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[CRITIQUE] : Sorry To Bother You

 

Réalisateur : Boots Riley
Acteurs : Lakeith Stanfield, Armie Hammer, Tessa Thompson, Danny Glover, Steven Yeun, Jermaine Fowler, Omari Hardwick, Terry Crews,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Comédie, Fantastique, Science-fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
Après avoir décroché un boulot de vendeur en télémarketing, Cassius Green bascule dans un univers macabre en découvrant une méthode magique pour gagner beaucoup d'argent. Tandis que sa carrière décolle, ses amis et collègues se mobilisent contre l'exploitation dont ils s'estiment victimes au sein de l'entreprise. Mais Cassius se laisse fasciner par son patron cocaïnomane qui lui propose un salaire au-delà de ses espérances les plus folles…



Critique :

Il y a une petite satisfaction non négligeable d'avoir la chance de pouvoir mirer en salles le très buzzé et alléchant Sorry To Bother You de Boots Riley, à une heure ou plus d'un distributeur botte volontairement en touche en jouant gentiment la carte du VOD, voire celle de plus en plus fréquente, d'une Netflix qui s'est rendu plus forte que jamais en récupérant les bébés d'exception en cours de production - chapeau Universal Pictures.
Une petite satisfaction donc mais surtout, une excitation certaine d'avoir pu découvrir dans des conditions optimales, ce qui est sans doute l'un des premiers films les plus grisants et importants de ces dernières années.
Gentiment intercalé derrière la figure tutélaire de Spike Lee (une filliation encore plus prégnante quand on voit la sortie du film arrive juste quelques temps après celle de son BlacKkKlansman), la péloche est un bouillant brûlot politique autant qu'une enthousiasmante satire sociale aussi ambitieuse qu'elle est sans concession, frappant de tout son long là où ça fait mal, que ce soit subtilement ou de manière plus frontale.



Fruit d'une mûre réflexion autant dans le fond que dans sa forme (on sent le script bétonné brique par brique), se servant du genre comique (comme King Carpenter avait pu le faire avec la SF pour son formidable Invasion Los Angeles) pour mieux asséner son généreux - et nécessaire - message contestataire, Sorry To Bother You, vraie dystopie façon trip sous acides prenant ses bases dans une vérité bien réelle, suit l'ascension fulgurante d'un homme, Cassius Green, " trichant " pour réussir socialement, et mieux booster un quotidien ou il galère trop souvent pour joindre les deux bouts.
Employé d'un centre d'appel, il va contourner le racisme systémique grâce à une astuce folle - prendre sa " voix de blanc " - pour mieux multiplier ses ventes et gravir les échelons de son entreprise, évitant ainsi le temps et le prix d'un effort de syndicalisation mené par ses amis, et résolument voué à l'échec.
Prenant son temps pour installer ses enjeux - réalistes - et ses personnages (finement croqués, et poussant de facto à l'empathie), avant de volontairement plonger tête la première dans l'absurde jouissif, Boots Riley déboulonne de l'intérieur le mythe biaisé autant de la méritocratie que de l'American Dream, et profite de l'occasion pour encore plus gifler avec puissance les travers d'une Amérique boursouflée par le racisme et les inégalités (et la suprématie blanche), sans pour autant laisser de côté les dérives du capitalisme (la marginalité de l'économie des petits boulots, les inégalités croissantes, la crise du logement, la similarité à peine masquée avec l'esclavagisme,...).



Car oui, le métrage tire sur tous ce qui bouge avec un dynamisme incroyable, pointe avec rage du bout de la pellicule les problèmes actuels de la société contemporaine, joue à merveille autant avec sa caméra (la direction artistique est léchée) qu'avec plusieurs genres dont il connaît tous les codes (la satire politique, la comédie décomplexée, la SF,...) et s'appuie autant sur une écriture acerbe et sûre qu'une partition appliquée de son casting vedette (chacun à l'opportunité de briller, mais menton au trio Lakeith Stanfield/Armie Hammer/Steven Yeun, génial).
Barré et décalé mais jamais à l'ouest, drôle et furieusement inventif, Sorry To Bother You est une charge atomique mais jamais moralisatrice, né d'une indignation commune envers le capitalisme - mais pas que -, un pur trip sous LSD féroce mais surtout infiniment nécessaire et immanquable, comme une cousine satirique de la brillante série Atlanta de Donald Glover.


Jonathan Chevrier


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