[CRITIQUE] : Dogman
Réalisateur : Matteo Garrone
Acteurs : Marcello Fonte, Edoardo Pesce, Alida Baldari Calabria,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Italien.
Durée : 1h42min.
Le film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2018.
Synopsis :
Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce...
Critique :
Désespéré, sombre et formellement sublime, offrant une auscultation proprement déroutante des laissés-pour-compte et porté par des comédiens habités, #Dogman est un drame humain tragique et cathartique à la tension permanente, un uppercut qui nous met k.o sans le moindre effort. pic.twitter.com/I2a6jNuLq1— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 19 mai 2018
Pas qu'un petit personnage ce Matteo Garrone, papa des excellents Gomorra et Reality, tous deux primés par le Grand Prix à Cannes (en 2008 et 2012), mais surtout chef de file du renouveau du cinéma transalpin, qui avait bien besoin d'un regain de fraicheur.
À l'image du génial Nanni Moretti, le bonhomme a fait de la Croisette son nouveau terrain de jeu d'exception, pas forcément une bonne chose au souvenir de son hautement mitigé Tale of Tales.
Clairement influencé par le Décaméron de Pasolini, le cinéaste y creusait encore un peu plus le sillon de ses obsessions (la violence crue et la part sombre de l'humanité) au sein d'histoires destinées à un public averti qu'il cherche maladroitement à emboiter entre elles pour en former une " ultime " (le fameux Conte des Contes), une structure narrative inégale anéantissant de facto son impact évocateur mais surtout son intérêt.
Très contemporain dans son traitement de thèmes résonnant avec la société actuelle, assez cul (et le mot est faible, ça fornique dans tous les sens) mais définitivement trop long, mal rythmé, rarement poétique et froid, Tale of Tales arrivait tout de même à nous hypnotiser un brin, par la force d'un casting joliment habité (Salma Hayek en tête).
Trois ans plus tard et toujours aussi ambitieux, il nous revient toujours sur la Croisette avec Dogman, thriller crépusculaire façon western urbain aux doux contours de huis clos puissant engoncé dans un cadre proprement apocalyptique et totalement coupé du monde (telle une véritable forteresse de solitude face à la mer); où un père aimant/dresseur de chiens capable d'amadouer le plus dur des chiens, se fait brutaliser par un " ami ", ancien boxeur accro à la cocaïne sortie de prison.
Plus tôt dans l'année, Samuel Benchetrit adaptait son propre roman pour faire de Chien, une fable politico-ironique surréaliste sur la déshumanisation de la société contemporaine par le biais d'un homme devenant peu à peu, un chien docile.
Garrone, tout aussi inspiré, s'attaque à une descente aux enfers similaires mais infiniment plus psychologique et tendue, d'un homme entrainé dans une spirale de violence implacable et devant, comme un animal acculé par la peur et l'incapacité d'encaisser plus qu'il ne l'a déjà trop fait, répondre en suivant la voie de la colère.
Parce que tout appelle, dès les premières minutes, à ce que cette douloureuse histoire finisse mal.
Noir, désespéré, retors, surréaliste - parfois à la limite de l'absurde -, formellement sublime, offrant une auscultation proprement déroutante des laissés-pour-compte et porté par des comédiens habités (Marcello Fonte, chien battu au regard crève-coeur, est formidable), Dogman, mécanique huilée à la perfection, est un drame humain tragique et cathartique à la tension permanente, un uppercut que l'on voit tout du long venir, mais qui nous met k.o sans le moindre effort.
Le grand Matteo Garrone est de retour.
Jonathan Chevrier