[CRITIQUE] : Mobile Homes
Réalisateur : Vladimir de Fontenay
Acteurs : Imogen Poots, Callum Keith Rennie, Callum Turner, Frank Oulton,...
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Francais, Canadien.
Durée : 1h41mn.
Synopsis :
Ali et Evan sillonnent les routes entre les Etats-Unis et le Canada. Ils utilisent Bone, le fils d’Ali, âgé de huit ans, dans leurs trafics. Le jeune couple vit de plus en plus dangereusement. Tous rêvent pourtant d’un refuge, d’un foyer, mais leur fuite inexorable les entraîne sur un chemin qu’ils n’avaient pas prévu... Pour trouver sa place, Ali aura à faire un choix entre la liberté et sa responsabilité de mère.
Critique :
#MobileHomes où un road movie aussi sombre & vibrant qu'il est profondément humain, une énième mais bouleversante vision des laissés-pour-compte du pays de l'oncle Sam portée par la prestation solaire d'Imogen Poots, parfaite en mère déboussolée et muée par l'énergie du désespoir pic.twitter.com/7DsxNxDkC0— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 7 avril 2018
Comédienne lumineuse d'un septième art mondial qui ne l'a pas encore célébré à sa juste valeur, la pétillante Imogen Poots, pas forcément toujours habile dans ses choix artistiques, mène néanmoins joliment sa barque au sein d'un cinoche indépendant où elle nage (presque) comme un poisson dans l'eau.
Reste qu'il lui manquait un vrai grand rôle pour faire la différence, pour cristalliser sur pellicule la magie d'une aura captivante et d'un talent qui ne demande qu'à exploser à la face du spectateur.
Sans grand fracas vu la distribution frénétique ambiante, ce rôle elle l'a trouvé dans le magnifique premier long-métrage de Vladimir de Fontenay, Mobile Homes, sortie un poil dans l'indifférence ce mercredi (il était pourtant sélectionné lors de la dernière Quinzaine cannoise).
Extension d'un court-métrage éponyme toujours signé de Fontenay, le film est un road movie puissant et radical sous couvert d'une déconstruction sincère et vibrante du mythe de l'American Dream, croquant la fuite en avant bouleversante d'une mère à la dérive - dans tous les sens du terme -, tiraillée autant par son envie de sécurité et de stabilité (pour son fils, qu'elle n'hésite pourtant pas à mettre en danger) que par son désir bouillant de liberté (personnifié par son troublant et dangereux compagnon).
Ou l'incarnation vivante de ses (trop) nombreux laissés-pour-compte livrés à eux-mêmes dans l'immensité frigorifiée et vide d'un pays faussement solaire.
S'échinant à illustrer avec force les travers d'une terre de " tous les possibles " avancant à deux vitesses, bouleversant dans sa vision contemporaine de l'Amérique white trash, cette Amérique marginalisée où les hommes et les femmes luttent littéralement pour survivre au sein d'une société de consommation qui les rejette, au moins autant que dans la relation mère-fils fusionnel et borderline; Mobile Homes est un drame profondément humain, jamais larmoyant ni condescendant envers ses personnages volontairement hauts en couleurs et attachants.
Pour son premier long, de Fontenay suit les glorieux pas d'Andrea Arnold et Sean Baker (on pense beaucoup au récent The Florida Project) et signe une merveille de film sombre, trash et poétique.
En mère déboussolée et muée par l'énergie du désespoir (et de l'amour maternel ?) Imogen Poots en impose et sert de boussole lumineuse à un auditoire qui n'aura besoin que de quelques secondes pour tomber sous son charme.
Jonathan Chevrier