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[CRITIQUE] : Antigone


Réalisatrice : Sophie Deraspe
Acteurs : Omar Nahéma Ricci, Rachida Oussaada, Nour Belkhiria,...
Distributeur : Les Alchimistes.
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Québecois, Canadien.
Durée : 1h49min.

Synopsis :
Antigone est une adolescente brillante au parcours sans accroc. En aidant son frère à s'évader de prison, elle agit au nom de sa propre justice, celle de l'amour et la solidarité.
Désormais en marge de la loi des hommes, Antigone devient l'héroïne de toute une génération et pour les autorités, le symbole d'une rébellion à canaliser...




Critique :


Il y a quelque chose de profondément enthousiasmant dans cette rentrée ciné 2020, qui tranche avec la morosité ambiante dû au Covid-19, dont la menace semble plus que jamais aux aguets; quelque chose de réconfortant dans l'idée que le septième art tente de se remettre peu à peu de la crise qui le cisaille de partout.
Entre un soutien en salles espéré pour Tenet, un été particulièrement prolifique en séances de qualité, et un retour progressif des festivals hexagonaux, l'humeur est plus que jamais tourné vers l'espoir, et ce ne sont pas les sorties de la semaine, qui viendront contredire ce sentiment, même les plus mineures...
Pour son quatrième passage derrière la caméra, sobrement titré Antigone, la talentueuse cinéaste québécoise Sophie Deraspe opère un sacré pari : une réimagination/transposition moderne de la tragédie grecque éponyme de Sophocle, en la catapultant dans le Canada d'aujourd'hui et, plus directement, dans la banlieue de Montréal, en gardant scrupuleusement la même assise littéraire - jusque dans l'usage des mêmes prénoms du matériau d'origine.


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On y suit les aléas d'Antigone, petit bout de femme intelligente qui a un sens puissant de sa propre identité, et qui suite au meurtre de ses parents, doit quitter son pays natal déchiré par la guerre, pour débarquer avec sa sœur Ismène et ses frères Étéocle et Polynice, dans un petit appart exigu de l'autre côté du globe, avant d'être rejoint peu de temps après par leur grand-mère Ménécée.
Sauf que la famille est destinée à la tragédie, et celle-ci va les rattraper à nouveau lorsque qu'Étéocle est impliqué dans l'arrestation d'un petit criminel/trafiquant de drogue, et se retrouve entre les barreaux...
Explorant les thèmes universels du sacrifice, de la responsabilité morale et de la loyauté familiale (qui rappellerait presque les premiers efforts new-yorkais de Martin Scorsese), au travers de la quête de justice puissante et désespérée d'une jeune femme immigrée vulnérable et intimement touchante (Nahéma Ricci, éblouissante), devant également faire coïncider ses valeurs avec un monde pénal exclusivement - ou presque - masculin; Antigone trace les contours d'un regard cru sur la crise des réfugiés (difficulté d'intégration couplé au manque de confiance face à l'autorité, abusive envers eux par le passé), dans un cadre ici encore inexploré - les quartiers ouvriers de la mégalopole Canadienne.
Le tout, en se payant le luxe pas forcément évident sur le papier, d'offrir une mise à jour 2.0 au monument de Sophocle, avec des enjeux et des codes contemporains.


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Faire coïncider tragédie grecque avec les réseaux sociaux, le rap et le street art, tout en gardant tout du long le cap de la chronique dramatico-sociale au réalisme frontal, tissée autour d'un portrait de femme douloureux (sans ne jamais brader la complexité des deux bords de son histoire), totalement connecté avec le ton et la forme arborée par le film; c'est le pari ardu opéré par Sophie Deraspe, non sans quelques heurts il est vrai (ou quelques tics irritants), et un parti pris général qui en laissera sans doute plus d'un sur le carreau.


Jonathan Chevrier



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