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[CRITIQUE] : The Little Stranger


Réalisateur : Lenny Abrahamson
Acteurs : Domnhall Gleeson, Ruth Wilson, Charlotte Rampling, Will Poulter,...
Distributeur : Pathé Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique, Epouvante-Horreur.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h52min

Synopsis :
Fils d’une modeste domestique, le docteur Faraday s’est construit une existence tranquille et respectable en devenant médecin de campagne. En 1947, lors d’un été particulièrement long et chaud, il est appelé au chevet d’une patiente à Hundreds Hall, où sa mère fut employée autrefois. Le domaine, qui appartient depuis plus de deux siècles à la famille Ayres, est aujourd’hui en piteux état, et ses habitants – la mère, son fils et sa fille – sont hantés par quelque chose de bien plus effrayant encore que le déclin de leurs finances. Faraday ne s’imagine pas à quel point le destin de cette famille et le sien sont liés, ni ce que cela a de terrifiant…



Critique :


Pour son précédent long-métrage, le bouleversant et viscéral Room, le talentueux Lenny Abrahamson avait déjà montré une propension inédite à non seulement conter avec une justesse rare, une histoire difficile sur la noirceur de l'âme humaine sans ne jamais tomber dans le voyeurisme facile mais aussi et surtout, à plonger son auditoire dans une atmosphère sordide et réaliste, un véritable cauchemar sur pellicule qui n'a comme échappatoire que la douceur d'un amour (ici maternel) renversant et indéfectible.


Une oeuvre difficilement " classable ", tout comme son plus ancien Frank mais aussi et surtout son nouvel essai finalement, The Little Stranger, adaptation du roman éponyme de Sarah Waters (pas inconnue aussi bien du petit que du grand écran, Park Chan-wook ayant déjà adaptaé il y a peu son extraordinaire Mademoiselle), une nébuleuse histoire fantastico-gothique dont on ressort avec la jolie impression de ne pas avoir pu pleinement capter sa maestria en une seule et unique vision.
Conte d'époque lugubre et étonnamment rafraichissant tant le cinéaste y insuffle sa propre sensibilité (sans pour autant renier les codes inhérents au genre, qu'il respecte au pied de la lettre), catapulté dans une Angleterre d'après-guerre à l'atmosphère austère, ou deux âmes sauvages et hantées par leur passé  (et littéralement en marge de la société), s'enlacent dans un balai désenchantée aux non-dits douloureux, rythmant un portrait social criant de vérité (l'éternelle lutte des classes, ici silencieuse et encore plus cruelle) et d'une universalité troublante - comme si Abrahamson traitait volontairement du passé pour mieux parler du présent -; The Little Stranger épouse toute la complexité et l'ambiguité de ses personnages (des figures certes imposées mais psychologiquement fouillés et interprétés à la perfection), suggère plus qu'il ne montre, oppresse et inquiète autant qu'il séduit.


Entre l'oeuvre fantastique ténébreuse jamais réellement terrifiante et mystérieuse (sauf dans son dernier tiers), le thriller surnaturel et psychologique, le film de maison hanté, le drame d'époque sauce BBC qui ne l'est pas franchement non plus et la chronique désespérée de la vraie/fausse vengeance sociale d'un homme fasciné par un monde qu'il ne pourra jamais rejoindre; le nouveau long-métrage de Lenny Abrahamson est un formidable et déstabilisant entre-deux (enfin, un peu plus que deux finalement) d'une pudeur et d'une froideur envoutante, et c'est clairement ce qui en fait tout son charme.


