[CRITIQUE] : Horse Girl
Réalisateur : Jeff Baena
Acteurs : Alison Brie, John Ortiz, Debby Ryan, Paul Reiser,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h44min.
Synopsis :
Sarah, une jeune femme marginale passionnée de loisirs créatifs, de chevaux et de séries policières surnaturelles, voit ses rêves de plus en plus étranges prendre le pas sur la réalité.
Critique :
Dominé avec justesse par une Alison Brie absolument époustouflante, #HorseGirl est un trip attachant et singulier sur les troubles mentaux, la solitude et le manque d'empathie, qui fait le choix culotté d'aborder passivement ses sujets plutôt que de les décortiquer frontalement. pic.twitter.com/x3b6REvZ09— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 7, 2020
Près d'une décennie après l'arrêt de la vénéré Community (Annie Edison ♡), la merveilleuse Alison Brie continue tranquillement mais sûrement son petit bout de chemin aussi bien sur le petit que sur le grand écran, non sans quelques choix de carrière plutôt malin.
En attendant de clore ses prouesses in-ring dans l'ultime saison de GLOW, elle reste vissée sur la plateforme Netflix en ces premières heures de février avec le bien nommé Horse Girl, fruit de sa nouvelle collaboration avec l'atypique cinéaste Jeff Baena, et qui vient tout juste d'être adoubé par le très sélect festival de Sundance.
Premier projet ou sa plume est enfin célébré - elle est officiellement crédité au scénario -, la péloche s'attaque au sujet complexe des maladies mentales, en prenant le parti-pris de ne jamais l'aborder frontalement, via le prisme d'une jeune femme, Sarah, socialement maladroite et dont la santé mentale se détériore rapidement (un trauma déjà au sein de sa famille, via sa grand-mère dont on aborde les soucis d'assez loin); soit l'idée hautement casse-gueule mais ambitieuse d'explorer les tenants d'un déclin douloureux et inévitable du point de vue de quelqu'un qui ne peut justement pas faire la différence.
Copyright Katrina Marcinowski / Netflix |
Pour Brie, et ce n'est absolument pas un détail tant elle a pu le batir elle-même de bout en bout, le personnage de Sarah est sans aucun doute le personnage le moins comique de toute sa carrière, ou la verve pétillante de son jeu laisse ici place à une maturité étonnante, voire même à une noirceur insoupçonnée tant elle met un soin incroyable à dissocier son personnage de tout ce qu'elle a pu offrir à l'écran auparavant.
Elle est l'élément primordiale, la mécanique complexe mais enivrante de la réussite qu'incarne le métrage, sorte de comédie décalée et de bulle fantaisiste tragique, arborant un équilibre miraculeux entre un ton délicat et une forme résolument excentrique et cartoonesque, qui veut montrer les actions de son héroïne adorablement naïve comme idiosyncrasiques, voire pleinement détachées de la réalité, avant de totalement redistribuer les cartes dans un ultime tiers destructeur et marquant une rupture brutale mais nécessaire.
Un trip attachant et singulier sur les troubles mentaux, la solitude et le manque d'empathie, qui fait le choix culotté d'aborder passivement ses sujets au lieu de les décortiquer frontalement (ou avec un penchant plus solennel), un parti-pris osé (qui épouse pleinement l'idée la subjectivité de l'art, qui ne doit pas toujours traiter en profondeur les thèmes abordés) mais infiniment louable (mieux vaut survoler quelque chose que l'on ne maîtrise pas, au lieu de le traiter avec lourdeur), qui tient au fond, comme dit plus haut, intégralement ou presque sur l'écriture et la performance de Brie.
Incroyable dans sa manière de contenir un large panel d'émotions - et de voguer entre elles - au coeur d'un personnage pourtant méchamment réservé, elle capture la délicatesse la complexité de la psyché de Sarah, ainsi que le sentiment tragique qu'elle commence peu à peu a progressivement peur, et que son état mental la terrorise.
Copyright Katrina Marcinowski / Netflix |
Avec une sincérité et une justesse rare (toutes les nuances de son jeu d'actrice sont ici dévoilées sans filet), elle transmet tous les petits détails cruciaux de la lente descente d'une femme, sans que le film lui-même ne la condamne en lui offrant un diagnostic strict.
Une performance majeure, dont on espère que la reconnaissance ne sera elle, pas mineure...
Jonathan Chevrier