[CRITIQUE] : Steve Jobs
Réalisateur : Danny Boyle
Acteurs : Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels, Katherine Waterston,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h02min.
Synopsis :
Dans les coulisses, quelques instants avant le lancement de trois produits emblématiques ayant ponctué la carrière de Steve Jobs, du Macintosh en 1984 à l’iMac en 1998, le film nous entraîne dans les rouages de la révolution numérique pour dresser un portrait intime de l’homme de génie qui y a tenu une place centrale.
Critique :
#SteveJobs ou un walk & talk passionnant, frontal et épuré qui iconise Steve Jobs en figure shakespearienne fascinante. Du très grand cinéma
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 2 Décembre 2015
Dans la catégorie des péloches miraculées, force est d'avouer que le deuxième biopic centré sur le génie créatif Steve Jobs se place en tête de liste, tant sa production fut presque aussi houleuse que toute bande produite par le malheureux Terry Gilliam.
Abandonné aussi bien par David Fincher, Leonardo DiCaprio et Christian Bale que par Sony Pictures herself, le projet à dut attendre d'être récupérer par une bien maline Universal avant de pleinement décoller l'an dernier.
Un comble, quand on sait que le projet cristallise plus d'une attente majeure, que ce soit par le biais de son inestimable scénariste - Aaron Sorkin -, son talentueux cinéaste - le précieux Danny Boyle - ou la qualité indéniable de son casting vedette (Michael Fassbender, Kate Winslet, Jeff Daniels, Seth Rogen et Katherine Waterston).
Bien plus bandant sur le papier que la version ennuyeuse de Joshua Michael Stern (Jobs, avec Ashton " je voulais me crédibiliser en tant qu'acteur " Kutcher), Steve Jobs - titre aussi simple qu'efficace - se concentre sur trois moments précis de la vie du bonhomme, chacune d’elle étant consacrée à une keynote donnée par Jobs : les lancements du Macintosh, du Black Cube et du premier IMac.
Des évènements clés - mais pas forcément les plus importants de la vie de leur sujet - par lesquels le duo Boyle/Sorkin dessine avec maestria la légendaire figure Jobs dans un biopic fascinant, anti-traditionnel et virtuose qui clôt avec brio la trilogie " réaliste " (une plongée dans les coulisses de faits réels) sur les esprits créatifs de Sorkin entamé par Le Stratège puis The Social Network - voir même feu la géniale série The Newsroom, déjà avec Jeff Daniels.
Concerto segmenté en trois actes filmé en temps réels (mais aussi quelques petits flashbacks par-ci, par-là) s'intéressant bien plus à la vérité de l'homme qu'au mythe, à la forme audacieuse qui explose littéralement les codes inhérents au biopic (" Think Different ", la marque de fabrique de Jobs), le métrage est une plongée intense et intimiste dans les coulisses de la personnalité complexe du créateur de l'Ipod, portée par le prisme de ses relations au monde qui l'entoure - ses nombreux antagonistes et sa fille qu'il ne veut pas reconnaitre, qui reviendront au fil du récit -, tordant la réalité des faits pour mieux en saisir sa véracité.
Synthétique et manipulateur puisqu'il crée subtilement sa propre vision de la figure Jobs à partir de situations réellement vécues (Sorkin trahit la chronologie, pas la réalité), ce walk & talk passionnant, frontal et épuré iconise Steve Jobs (sans pour autant incarner ni même une propagande pro-Apple) en figure shakespearienne séduisante mais à l'incompatibilité sociale conséquente, un visionnaire passionnant mué par une obsession professionnel extrême, un homme à l'image de ses machines : complexe, fascinant, ambiguë, lucide, froid - et donc logiquement cruel.
Le choix d'offrir la vedette à Michael Fassbender, bien loin de ressembler au bonhomme, prend alors d'un coup tout son sens.
L'acteur, qui a tout récemment incarner le Macbeth de Shakespeare, est l'un des seuls comédiens actuels capable de capter l'essence de ses personnages pour aller au-delà de la simple performance, au-delà de la simple incarnation d'un personnage ambivalent finement croqué; dans Steve Jobs, il est purement et simplement Steve Jobs.
Et par la force de son talent et de la puissance évocatrice du scénario - qui ne s'abaisse jamais à juger son héros -, on ne doute pas une seule seconde de l'authenticité sans concession de cette vérité mise à nue dans tous les sens du terme.
Habitué à transcender les portraits intimistes façon one man show singulier (127 Heures), Danny Boyle, dont le montage fluide et rythmé n'a rien perdu de sa superbe, apporte intelligemment sa patte à l'édifice en magnifiant la plume volubile de Sorkin via sa mise en scène dynamique (ses plans en steadycam rendent énergiques ses joutes verbales) et inspiré (sa réalisation change habilement de formats pour les trois temps du film).
Son film - parce qu'il est finalement autant le sien que celui de Sorkin -, s'apparente autant au docu-fiction passionnant qu'au thriller tendu et haletant voir même au Rise & Fall dramatique et émouvant.
Sans l'ombre d'un doute, Steve Jobs est l'une des propositions de cinéma les plus brillantes et ébouriffantes du moment, portrait riche, fascinant et virtuose au plus près de la légende Jobs, qui nous a jamais paru aussi proche.
Déjà un des candidats majeurs au titre de meilleur film de l'année prochaine, alors que nous n'avons même pas encore foulé les premières heures de 2016...
Jonathan Chevrier