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[CRITIQUE] : Ave, César !


Réalisateur : Ethan et Joel Coen
Acteurs : George Clooney, Josh Brolin, Scarlett Johansson, Channing Tatum, Frances McDormand, Jonah Hill, Ralph Fiennes, Alden Ehrenreich, Tilda Swinton, Dolph Lundgren, Christophe Lambert,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Comédie, Comédie Musicale, Policier.
Nationalité : Américain, Britannique.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Eddie Mannix est un "fixer", un homme engagé par les studios hollywoodiens dans les années 50 pour régler les problèmes des stars...
 

Critique :


Que Joel et Ethan Coen continuent, malgré les années qui passent, à nous éblouir avec des péloches racées et intelligentes, ne nous étonne guère, mais que les deux frangins - indiscutablement des génies du septième art -, enchainent les chefs d’œuvres tout en peaufinant leur style de films en films, force est d'admettre que cela pousse sacrément au respect.

Peu importe ce qu'en pense leurs détracteurs (qui auront, de toute manière, toujours tort), les bro's n'ont pas perdu une seule once de leur mojo depuis No Country For Old Men, mieux même, ils ont tout simplement fait de leur dernier long en date, Inside Llewyn Davis, l'un de leur métrage les plus beaux, jouissifs et complets de leur immense filmographie commune.


Bien plus ambitieux que le road movie mineur un temps annoncé (parce que, dans le fond, un Grand Prix du Jury cannois peut-il être réellement mineur ?), cette lointaine adaptation des mémoires du musicien folk Dave Van Ronk fut, avant toute chose, une odyssée incroyable dans l'esprit fantastique et délirant d'un loser magnifique, un trip aussi physique que mental dans le quotidien de l'un des personnages les plus atypiques et attachants de l'univers des Coen - aux côtés, notamment de l'iconique Dude Lebowski.

Mieux, au sein de cette lutte empathique contre l'adversité d'une victime aussi bien du monde artistique que de la vie, à la fois ironique et dramatique, les frangins en ont profiter pour régler - en partie - leurs comptes avec Hollywood la putain.

Car, de notre avis, il était difficile de ne pas voir dans l'itinéraire sans grand repère de Llewyn, face à l'univers du disque et de la musique profondément hermétique et mercantile, celui des deux bonhommes en lutte contre une industrie Hollywoodienne castratrice, tuant peu à peu les talents et le cinéma d'artisan (indépendant en gros), à coups de grosses productions rarement bien senties.


Comme leur anti-héros, les Coen peinent à voir leur talent récompensé et comme lui, ils sont animés par une passion dévorante pour un art de plus en plus bousillés par un système infiniment pervers et cupide.

Rien d'étonnant alors de les voir débarquer deux ans plus tard, avec le bien nommé Hail Caesar, satire du business façon mise en abyme en plein âge d'or de la production cinématographique; le tout porté par un casting d'habitués - mais pas que - indécent de talent (George Clooney, Josh Brolin, Scarlett Johansson, Channing Tatum, Frances McDormand, Jonah Hill, Ralph Fiennes, Alden Ehrenreich, Tilda Swinton, Dolph Lundgren et Christophe Lambert) et l'humour jouissivement barré qui est le leur depuis près de trois décennies maintenant.

Ave, César ! (en vf) ou l'histoire, dans les fifties, d'Eddie Mannix, un fixer qui a pour mission de régler les problèmes de studios Hollywoodiens, notamment ceux impliquant des stars du business.
Mais quand la plus grand vedette de l'époque, Baird Whitlock, disparait du plateau de son nouveau péplum, Mannix est appelé à la rescousse et fait décemment face à son plus grand défi...


Dans la droite lignée des burlesques et parodiques O'Brother et The Big Lebowski, avec Hail Caesar, les frères Coen signent une peinture criante de vérité mais surtout follement délirante d'un Hollywood aujourd'hui révolu.
Intelligent, follement référencé mais surtout complétement barré, le film regorge d'idées aussi décalées que ses personnages sont loufoques et hauts en couleurs pour mieux mettre en exergue son pastiche absurde et amusé du grand Hollywood - et même du système actuel -; ou les codes du septième art et la production d'un métrage sont passés sous toutes les coutures.

Kitschissime à souhait - et le mot est faible -, très drôle (les cinéastes multiplient les scènes comiques avec une frénésie enthousiasmante) à tel point qu'il parait presque surréaliste, bourré jusqu'à la gueule de sous-intrigues dans l'intrigue mettant en lumière une pluie de personnages finement scriptés; de tout son long, le métrage s'impose comme un incroyable exercice de style, à la maitrise indécente.

D'une fluidité narrative exemplaire (puisque les deux lascars maitrisent leur sujet à la perfection), porté par, une photographie et une bande original démentes, sans oublier une habile direction d'acteurs ou chacun excelle comme rarement (au petit jeu des acteurs s'amusant d'être ridicules, Channing Tatum, Scarlett Johansson et Alden Ehrenreich sont absolument géniaux), le Coen cuvée 2016, aussi pétillante que jouissive, est d'une réussite renversante.


Tout comme Inside Llewyn Davis qui captait la fin d'une époque bénie dans l'histoire de la musique américaine, Ave, César ! capte avec maestria et ironie l'âge d'or Hollywoodien dans ce qui est, sans l'ombre d'un doute, l'un des hommages les plus délirants et grotesques de cette époque.

Bref, un énième - et proprement unique - chef d’œuvre à ajouter à la longue liste qu'incarne la filmographie des Coen, une pierre étincelante à placer tout en haut de l'édifice de l'année ciné 2016 prenant la forme d'une bien belle invitation en salles qu'il serait hautement criminelle de refuser pour tout bon cinéphile un minimum avertit...


Jonathan Chevrier