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[CRITIQUE] : 17 Blocks


Réalisateur : Davy Rothbart
Acteurs : -
Distributeur : Sophie Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h35min

Synopsis :
En 1999, Emmanuel Sanford-Durant, 9 ans, et sa famille commencent à filmer leur quotidien dans le quartier le plus dangereux des États-Unis, juste à 17 pâtés de maison du Capitole. Ils n'ont pas arrêté de filmer depuis. Réalisé dans une unique collaboration avec le réalisateur et journaliste Davy Rothbart sur une période de deux décennies, "17 Blocks" nous éclaire sur la crise actuelle d'une nation à travers une saga familiale profondément personnelle, brute et émouvante.



Critique :


Il y a quelque chose de profondément ironique dans le titre qu'à donné Davy Rothbart à son bouillant documentaire, tant 17 Blocks (pâtés de maison) est tout simplement la distance qui sépare le Capitole américain et le quartier de Washington DC, où réside la famille qui est au coeur de son projet.
Une toute petite distance et pourtant, il y a véritablement un monde qui sépare les deux localisations, à en croire les dures réalités de la vie quotidienne si puissamment décrites dans le documentaire, qui ouvre en grande pompe la section US du dernier CEFF.
Tout part d'un pur hasard : à la suite d'une rencontre fortuite entre Rothbart et deux enfants sur un terrain de basket public en 1999, Smurf Sanford-Durant (15 ans) et son frère Emmanuel (9 ans), le cinéaste s'est lié d'amitié avec eux (ainsi qu'avec leur mère Cheryl et sa sœur Denice), et lorsque Emmanuel lui a manifesté son intérêt à l'idée de devenir cinéaste, Rothbart lui a prêté une caméra vidéo...
Dès lors, et sur pas moins de deux décennies, le gamin va réaliser une pluie de petits films familiaux qui vont former un portrait intense et bouleversant d'une famille afro-américain aimante aux prises avec un quotidien difficile et précaire, au coeur d'un quartier gangrené par la pauvreté, la drogue et la violence, et d'autres douloureux problèmes.


Copyright Sophie Dulac Distribution

Une mise en image fiévreuse et empathique d'un véritable fléau urbain ou l'innocence n'a pas sa place (même pour les enfants), jonché de joies et de chagrins, mais dont la violence viscérale masque aisément toute respiration réconfortante (les repas familiaux ne sont rien face au passage à tabac horrible d'un môme dans la rue).
Vissé de manière totalement subjective sur les deux frères, aux parcours cruellement différents (l'aîné réitère les mêmes erreurs que ses parents, et se perd dans le trafic de drogue, le cadet est un élève diplômé qui s'accroche à son rêve de devenir pompier pour s'en sortir), jusqu'à un dernier tiers presque insoutenable, tant l'empathie pour la famille Sanford-Durant est sincère (une tragédie qui nous toucherait presque personnellement); 17 Blocks est une séance coup de poing, jamais tronqué par sa narration décousue ou sa technique parfois perfectible, une pure expérience émotionnelle sur les difficultés d'une famille - parmi des milliers d'autres - constamment oubliés par leurs illustres voisins (Bush, Obama et Trump, dont la politique a vraisemblablement eu un effet certain sur leur vie), et dont on ressort totalement lessivé.
Le miroir furieux d'une Amérique ou le mal est partout, la violence banalisée, l'injustice prédomine et ou le bonheur est utopique, mais surtout ou les inégalités sont de plus en plus croissantes.
Une immense leçon d'humanité et un pur must-see, et encore plus aujourd'hui.


Jonathan Chevrier



Copyright Sophie Dulac Distribution

Durant deux décennies, une famille vivant à Washington D.C se filme, nous invitant ainsi dans leur quartier et intimité, où règnent la violence et le deuil.
En proposant innocemment de prêter sa caméra à un jeune garçon noir du quartier populaire de Southeast, l’un des plus violents à seulement 17 rues du Capitole, le cinéaste Davy Rothbart ne sait pas encore qu’il va filmer pendant 20 ans le quotidien des Sanford-Durant. 17 Blocks n’est d’ailleurs pas seulement son film, mais celui de la famille également, qui prend à bras le corps la caméra, pour se présenter et filmer leur dynamique entre eux. Cheryl, maman célibataire de trois enfants, qui s’en sort difficilement et se drogue fréquemment. Akil l’aîné, surnommé Smurf, qui a quitté l’école pour vendre de la drogue. Denice, la cadette aura un enfant jeune et finira par intégrer les forces de police. Et Emmanuel, le petit dernier, qui veut aller à l’université et devenir pompier. La caméra devient le cinquième membre de la famille, le témoin des joies, des peines, captant des instants de vie parfois insoutenable à voir, mais essentiel pour comprendre. Comprendre leur mode de vie, leurs choix, leur colère et leur résilience.
Cheryl, maintenant grand-mère, revient dans la maison de son enfance. Brisée par la culpabilité, elle nous confie en voix-off : “mes actes ont entraîné une réaction en chaîne”. Nous ne comprenons pas encore à quoi elle fait allusion, mais sa voix fragilisée par l’émotion nous dit qu’elle n’a pas eu une vie tranquille. La famille se livre, sans pudeur ni gêne.
Cheryl confie sa surprise d’être dans une situation aussi précaire, alors qu’elle a grandi dans un quartier aisé et qu’elle a fréquenté de bonnes écoles. Il s’est passé des choses, certaines qu’elle finira par raconter, d’autres qu’elle gardera pour elle. La drogue fait partie intégrante de leur vie, Cheryl en consomme, Smurf en vend. Une emprise sinueuse mais bien réelle. 

Copyright Sophie Dulac Distribution

Nous avons parfois envie de détourner le regard face à ce cinéma-vérité. Les images, de fiction ou documentaire, sont contrôlées par la mise en scène, par un ou plusieurs regards qui permettent une distanciation confortable aux spectateurs. Ce n’est pas le cas ici, car malgré la désignation de Davy Rothbart en tant que réalisateur de ce projet, le point de vue est celui de la famille, qui n’a aucun recul cinématographique. Cheryl, défoncée et à moitié nue dans son lit, un tabassage en règle, le sang de Emmanuel sur les murs, la mise en bière d’un défunt. Ce réalisme nous met dans la position inconfortable du voyeur, conscient de l’être, mais curieux d’en voir plus.
17 Blocks n’est pas seulement un documentaire sur la famille Sanford-Durant. Même si certaines situations sont personnelles et spécifiques à cette seule famille, la tragédie qu’ils ont le malheur de vivre les dépasse. Car elle rentre dans un contexte plus général des problèmes liées à la drogue et à la discrimination raciale. La violence à laquelle nous sommes témoins n’est pas un hasard, elle montre l’ampleur de la dégradation de la vie quotidienne des minorités. 17 Blocks ne nous raconte pas seulement une histoire, mais nous la fait vivre, expérience immersive, presque comme si ce récit était le nôtre. L’espoir est peut-être utopique pour eux, mais la reconstruction est bien réelle.
17 Blocks est une preuve à lui tout seul que le cinéma est politique, que l’intime est politique. En donnant une caméra à cette famille, Davy Rothbart leur donne l’opportunité d’être entendu, d’être vu, mettant leur expérience de vie à la hauteur du pays tout entier. Si le film prend fin, l’histoire n’est malheureusement pas terminée. Les noms des victimes décédées à la suite de la violence armée rien que dans le quartier de Washington en est un rappel choc, mais nécessaire.



Laura Enjolvy 


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