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[CRITIQUE] : Creed III


Réalisateur : Michael B. Jordan
Acteurs : Michael B. Jordan, Jonathan Majors, Tessa Thompson,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Drame, Sportif.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h57min

Synopsis :
Idole de la boxe et entouré de sa famille, Adonis Creed n’a plus rien à prouver. Jusqu’au jour où son ami d’enfance, Damian, prodige de la boxe lui aussi, refait surface. A peine sorti de prison, Damian est prêt à tout pour monter sur le ring et reprendre ses droits. Adonis joue alors sa survie, face à un adversaire déterminé à l’anéantir.



Critique :


Un long-métrage de la franchise Rocky sans Sylvester Stallone, même spin-off, n'est pas vraiment un long-métrage Rocky, et ce n'est pas tant le constat d'un fan hardcore autant du comédien et cinéaste que de la saga en elle-même, qu'une réalité qui saute plus où moins directement aux yeux à la vision de Creed III qui cherche autant à intelligemment s'éloigner de la formule Sly, qu'à en épouser tous les codes.

Car plus encore que la première suite au bijou de Ryan Coogler, cette première réalisation de Michael B. Jordan est sans aucun doute le plus Rocky-esque des films Creed, tant est si bien que sa volonté profonde d'aller vers l'avant incarne pourtant, paradoxalement, un vrai retour en arrière entre Rocky III et Rocky IV (dont l'ombre imposante embaumait déjà l'opus précédent), avec même une (grosse) pointe de Black Panther.

Copyright 2022 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved.

Entièrement concentré sur ses séquences de combat il est vrai brillamment exécutées, au détriment de presque tout autre élément de l'histoire, tant les personnages sont introduits/réintroduits d'une manière à ce que tout leur parcours soit télégraphié dès leur apparition puis exécuté sans réelle tension ni profondeur.
L'intrigue prend ses bases sept ans après les événements du dernier opus, avec un Adonis Creed se retirant des rings en tant que champion du monde (comme Rocky) et avec le respect de ses pairs, alors que Bianca en fait de même avec la sienne - pour préserver ce qui lui reste de son audition - , passant de chanteuse à productrice au succès tout aussi retentissant.

Leurs deux retraites se reflètent l'une sur l'autre : une vie de quiétude après une existence faite de combats dont les blessures devenaient trop vives pour continuer à lutter.
Mais tout comme papa et tonton Balboa, Adonis ne laisse jamais trop de côté la boxe et avec le fils de Duke, " Little Duke " Evers , il cherche à transmettre son savoir en formant/soutenant de nouveaux champions, tout en jouant les papas aimants auprès de sa battante de fille Amara (LA révélation Mila Davis-Kent).

Copyright 2023 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved

Tout bascule au moment où un ami de son passé, Damian " Dame " Anderson, fraîchement sorti de prison, vient bousculer son quotidien en ambitionnant de saisir sa propre chance en tant que futur champion de boxe, une vie qu'il estime qu'Adonis lui a volé - il était un ancien prodige du noble art, promis à un bel avenir.
Jouant sur le poids de sa culpabilité, il va profiter de l'ancien champion pour graveler les échelons avant de tracer sa propre voie avec en ligne de mire, une vengeance dans le sang et la sueur sur le ring, face à Adonis.

La plus grande question qui se plaçait au coeur de troisième opus était finalement de savoir comment il serait scénaristiquement orchestré/manipulé pour développer l'évolution (la maturité) d'Adonis mais également pour le pousser à quitter sa retraite et à en découdre avec Damian poings contre poings, tant est si bien qu'au-delà de la vengeance (qui n'est pas sienne ici) où d'une quelconque histoire d'égo (ce qui a mené son père à sa perte, bien que les deux premiers films s'étaient échinés à nous montrer qu'il n'avait rien à voir avec lui), c'était uniquement par le personnage de Majors que la clé aurait pu/dû être trouvé tant, comme dans chaque film de la franchise mère, c'est par le biais de son adversaire - quel qu'il soit - que le héros avance et évolue.

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Entre le monstre physiquement imposant à la Ivan Drago, la violence décomplexée et brutale de Clubber Lang et la rancoeur légitime et énervée d'un Killmonger (campé par Jordan dans Black Panther) voire d'un Adonis, avec même une petite dose de Rocky Balboa dans la marmite (le côté outsider qui renverse les lignes, même celles du temps et du corps); Damian se fait un monstre de Frankenstein qui, malgré toute la bonne volonté de son interprète (comme avec Kang du coté du MCU, il ne fait que jouer ce que chaque scène exige de lui, sans réel souci de cohérence), ne voit aucune facette de sa personnalité complexe ne prendre réellement corps avant que lui et Adonis n'échangent les coups.

