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[CRITIQUE] : L'Empereur de Paris


Réalisateur : Jean-François Richet
Acteurs : Vicent Cassel, Freya Mavor, August Diehl, Fabrice Luchini, Olga Kurylenko, Denis Ménochet, Patrick Chesnais,...
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : -
Genre : Historique, Policier.
Nationalité : Français.
Durée : 1h50min.

Synopsis :
Sous le règne de Napoléon, François Vidocq, le seul homme à s'être échappé des plus grands bagnes du pays, est une légende des bas-fonds parisiens. Laissé pour mort après sa dernière évasion spectaculaire, l'ex-bagnard essaye de se faire oublier sous les traits d'un simple commerçant. Son passé le rattrape pourtant, et, après avoir été accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis, il propose un marché au chef de la sûreté : il rejoint la police pour combattre la pègre, en échange de sa liberté. Malgré des résultats exceptionnels, il provoque l'hostilité de ses confrères policiers et la fureur de la pègre qui a mis sa tête à prix...



Critique :

On se souvient tous, douloureusement, du Vidocq de 2000, mis en boîte par Pitof (Catwoman, c'était lui aussi), sommet de nanardise absolu, autant magnifié par une mise en scène illisible - révolution technologique qu'ils disaient - qu'une photographie dégueulasse, et dans lequel notre Gégé Depardieu national cabotine joyeusement de la bedaine, tandis que Guillaume Canet, horrible (le final, pur must-see), y trouvait le pire rôle de sa jeune carrière.
Pas facile donc, de passer derrière un tel désastre artistique et financier, et c'est le pari que s'est lancé le duo Jean-François Richet/Vincent Cassel (le diptyque Mesrine, Un Moment d'Egarement), dans ce qui s'annonçait comme la grosse superproduction made in France de la fin d'année ciné 2018 : L'Empereur de Paris, immense pari (22 millions d'euros au compteur) visant à incarner à la fois un film d'aventure fédérateur en salles, qu'un divertissement à même de redonner ses lettres de noblesse à la figure Napoléonnienne légendaire Eugène-François Vidocq.



Sorte de micro hagiographie du destin hors normes du bagnard devenu héros intemporel de la ville de Paris, ne perdant pas de temps à présenter autant ses enjeux - simples mais efficaces - que ses personnages - croqués juste ce qu'il faut -, le métrage, qui s'intéresse à un pan bien précis de ses multiples vies (son ascension sociale et sa quête de rédemption publique), est autant un pur polar d'époque poisseux qu'une vraie péloche historique à la reconstitution proprement grandiose, dont le discours politique porte une résonance toute particulière en ses heures sociales troubles (le gouvernement Napoléonien sourd face au mal du peuple ne voulant plus de souverain ni d'abus, et dont la violence insurrectionnelle est source de méfiance extrême pour l'empereur).
Véritable témoin de son époque (ou la nuance entre la justice et la pègre est difficilement dissociable), le cinéaste nous dépeint un Vidocq aussi fougueux qu'il est d'une détermination sans bornes (campé avec conviction par un Vincent Cassel dont le charisme brute et animal sied à merveille au personnage), fil conducteur entre toutes les classes pour mieux tenter d'arracher sa part de pouvoir et surtout une rédemption qu'il juge mérité.



Un portrait intime, qui a le mérite d'être férocement séduisant dans sa volonté de restituer au plus près les faits, même s'il se perd assez souvent dans une multitude de sous-intrigues jamais réellement abouties (comme plusieurs relations entre les personnages, survolées, quand ce n'est pas l'écriture même de ses personnages qui ne l'est pas), s'emboitant elles-mêmes dans une plus importante clairement cousue de fil blanc pour le spectateur le plus attentif - ou pas.
Dans un Paris tout en tension et ou le bouleversement est programmé (la division entre les puissants politiques et le peuple n'est qu'un éternel recommencement), Jean-François Richet donne donc sa vision de Vidocq, fait fit de toute psychologie complexe pour mieux se perdre dans une accumulation de scènes d'action solidement troussés et à l'ampleur imposante (Richet est à l'aise dans l'exercice, et cela se sent), et accouche d'un divertissement musclé et brut de décoffrage, incarné avec prestance (Denis Ménochet est incroyable en wannabe Javert, August Diehl est excellent en double sombre de Vidocq) même si un poil trop sage dans le ton et sur la durée.



Film d'époque comme le cinéma français n'en fait plus réellement - ou du moins rarement avec autant de maitrise et de moyens -, manquant parfois cruellement de souffle voire même de cohérence, L'Empereur de Paris, est de ces péloches qui marquent la rétine à leur vision, tout autant qu'elles sont condamnées à l'oubli une fois la séance digérée.
Reste que pour une figure historique aussi passionnante, cette version 2018, qui explose dès son ouverture la version de 2000 (logique et facile en même temps), a au moins le mérite de remettre sur le devant de la scène Vidocq en épousant avec respect son aura. 
Et c'est déjà beaucoup.


Jonathan Chevrier