[CRITIQUE] : Chained
Avec : Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Israélien, Allemand.
Durée : 1h52min.
Synopsis :
Flic consciencieux et expérimenté, Rashi est en couple avec Avigail dont il attend un enfant. Le jour où, à la suite d’une enquête interne de la police de Tel-Aviv, il se trouve brutalement mis à pied, il réalise que sa femme lui échappe de plus en plus… Saura-t-il réagir avant que son monde ne s'effondre ?
Critique :
Épousant la frontière tenue entre le documentaire et la fiction, exemple exceptionnel de cinéma-vérité ou la pellicule est une toile de sincérité sans pareille, #Chained est une expérience immédiate et vraie sur la relation toxique et oppressante qui unit un homme et sa famille. pic.twitter.com/KPd4ivfCkg— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 8, 2020
Rashi (Eran Naim, puissant et terrifiant à la fois), policier à Tel Aviv qui a quinze ans de carrière au compteur, veut contrôler sa vie comme il contrôle ses affaires/enquêtes en service : d'une manière implacable et indiscutable.
Personne ne peut tromper le géant colosse en action, tant il sent automatiquement quand les gens ne lui disent pas la vérité.
Le hic, c'est que ses méthodes sont aussi discutables qu'enragées : explosion de portes et d'intimité au moindre soupçon, et pour toute suspicion de trafic de drogues, c'est fouille intégrale.
Pas de bol, il s'attaque à une bande de jeunes qui se révèlent être les enfants d'un haut fonctionnaire de l'agence de renseignement, une inspection qui a des conséquences juridiques : Rashi est interrogé et suspendu, et cela va vite attiser de nombreux conflits à la maison...
Copyright Nizan Lotem & Shai Skiff |
Dix ans après Ajami, Yaron Shani nous revient avec Chained, une oeuvre aux antipodes du film de gangsters, mais surtout une oeuvre qui se détourne du cinéma traditionnel, épousant la frontière tenue entre le documentaire et la fiction, mais surtout poussant son auditoire à réagir - positivement ou non - aux émotions que les acteurs génèrent.
Exemple exceptionnel de cinéma-vérité ou la pellicule est une toile de sincérité sans pareille (à l'exception de son climax, toutes les scènes furent des premières prises, souvent le fruit d'improvisations de la part des comédiens), Eynayim Sheli - Mes Yeux en hébreu - suit ceux d'un homme à la moralité trouble, dont ses talents de flic (trop intensément appliqués dans sa vie privée) sont un poison létale pour ses proches.
Trop prudent, et dans un souci de la protéger de tous les maux de l'adolescence, il étouffe sa fille, scrute avec méfiance la moindre de ses rencontres mais surtout manque cruellement de confiance en elle.
Et sa femme n'est pas en reste, subissant elle aussi une pression monumentale dans sa tentative de porter en elle un second enfant, malgré les fausses couches.
Ses excès de prudence, sa domination constante et son instinct protecteur anormalement développé, entraînent sa famille - et directement son couple -, dans un climat de crise insondable, ou ses émotions et sa violence, jamais physique mais psychologique et verbale, emprisonnent - par amour - littéralement tout son univers.
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Véritable spirale infernale aussi éprouvante pour les personnages que pour les spectateurs (les scènes de conflits sont aussi longues qu'intenses), vissée sur l'élément problématique d'une relation aimante mais incroyablement toxique, Chained est un exemple rare d'expérience immédiate et vraie, accentué par la partition impliquée d'un casting totalement voué à sa cause.
Une belle chronique bouillante sur un amour tellement puissant qu'il peut écraser ceux qu'on aime, qui vaut pleinement le peu de temps qu'on sera tenté de lui consacrer... en attendant Beloved, en salles mercredi prochain, et qui s'annonce tout aussi essentiel, au sein d'un définitivement riche début d'été ciné 2020.
Jonathan Chevrier