Jonathan Chevrier




Le gothique. Ce genre de l’horreur insidieux, subtil et hanté, n’arrive plus beaucoup à trouver sa place dans notre cinéma contemporain. Un manoir anglais, des nuits sombres, des monstres, des fantômes, il est vrai que ce cinéma est beaucoup moins démonstratif que le cinéma d’horreur actuel. Pas de jumpscare, pas ou peu de sang, il devient petit à petit un genre oublié. Parfois, un réalisateur veut lui redonner ses titres de noblesses. Le dernier en titre, Guillermo del Toro avec son Crimson Peak en 2015. Véritable blockbuster du gothique, ce film au cinquante cinq millions de budget n’a pas totalement convaincu (malgré ses qualités indéniables), ce qui peut effrayer d’autres réalisateurs voulant à leur tour s’essayer à ce genre. Qu’à cela ne tienne, Lenny Ambrahamson décide d’adapter le livre de Sarah Waters, The Little Stranger qui contient tous les codes gothique. On ne pouvait pas dire non à ce réalisateur qui a le vent en poupe depuis le succès de Room, permettant à son actrice principale Brie Larson de recevoir l’Oscar.



Un médecin célibataire de la campagne anglaise revient dans son village natal. Un coup de téléphone et le voilà invité à entrer dans l’immense manoir Hundreds Hall, propriété de la prestigieuse famille Ayres au chevet de la seule et unique servante, vestige de leur grandeur et richesse passé. Le manoir dépérit. Frappé il y a une vingtaine d’année par une tragédie (la perte de leur petite fille), la famille subit les affres de l’économie d’après guerre, où la noblesse n’a plus lieu d’être. La mère (incarnée par la classieuse Charlotte Rampling) essaye de faire bonne figure, le frère (Will Poulter) défiguré à cause de la guerre, gère comme il le peut le domaine, à perte. Et enfin, la soeur, Caroline, qui a brillé pendant la guerre a perdu tout éclat quand sa famille lui impose de revenir s’occuper de son frère. Une famille détruite, ruinée mais qui décide à tout pris de rester dans le seul lieu, symbole d’un temps révolu, Hundreds Hall. Le Dr Faraday (l’excellent Domhnall Gleeson) se prend d’affection pour cette famille et surtout pour Caroline et essaye de tout faire pour les aider à traverser les nombreuses crises (la vente de leur terre, la maladie de Roderick, …). Mais le manoir cache de nombreux secrets et une présence demeure. Est-ce le fantôme de la petite fille Suki, morte il y a des années ?



Qui est l’étranger du titre ? Si au début, on pourrait penser au fantôme, il devient clair au fur et à mesure du film que l’étranger en question pourrait être le Dr Faraday lui-même. Quand en 1919, il participe à une fête dans le manoir, il est un petit garçon d’une famille modeste, dont la mère a été une servante dévouée au manoir avant son mariage. Tout l’éblouie, la richesse, le bonheur, la beauté de cette famille au profil parfait. Comme il le dit lui-même, il développe une sorte d’obsession pour cette famille et leur manoir, une obsession toujours intacte longtemps après, à son retour. Cela répond à une question interne : pourquoi ce jeune médecin, doté d’une certaine ambition et une carrière prometteuse irait s’enterrer dans un village anglais aussi calme ? Le sous texte du film est là, quand pendant une fête au manoir, la noblesse garde une distance sociale avec le médecin et lui fait comprendre qu’ils ne sont pas du même du même monde. Ce petit garçon qui a grandit en rêvant de faire parti de ce monde, idéalisé, n’arrive jamais à se débarrasser entièrement de la barrière de classe. Pour eux, malgré son ascension sociale, Faraday reste le petit garçon d’une servante, un étranger. On s’aperçoit vite que Faraday est le catalyseur des “apparitions” du fantôme. Quand des invités se moquent de Caroline et la blesse, leur fille se fait attaquer. Quand Roderick vend, avec les terres, le jardin adoré de Faraday, le fantôme ne le lâche plus. Le fantôme est bizarrement lié au docteur, métaphore du lien entre Faraday et son amour pour le manoir. Mais qu’est-ce qui est réellement hanté dans The Little Stranger ? Hundreds Hall ou les souvenirs de Faraday lors de cette fameuse après-midi de fête en 1919 ?



Véritable conte gothique, The Little Stranger est un portrait d’un homme accroché à une rêve inatteignable, hanté par un manoir et un amour à sens unique d’une classe sociale qui ne l’acceptera jamais. Parfaitement incarné par un casting de qualité, il faut donner une chance à ce film brillant. 


Laura Enjolvy

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