[CRITIQUE] : Pleasure
Réalisatrice : Ninja Thyberg
Acteurs : Sofia Kappel, Kendra Spade, Dana DeArmond, Chris Cock, Mark Spiegler, Revika Anne Reustle, ...
Distributeur : The Jokers
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Suédois, Néerlandais, Français
Durée : 1h49min
Synopsis :
Le film fait partie de la Sélection Officielle de Cannes 2020
Une jeune suédoise de 20 ans arrive à Los Angeles dans le but de faire carrière dans l’industrie du porno. Sa détermination et son ambition la propulsent au sommet d’un monde où le plaisir cède vite la place au risque, à la toxicité et la misogynie.
Critique :
La réalisatrice suédoise Ninja Thyberg dévoile dans son premier long métrage les dessous de l’industrie américaine du porno en prenant le point de vue d’une jeune femme rêvant de devenir la prochaine «porn star». Bien qu’étant une fiction, Pleasure se glisse à l’intérieur de ce monde avec beaucoup d’aisance — la cinéaste a passé des années en immersion à Los Angeles, ce qui a déjà donné naissance à un court-métrage du même nom en 2013, présenté à la Semaine de la Critique. Elle nous propose alors un point de vue inédit, une expérience cinématographique à la rencontre du documentaire et d’un cinéma au style pop.
Bella Cherry arrive de Suède avec un but en tête : devenir une véritable porn star. Pleasure donne directement le ton, avant l’image, avec des gémissements de plaisir caractéristiques de vidéos pornos. La première fois que la caméra pose son regard sur elle, Bella est à la douane et répond à la question type «résidez-vous pour le travail ou pour le plaisir ?», à laquelle elle répond «pleasure». Avec ce mot, Ninja Thyberg s’éloigne considérablement d’un récit de victime où une jeune femme émigrée aux États-Unis doit tourner dans du porno pour subvenir à ses besoins. C’est le choix de Bella, son désir et en cela, la cinéaste évite le jugement. La volonté de s’éloigner de ce type d’histoire se voit également quand Bear (Chris Cock) lui demande, après son premier tournage, quelle est son histoire. Bella prend alors une voix grave pour lui expliquer que son père abusait d’elle petite, avant d’éclater de rire et de lui répondre que c’est ce qu’elle veut faire, c’est tout, démontant ainsi (peut-être maladroitement) le trope du daddy issues.
Tout l’enjeu de Pleasure réside dans la volonté du récit de démystifier le porno, de dévoiler l’envers du décor, que ce soit les astuces de performances, le quotidien des porn stars et des nombreux abus que subissent les acteurs mais surtout les actrices. Le mot performance devient le mot phare de la mise en scène, qui se met parfois au diapason des tournages pornographiques pour montrer que l'excitation n’est qu’une affaire de point de vue et de cadrage. Angoissée lors de son tout premier rôle, Bella se transforme dans la caméra que tient son partenaire durant les plans, dans son regard. La cadre, qui jusque-là captait sa réalité, capte à ce moment-là le rôle dans lequel elle se glisse, celui de la toute jeune fille sur le point d’effectuer sa première fois avec un homme mûr. La cinéaste n’hésite pas à montrer crûment le corps des acteurs‧trices (pubis, pénis), à montrer leur préparation (les acteurs qui se branlent tranquillement tandis que le réalisateur leur explique la scène) et le lourd travail que l’on demande aux actrices sur leur corps : pas de poils (Bella se charcute presque le pubis avec un rasoir avant un tournage), maquillage impeccable, ongles très longs, corps mince mais avec des formes. On encourage les actrices à se détester entre elles, à s’envier, à ne pas s’entraider. Bella est d’abord distante avec ses colocataires de la model house de Mike (leur agent), mais elle finit par y trouver des amies et du soutien, surtout de la part de Joy (Revika Anne Reustle). Malheureusement, si on veut réussir et s'élever dans les hauts rangs, comme le veut Bella, la sororité n’est pas encouragée. Le récit montre également l’ambivalence du porno, qui peut à la fois s’apparenter à un tournage «classique», avec un vrai regard d’artiste, une équipe technique, des contrats pour établir le consentement, des safe words pour les tournages de hard, des coachs musculaires pour le bondage... Ou alors devenir une expérience traumatisante pour une jeune femme, enfermée dans une maison loin de tout, seule avec des mecs et sans préparation sur la violence.
Ninja Thyberg dénude le fantasme du porno en filmant la réalité d’une actrice. Bella Cherry est un personnage complexe et nuancé, qui se laisse aller à ses désirs de gloire, quitte à souffrir, à trahir et à se laisser griser par le pouvoir pour y arriver. Pleasure est un regard inédit sur la pornographie, un film qualifié de “choc” pour son sujet. Mais si nous dépassons ce choc, nous sommes témoins d’un système patriarcal assez commun hélas, dont il faudrait se pencher un peu plus à l’avenir pour créer un environnement safe pour ceux et celles qui y travaillent au quotidien.
Acteurs : Sofia Kappel, Kendra Spade, Dana DeArmond, Chris Cock, Mark Spiegler, Revika Anne Reustle, ...
Distributeur : The Jokers
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Suédois, Néerlandais, Français
Durée : 1h49min
Synopsis :
Le film fait partie de la Sélection Officielle de Cannes 2020
Une jeune suédoise de 20 ans arrive à Los Angeles dans le but de faire carrière dans l’industrie du porno. Sa détermination et son ambition la propulsent au sommet d’un monde où le plaisir cède vite la place au risque, à la toxicité et la misogynie.
