[CRITIQUE] : Digger
Réalisateur : Georgis Grigorakis
Acteurs : Vangelis Mourikis, Argyris Pandazaras, Sofia Kokkali,...
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Grec, Français.
Durée : 1h41min.
Synopsis :
Quelque part au nord de la Grèce, à la frontière de la Macédoine.
Nikitas a toujours vécu sur son bout de terrain au cœur de la forêt. En lutte depuis des années contre une compagnie minière qui convoite sa propriété́, Nikitas tient bon. Le coup de grâce tombe avec le retour de Johnny, son fils qui, après vingt ans d’absence et de silence, vient lui réclamer sa part d'héritage. Nikitas a désormais deux adversaires, dont un qu'il ne connaît plus mais qui lui est cher.
Critique :
Hermétique et peu aimable avec son auditoire, tout en cherchant à lui faire vivre une vraie expérience physique et sensorielle, #Digger, sous ses airs de fable écolo fustigeant les limites d'un capitalisme aveugle et rapace, est une oeuvre captivante et psychologiquement fouillée pic.twitter.com/IqXWVCdAz8
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 25, 2021
Nikitas est un paysan qui a consacré toute sa vie à ses terres et au paysage merveilleux qui l'entoure, luttant continuellement face aux difficultés économiques d'un pays aux abois, mais aussi face à la digestion lente de la mort d'un mariage qu'il n'a pas su sauver - sa femme l'ayant quitté avec un fils qu'il n'a finalement pas connu.
Désormais gentiment ancré dans la soixantaine, il va devoir délivrer le dernier round du combat de sa vie face à une entreprise minière qui convoite ses terres (et qui lui fait comprendre avec force et malveillance) pour étendre leur importance, mais aussi face au retour d'un rejeton qui, à la mort de sa mère, vient réclamer son héritage, la moitié de la propriété familiale...
Avec son incursion étonnamment sûre sur le territoire sinueux du mélange entre romanesque et réalisme, dans une sorte de drame intime et social reprenant scrupuleusement tous les codes du western - avec une pointe d'écologie -, le premier long-métrage de Georgis Grigorakis convoque instinctivemement le cinéma vénéré de Terrence Malick, mais surtout les débuts de Jeff Nichols - le brillant Shotgun Stories -; tant l'arrière-pays boisé et rugueux de sa Grèce natale (que l'on avait plus vu de la sorte à l'écran, depuis les efforts de Theo Angelopoulos), ne semble pas si éloigné de l'Ouest rurale du pays de l'oncle Sam.
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Vrai récit de résilience sur un homme luttant contre l'adversité (une grosse société minière déchirant le magnifique paysage qu'il a fait sien, autant qu'elle divise volontairement l'amère population locale) et un conflit plein de rancoeur avec la chair de sa chair - son fils, qui vient lui réclamer son " dû " -; Digger inscrit son affrontement " David et Goliath-esque " dans une réalité sociale complexe et à fleur de peau (les relations humaines parfois difficiles dans une petite campagne ou tout le monde se connaît, ou chaque choix/décision de vie peut se heurter à l'esprit de communauté), ou la tension constante contredit subtilement la quiétude d'un cadre en suspens, menacé par la cupidité de l'homme et une mutation industrielle inévitable.
Hermétique et pas forcément aimable avec son auditoire (dialogues minimalistes, narration épurée, caractérisation des personnages allant strictement à l'essentiel), tout en cherchant continuellement à lui faire vivre une vraie expérience physique et sensorielle (superbe travail sur le son, couplé à une photographie somptueuse de Giorgos Karvelas); le premier long-métrage de Grigorakis - à la mise en scène sobre mais manquant parfois de mordant -, sous ses faux airs de fable écolo fustigeant les limites d'un capitalisme aveugle et rapace, est une oeuvre captivante, psychologiquement fouillée tout en étant saupoudré d'une pincée de romantisme et de sacarcasme salutaire.
Un voyage un brin théâtral et tragique en terre inconnue, et à l'issue qui l'est presque tout autant.
Jonathan Chevrier