.
Avec ses fausses allures de telenovela intense et anxieuse, le film ne se voit pas tant comme les arcanes d'une fête d'anniversaire ou les blagues acérées et les coups de canifs verbaux étaient assenés avec énergie presque pour leur propre bien, mais bien comme une sorte de huis clos mélancolique ou les aveux effilochés de dégoût de soi et une rage aux gants de velours, prennent la forme douloureuse de cris intimes les poussant à affirmer leur identité dans un monde importun et inapte (encore aujourd'hui, au fond) à accepter ce qu'ils sont.
Mantello enlaçe ses fêtards à la fois dans l'alliance et l'antagonisme avec un dynamisme surprenant (pas une mince à faire avec un matériau original aussi scénique) mais résolument moins de fureur que Friedkin, pour mieux les faire devenir dans une sorte de réflexion un brin méta, les représentants vibrants et aux personnalités bien distinctes - et dont chaque nuances est joliment approfondie -, d'une communauté confrontée à la gravité de sa marginalité.
À ce petit jeu, Jim Parsons domine outrageusement ses camarades de jeu, dans une partition vénimeuse mêlant fêlures et sadisme de manière encore plus poussée que pour la récente Hollywood (vagabonder chez Ryan Murphy lui va si bien), maître d'un jeu d'auto-lacération particulierement triste et sauvage.
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Entre le rappel (même si le film de Friedkin, comme dit plus haut, n'a pas perdu un iota de sa force) et le constat plus moderne, remuant du bout de la pellicule une réalité toujours aussi rude avec une puissance implacable, The Boys in The Band est un formidable drame, aussi extrêmement drôle que subtilement déchirant, une oeuvre qui a un regard plein de perspicacité sur la condition humaine universelle, et qui démontre qu'il ne faut pas prendre le moindre des petits progrès sur un demi siècle, comme quelque chose d'acquis...
Jonathan Chevrier