Critique :
Pas si éloigné du #Queens de Lorene Scarafia, Ninja Thyberg fait de #Pleasure une démythification sur pellicule de l'industrie pornographique en dévoilant l’envers du décor du business, des astuces de performances aux nombreux abus, surtout subis par les actrices (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/th2l6sZTaZ
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) August 14, 2021
La réalisatrice suédoise Ninja Thyberg dévoile dans son premier long métrage les dessous de l’industrie américaine du porno en prenant le point de vue d’une jeune femme rêvant de devenir la prochaine «porn star». Bien qu’étant une fiction, Pleasure se glisse à l’intérieur de ce monde avec beaucoup d’aisance — la cinéaste a passé des années en immersion à Los Angeles, ce qui a déjà donné naissance à un court-métrage du même nom en 2013, présenté à la Semaine de la Critique. Elle nous propose alors un point de vue inédit, une expérience cinématographique à la rencontre du documentaire et d’un cinéma au style pop.
Avec son air frondeur et son désir d’ascension, Bella Cherry (Sofia Kappel) possède la même caractérisation que Destiny, l’héroïne du film Queens (2019), réalisé par Lorene Scafaria. Si le lieu (New-York) et le monde (les night club) sont différents avec Pleasure, fort est de constater que leur enjeu se ressemble beaucoup : mettre en lumière ces femmes stigmatisées pour leur choix de carrière. Je ne vous apprends rien en disant que la pornographie est un monde d’hommes, façonné par eux pour leurs propres fantasmes. Le milieu ne se distingue pas d’autres milieux foncièrement masculin et montre les mêmes problèmes : un système qui encourage les abus, le racisme et creuse l’écart des milieux sociaux. Peu de contrôle, pas de pouvoir.
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Bella Cherry arrive de Suède avec un but en tête : devenir une véritable porn star. Pleasure donne directement le ton, avant l’image, avec des gémissements de plaisir caractéristiques de vidéos pornos. La première fois que la caméra pose son regard sur elle, Bella est à la douane et répond à la question type «résidez-vous pour le travail ou pour le plaisir ?», à laquelle elle répond «pleasure». Avec ce mot, Ninja Thyberg s’éloigne considérablement d’un récit de victime où une jeune femme émigrée aux États-Unis doit tourner dans du porno pour subvenir à ses besoins. C’est le choix de Bella, son désir et en cela, la cinéaste évite le jugement. La volonté de s’éloigner de ce type d’histoire se voit également quand Bear (Chris Cock) lui demande, après son premier tournage, quelle est son histoire. Bella prend alors une voix grave pour lui expliquer que son père abusait d’elle petite, avant d’éclater de rire et de lui répondre que c’est ce qu’elle veut faire, c’est tout, démontant ainsi (peut-être maladroitement) le trope du daddy issues.
Tout l’enjeu de Pleasure réside dans la volonté du récit de démystifier le porno, de dévoiler l’envers du décor, que ce soit les astuces de performances, le quotidien des porn stars et des nombreux abus que subissent les acteurs mais surtout les actrices. Le mot performance devient le mot phare de la mise en scène, qui se met parfois au diapason des tournages pornographiques pour montrer que l'excitation n’est qu’une affaire de point de vue et de cadrage. Angoissée lors de son tout premier rôle, Bella se transforme dans la caméra que tient son partenaire durant les plans, dans son regard. La cadre, qui jusque-là captait sa réalité, capte à ce moment-là le rôle dans lequel elle se glisse, celui de la toute jeune fille sur le point d’effectuer sa première fois avec un homme mûr. La cinéaste n’hésite pas à montrer crûment le corps des acteurs‧trices (pubis, pénis), à montrer leur préparation (les acteurs qui se branlent tranquillement tandis que le réalisateur leur explique la scène) et le lourd travail que l’on demande aux actrices sur leur corps : pas de poils (Bella se charcute presque le pubis avec un rasoir avant un tournage), maquillage impeccable, ongles très longs, corps mince mais avec des formes. On encourage les actrices à se détester entre elles, à s’envier, à ne pas s’entraider. Bella est d’abord distante avec ses colocataires de la model house de Mike (leur agent), mais elle finit par y trouver des amies et du soutien, surtout de la part de Joy (Revika Anne Reustle). Malheureusement, si on veut réussir et s'élever dans les hauts rangs, comme le veut Bella, la sororité n’est pas encouragée. Le récit montre également l’ambivalence du porno, qui peut à la fois s’apparenter à un tournage «classique», avec un vrai regard d’artiste, une équipe technique, des contrats pour établir le consentement, des safe words pour les tournages de hard, des coachs musculaires pour le bondage... Ou alors devenir une expérience traumatisante pour une jeune femme, enfermée dans une maison loin de tout, seule avec des mecs et sans préparation sur la violence.
The Jokers |
Ninja Thyberg dénude le fantasme du porno en filmant la réalité d’une actrice. Bella Cherry est un personnage complexe et nuancé, qui se laisse aller à ses désirs de gloire, quitte à souffrir, à trahir et à se laisser griser par le pouvoir pour y arriver. Pleasure est un regard inédit sur la pornographie, un film qualifié de “choc” pour son sujet. Mais si nous dépassons ce choc, nous sommes témoins d’un système patriarcal assez commun hélas, dont il faudrait se pencher un peu plus à l’avenir pour créer un environnement safe pour ceux et celles qui y travaillent au quotidien.
Laura Enjolvy