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[CRITIQUE] : Marguerite et Julien


Réalisateur : Valérie Donzelli
Acteurs : Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, Frédéric Pierrot,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Français.
Durée : 1h43min.

Synopsis :
Julien et Marguerite de Ravalet, fils et fille du seigneur de Tourlaville, s’aiment d’un amour tendre depuis leur enfance. Mais en grandissant, leur tendresse se mue en passion dévorante. Leur aventure scandalise la société qui les pourchasse. Incapables de résister à leurs sentiments, ils doivent fuir…


Critique :



Dans la catégorie big bad buzz lors de la dernière Croisette, force est d'avouer que le dernier film de Valérie Donzelli, Marguerite et Julien, se pose bien-là, au même-titre que le Mon Roi de Maïwenn, autre cinéaste made in France passée sous toutes les coutures sur le grill de la critique - on pourrait même en dire autant du Maryland d'Alice Winocour, autre française à l'accueil plutôt froid.

D'ailleurs sur certains point, les deux actrices/réalisatrices se ressemblent tant elles furent toutes deux adulées pour leurs précédents essais (La Guerre est Déclarée pour la première, Le Bal des Actrices et Polisse pour la seconde) avant de connaitre avec fracas le revers plutôt sévère de la médaille du succès avec leurs derniers longs.

Mais si Maiwenn s'en sort assez bien au final (lynchée, Mon Roi est quand même repartie de Cannes avec un prix d'interprétation, et devrait voir ses acteurs nommés aux prochains César), on ne peut pas forcément en dire autant de la figure singulière qu'incarne Donzelli, dont le cinéma contemporain et branché ne fait plus réellement l'unanimité depuis La Guerre... justement.


Certains l'accusent d'avoir un égo démesuré, - ce qui n'est pas entièrement faux -, ou même son ambition assez impertinente de se penser à la hauteur de ses illustres ainés de La Nouvelle Vague Jacques Demy et François Truffaut - pas complétement inexacte non plus.
 L'ambition n'est jamais un mal, et mettre en boite des péloches ambitieuses dans un septième art hexagonale qui n'en compte pas des masses n'est décemment pas une mauvaise chose non plus.

Reste qu'assumer ses prétentions est une chose, mais titiller volontairement les critiques exigeantes avec une œuvre tabou (l'inceste) et loin d’être exempt de défauts certains, s'en est bel et bien une autre.
Mais il serait pourtant proprement injuste de ne pas reconnaitre l'audace et la générosité qui émane de Marguerite et Julien, projet un temps destiné à Truffaut et qui est porté par le thème phare du cinéma de la cinéaste : l'amour impossible, et donc intimement douloureux.

Et si il y a bien une chose que l'on ne peut pas reprocher au film, c'est qu'il transpire de tous les pores la patte Donzelli, que ce soit par le prisme d'une intrigue romanesque enrobé d'un lyrisme pop fantaisiste à la présence quasi-obligatoire de la muse au masculin Jérémie Elkaïm.


Aussi étrange que bricolé (les trouvailles de mises en scène sont légion), mélange des genres improbable (film historique, love story dramatique) et intemporel ou tout ou presque semble permis (l'histoire, censé se dérouler au 17eme siècle, voit pourtant l'arrivée fréquentes d'objets bien contemporains); la péloche prend très vite les atours d'un conte moral et désenchantée en contant le parcours universel de deux frères et sœurs, amants incompris et maudits dont la naïveté n'aura d’égale que leur funeste destin.

Pendant une première partie fougueuse et théâtrale, on se prend franchement au jeu de cette passion interdite via la vision singulière et anti-conformiste d'une cinéaste qui tend bien plus à démontrer l'imprévisibilité et la sensualité de l'amour réprouvé qu'à réellement le condamner.

Dommage alors, que la fuite en avant qu'incarne la seconde partie - au moment ou les deux héros " passent à l'acte " -, volontairement plus tragique et tronquée par divers artifices maladroit (les plans arrêtés notamment), fragilise bien plus l'entreprise qu'il ne la renforce et met en image tous les défauts du film jusqu'alors masqué par une mise en scène maline, une photographie élégante et des dialogues brillants.


Car, finalement, jamais Donzelli ne retranscrit à l'écran avec réalisme et émotion la flamme ardente de cette romance maladive et impétueuse entre Marguerite et Julien, à la complicité vibrante depuis toujours.
Les séquences montrant leur union apparaissent souvent froides et manquent cruellement de chair, de désir, et les compositions pas toujours inspirées de la douce Anaïs Demoustier et de Jérémie Elkaïm (surtout), sont même hyper-expressives au possible.

D'un soin et d'une singularité revendiquée et assumée tout du long, sensible mais jamais sulfureux ni même passionnant, Marguerite et Julien est un conte pop fantaisiste et désenchanté touchant mais brouillon, simili-biopic séduisant mais qui ne transporte pas son spectateur, mais qui s'avère surtout bien loin de l'étiquette du nanar indigent qui lui colle à la peau depuis mai dernier.

Dans tous les cas, Donzelli, qui règle une fois (de trop ?) son pas sur ceux de Truffaut et Demy, ne trouvera pas ici le film qui la réconciliera avec ces détracteurs, ni même celui qui fera oublier son exceptionnel La Guerre est Déclarée.


Jonathan Chevrier