[CRITIQUE] : The Third Murder
Réalisateur : Kore-Eda Hirokazu
Acteurs : Masaharu Fukuyama, Koji Yakusho, Suzu Hirose,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h05min.
Synopsis :
Le grand avocat Shigemori est chargé de défendre Misumi, accusé de vol et d’assassinat. Ce dernier a déjà purgé une peine de prison pour meurtre 30 ans auparavant. Les chances pour Shigemori de gagner ce procès semblent minces, d’autant que Misumi a avoué son crime, malgré la peine de mort qui l’attend s’il est condamné. Pourtant, au fil de l’enquête et des témoignages, Shigemori commence à douter de la culpabilité de son client.
Critique :
Thriller psychologique autant déroutant que puissant et captivant, avec #TheThirdMurder, l'immense Kore-Eda Hirokazu croque une satire froide et crue de la justice manichéenne japonaise tout en nourissant son étude fascinante sur la nature particulière de l'âme humaine. Magistral pic.twitter.com/z06v9doFTn— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 10 avril 2018
Si depuis le sublime Nobody Knows, le metteur en scène nippon Kore-Eda Hirokazu faisait partie des cinéastes asiatiques que je suivais avec un intérêt certain, c'est véritablement avec le prodigieux I Wish, que celui-ci a réellement su conquérir pour de bon, mon cœur dur - mais fragile également - de cinéphile endurci.
Narrant la bouleversante histoire de deux frères séparés par le divorce de leurs parents, et qui faisaient tout pour se retrouver, le film s'imposait comme l'une des grosses claques de l'année ciné 2011, mais surtout comme l'un des plus beaux films sur l'enfance depuis très, très longtemps.
S'affirmant, logiquement, comme l'un des seuls metteurs en scènescapable aujourd'hui, de filmer avec grâce, l'insouciance - souvent bafouée et violée par la dureté de la vie - de l'enfance, le voilà qu'il nous reviennent en ce riche début d'année ciné 2018, deux ans après le foudroyant Après la Tempête, avec une nouvelle oeuvre coup de poing : The Third Murder, qui lui fait quitter (pour un temps ?) les drames familiaux pour le terrain plus tortueux du thriller psychologique complexe...
En reprenant bon nombre de ces questionnements chers (les notions de rédemption, de culpabilité et de sacrifice en tête), Kore-Eda transcende le simple - en apparence - statut de drame judiciaire de son dernier long pour en faire un formidable et passionnant thriller se jouant autant de son spectateur (malgré une introduction qui ne laissait aucune place au doute) que de ses personnages, pour mieux remettre en cause le fonctionnement froid d'une justice manichéenne qui n'a parfois que faire de la vérité, autant que pour nourrir son étude fascinante sur la nature particulière de l'âme humaine.
Jamais juge ni bourreau, d'une limpidité et d'une simplicité percutantes, magnifiant les passages obligés du genre avec une maestria sans bornes, Kore-Eda s'échine d'autant plus par la force d'un script en béton armé, à croquer une étude de personnage poignante d'une densité affolante, d'une retenue et d'un tact salvateur; le tout porté par un casting au naturel indécent (le trio Masaharu Fukuyama, Koji Yakusho et Suzu Hirose est grandiose).
Captivant, élégant, juste et à la mise en scène épurée, The Third Murder est une première incursion royale dans le cinéma de genre, pour un cinéaste décidémment capable de tout, mais surtout (et avant tout) du meilleur.
Jonathan Chevrier