Exit les réflexions plus poussées sur les notions d'héritage (malgré l'arrivée de la troisième génération Creed), sur la colère bestiale qui nous habite, le côté " embourgeoisement " du statut de champion où même la violence d'un passé qui vient brutalement bousculer le présent; Creed III enchaîne les événements qui n'ont pas forcément de sens (où qui louche sur les opus précédents, perte des êtres chers en tête) tout en s'articulant autour d'un artifice auquel il ne donne jamais vraiment de liant ni d'impact.

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Dans une histoire axée sur un passé douloureux revenant hanter le présent, l'incapacité qu'à Adonis de faire face à ses erreurs et à ne pas se laisser submerger par la culpabilité (il doit sa vie en partie à Damian) en faisant plaisir à son ancien BFF, ne coûte finalement rien où peu grand chose au rejeton d'Apollo, si ce n'est une volonté supplémentaire de prouver qu'il mérite d'être là où il en est - alors que l'affrontement est capitale pour Damian.
Et c'est là où la présence tutélaire de Stallone, qui connaît mieux que personne les (ses) personnages autant que ce que le spectateur veut voir à l'écran (et qui a toujours su empêcher la saga de devenir obsolète et répétitive), manque terriblement.

Cruellement même, tant le déséquilibre voulu par Jordan pour tenir la distance (si la saga s'est toujours concentrée sur la volonté de l'opprimé de réussir et de conserver son honneur - même au milieu de la tourmente -, tout ici est délibérément renversé et les codes sont empilés contre Adonis) se retourne assez vite contre lui et le film en lui-même.
Le coeur de Creed et Creed II n'a jamais été Adonis, mais uniquement un Rocky vieillissant, et intimer le spectateur de ce connecter uniquement à lui sans que son personnage ne se voit offrir une quelconque profondeur supplémentaire (on ne ressent ni son conflit intérieur ni les enjeux inexistants de son combat), est une erreur monumentale.

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À la différence des suites de Rocky (même Rocky IV, quoi qu'en diront les mauvaises langues à la mauvaise fois facile), Creed III devient alors définitivement plus intéressant dans ce qu'il montre que ce qu'il raconte.
S'il n'y a pas vraiment de chair - surtout émotionnelle - dans le scénario (fou mais vrai, le conflit entre les deux est écarté d'une seule conversation après leur combat), voire même dans une mise en scène totalement plombée par un montage haché et maladroit (qui donne même la sale impression que le premier acte traîne en longueur), c'est bien dans les quelques élans visuels musclés et expérimentaux que Michael B. Jordan et son film s'expriment le mieux.

Tranchant avec le réalisme de Ryan Coogler sur Creed (que Steven Caple Jr. avait tenté, en vain, de répliquer sur Creed II), qui reprenait en partie la formule " Sly/Avildsen " (des combats habilement chorégraphiés capturé en plans larges et à mi-hauteur), pour épouser un spectaculaire finalement pas si étranger aux Rocky III et IV, le wannabe cinéaste affirmant ouvertement ses influences venant de l'animation nippone (autour desquelles s'articule son approche de l'action, qui tente de littéralement entrer dans l'esprit des combattants), tout en s'appuyant intelligemment sur la photographie Kramer Morgenthau dans une utilisation étonnante des caméras IMAX (une première pour un film sportif).

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S'il n'arrive pas à donner de l'intensité hors du ring (pas aidé par son montage donc, mais aussi un mixage sonore où la B.O, des tubes au score exubérant de Joseph Shirley, bouffent plusieurs dialogues), il tutoie en revanche du bout de la pellicule l'aspect épique - et caricatural - des meilleures séquences de la saga quand il reste entre les cordes, à tel point que la bataille homérique finale manquerait presque d'un petit bout de gras supplémentaire côté durée.

Comme Sly en son temps Michael B. Jordan façonne son alter-ego comme une icône des temps modernes dans une nouvelle suite qui n'est finalement pas tant le nouveau K.O si espéré qu'une décision partagée au 12ème round, où l'absence du père (Stallone comme Rocky et Apollo) est maladroitement vu comme la seule manière de totalement se démarquer et de s'émanciper.
Un match nul entre ses éclairs de génie et ses occasions manquées.


Jonathan Chevrier