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[CRITIQUE) : Quai D'Orsay


Réalisateur : Bertrand Tavernier
Acteurs :
Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz, Niels Arestrup, Julie Gayet, Anaïs Demoustier, Thierry Frémont,...
Distributeur : Pathé Distribution
Budget : -
Genre :  Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h53min.

Synopsis :
Alexandre Taillard de Worms est grand, magnifique, un homme plein de panache qui plait aux femmes et est accessoirement ministre des Affaires Étrangères du pays des Lumières : la France. Sa crinière argentée posée sur son corps d’athlète légèrement halé est partout, de la tribune des Nations Unies à New-York jusque dans la poudrière de l’Oubanga. Là, il y apostrophe les puissants et invoque les plus grands esprits afin de ramener la paix, calmer les nerveux de la gâchette et justifier son aura de futur prix Nobel de la paix cosmique. Alexandre Taillard de Vorms est un esprit puissant, guerroyant avec l’appui de la Sainte Trinité des concepts diplomatiques : légitimité, lucidité et efficacité. Il y pourfend les néoconservateurs américains, les russes corrompus et les chinois cupides. Le monde a beau ne pas mériter la grandeur d’âme de la France, son art se sent à l’étroit enfermé dans l’hexagone. Le jeune Arthur Vlaminck, jeune diplômé de l’ENA, est embauché en tant que chargé du “langage” au ministère des Affaires Étrangères. En clair, il doit écrire les discours du ministre ! Mais encore faut-il apprendre à composer avec la susceptibilité et l’entourage du prince, se faire une place entre le directeur de cabinet et les conseillers qui gravitent dans un Quai d’Orsay où le stress, l’ambition et les coups fourrés ne sont pas rares... Alors qu’il entrevoit le destin du monde, il est menacé par l’inertie des technocrates.


Critique :

Voir Bertrand Tavernier derrière la réalisation d'une comédie est un petit événement en soi, non pas que le papa du Coup de Torchon manque d'humour - loin de là -, mais c'est tout simplement parce que jusqu'à aujoud'hui, sa joie filmographie était bien plus marqué par les drames solides et puissants qu'autre chose.

Surprenant et intéressant donc, mais ce n'est pas pour autant que ce premier franc saut dans l'humour n'incarnait pas un sacré risque pour ce cinéaste chevronné, tant la bande dessinée sur laquelle il s'inspire - signé par Christophe Blain et Abel Lanzac -, n'a pas l'univers le plus aisé à retranscrire sur grand écran, de toute la BD made in France.

Balancé à peine quelques semaines après LA comédie jubilatoire number one de l'année par chez nous - 9 Mois Ferme -, Quai D'Orsay avait donc la lourde tâche de suivre la même voie délirante tracée par le dernier Dupontel - à savoir continuer de dynamiter avec brio, une comédie française de moins en moins drôle et archi-formatée -, tout en s'appliquant à être une fidèle adaptation de son brillant matériau d'origine.

Si la seconde " condition " est relevée avec une certaine maitrise, force est d'admettre que Quai D'Orsay version live, est un chouïa en deçà des espérances placées en lui, tant son efficacité pâti grandement de la mise en scène plate et sans relief de son metteur en scène.


Finalement sans grande structure narrative, beaucoup trop claqué sur la BD au point d'arborer un aspect chronique souffrant cruellement de rythme, l'approche habituellement réaliste de Tavernier, a du mal à faire mouche ici avec les cases colorées du duo Blain/Lanzac, car il annihile la majeure partie des gags et la puissance de son sujet, et ce ne seront malheureusement pas ces nombreux effets de manches, tous plus ou moins efficaces (les nombreux wooshs, les claquements de portes exagérées, une caméra toujours en mouvement,...), qui sauveront la donne.

Franchement dommage donc, car dans l'état, avec un cinéaste un poil plus inspiré, Quai D'Orsay aurait sans doute eu plus de chance de magnifier la plupart des bons points qu'il s'est joliment mis à aligner sur toute sa durée, dont certains qui auraient bien de quoi faire rougir plus d'une production comique hexagonale.
Finement scripté, bourré de personnages aussi riches que complexes, de dialogues fendards (ou au minimum, amusants) et d'un regard on ne peut plus informatif sur l'envers du décor de cette grosse machine politique, la péloche  a également en elle une dimension on ne peut plus forte et unique (peu de films français parlent de politique mondial, et des nombreux problèmes qui la fragilise, et encore moins avec un certain humour), ainsi qu'une composition incroyable de ses interprètes tous voués à sa cause, l'immense Thierry Lhermitte en tête.

Et inutile de dire qu'il est revenu de loin le beau gosse des Bronzés, tant on ne l'avait plus vu aussi remarquable, drôle et impliqué depuis Le Diner de Cons et Le Placard, débarqués en salles voilà près de quinze ans.
Omniprésent, éblouissant et charismatique comme jamais, il fait d'Alexandre de Taillard de Worms (fortement inspiré de Dominique de Villepin), un premier ministre aussi grandiloquent que courageux et imposant.


Toujours au centre de l'histoire (en même temps, l'enjeu du film étant l'écriture et les nombreuses réécritures du discours que doit donner le personnage à l'ONU, le seul à avoir été applaudi par toute l'assemblée), il est entouré par une jolie flopée de talents qui n'auront de cesse, tout du long, de graviter autour de lui et de tirer vers le haut la bande.

De l'immense Niels Arelstrup, parfait en contre-emploi (il incarne le directeur de cabinet modérateur de la folie du premier ministre) à un toujours aussi juste Thierry Frémont, en passant par un Raphaël Personnaz plutôt bon dans la peau d'un jeune premier pur produit de l'ENA - sans oublier les présences lumineuses de Julie Gayet et de (surtout) Anaïs Demoustier -, ils apportent tous une note d'exception (la plus importante même du métrage) à un film qui aurait donc bien plus mérité, de s'en approcher.

Classique, amusant sans ne jamais tombé dans l'écueil facile de l'enchainement de sketchs sans saveur, Quai D'Orsay, à défaut d'incarner une grande comédie trépignante référence, s'avère néanmoins un sympathique et efficace moment de cinéma, à la qualité tout de même bien au-dessus du lot de ce que la production hexagonal prétend nous offrir de meilleur.


Plat et simpliste mais judicieusement plus vaudeville et théâtral que satire politique, le nouveau Tavernier - pas personnel pour un sou -, est donc clairement l'occas' unique de revoir un grand Thierry Lhermitte vivant et inspiré.

Et quand l'un des derniers grands rois de la comédie française ressuscite presque miraculeusement sur grand écran, à un moment ou l'on ne l'attendait plus (mais alors vraiment plus), difficile de ne pas dire que cela à le mérite de valoir le prix d'une place, pour être vu.


Jonathan Chevrier


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