[CRITIQUE] : Un Héros

Réalisateur : Asghar Farhadi
Acteurs : Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaee,...
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Français, Iranien.
Durée : 2h07min.

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021

Rahim est en prison à cause d'une dette qu'il n'a pas pu rembourser. Lors d'une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d'une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…

Critique :

#UnHéros ou un bijou de satire mordante sur la notoriété et les contradictions de la société contemporaine, sorte de réponse 2.0 au Network de Lumet façon thriller moral à la mécanique aussi implacable qu'elle est familière pour les habitués du cinéaste et de ses récits à tiroirs pic.twitter.com/Oop3bgHjrp
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 17, 2021

Ce qu'il y a de rassurant avec Asghar Farhadi c'est que, tout comme toutes les péloches issues du prolifique MCU (toute propension gardée évidemment, mais ne fustigeons pas tout de suite cet exemple), le style si personnel du bonhomme ne change pas ou peu sa recette gagnante - à quelques ajustements près -; une constance aussi frustrante pour certains (aucune prise de risques, ni de vraies tentatives de s'aventurer au-delà de sa zone de confort), que d'une agréable prévisibilité pour mes aficionados de son cinéma, intimement assuré de faire face à une excellente péloche, quoiqu'il arrive.
Même si son mitigé Everybody Knows avec le couple Cruz/Bardem, à presque failli contredire cette vérité, son brillant nouveau long-métrage, Un Héros, vient gentiment remettre de l'ordre alors qu'il pourrait ne pas repartir bredouille de la dernière réunion cannoise (verdict dans quelques heures).
Maître absolu des châteaux de cartes bâtis sur des mensonges, faisant grimper crescendo la tension au fur et à mesure que celui-ci se fissure irrémédiablement, Farhadi signe ici sans doute son effort le plus subtil et sincère depuis le chef-d'oeuvre Une Séparation, la péloche démontrant une nouvelle fois comment de petits mensonges ainsi que des choix plus ou moins douteux - même frappés par le sceau de bonnes intentions -, peuvent dégénérer en de graves problèmes souvent cataclysmique pour la vie des hommes et des femmes concernés.

Radiographie méticuleuse et férocement évocatrice de la façon dont notre élévation au rang de héros sur les médias sociaux, de quiconque ayant réalisé une " bonne action ", diminue grandement la vérité désordonnée, parfois même impénétrable, des vies humaines et de ses actes en question, prenant joliment les courbes d'un pastiche - à la lisière de la tragi-comédie Shakespearienne - sur la conquête du tribunal facile de l'opinion publique; Un Héros est une merveille de satire fluide et mordante sur la notoriété et les contradictions de la société contemporaine (et non uniquement d'une société iranienne qu'il connaît sur le bout de la pellicule), sorte de réponse 2.0 au Network de Lumet façon thriller moral à la mécanique aussi implacable qu'elle paraîtra - peut-être - facile pour quiconque est familier du cinéaste et de ses récits à tiroirs gentiment Kafkaïens.
Par la force d'un script ciselé et retors, brouillant subtilement le jugement et l'empathie de son auditoire (tout en questionnant sa propre conscience), qui contraste il est vrai un brin avec un rythme un poil poussif à l'arrivée de son dernier tiers; Farhadi, qui n'a rien perdu de son talent de directeur d'acteurs (brillant Amir Jadidi, touchant en homme maladroit mais motivé par son désir de laver son honneur et de rembourser sa dette, pour quitter prison et vivre avec la femme qu'il aime), signe une nouvelle oeuvre efficace qui coche toutes les cases d'une wannabe palme d'Or.
Une excellente cuvée donc, et c'est peu le cas de le dire.

Jonathan Chevrier