[CRITIQUE] : Night Shot
Réalisateur : Hugo König
Acteurs : Nathalie Couturier.
Distributeur : Shadowz
Budget : -
Genre : Épouvante-Horreur.
Nationalité : Américain, Français.
Durée : 1h31min.
Synopsis :
Une jeune blogueuse spécialisée dans l’exploration urbaine (urbex) décide d’aller visiter un gigantesque hôpital abandonné. Comme toujours elle part seule et de nuit avec son cameraman, afin de faire vivre en direct ses aventures à ses followers, avec une particularité : ne jamais couper la caméra ! Mais ce soir le lieu qu’elle a choisi va lui faire vivre un véritable cauchemar, les drames du passé y ont laissé leurs traces…
Critique :
Déstabilisant de réalisme jusqu'à ce qu'il laisse partir en cacahuètes son récit (avec un comportement de la caméra qui cesse de faire sens, appuyé par le calme olympien incohérent du caméraman), #NightShot n'en reste pas moins un excellent et solide found footage (@GnuGnoum) pic.twitter.com/qE5OIw59P4— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) June 21, 2020
Au début du mois de Mai, la plateforme de streaming
Shadowz nous gratifiait de sa toute première sortie exclusive avec Mercy Black…
Et on ne va pas se mentir, ce n’était pas extrêmement engageant. Mais la première
plateforme de screaming n’a pas dit son dernier mot puisque voici qu’elle
déboule en force avec un nouveau film, Night Shot, un found footage horrifique
français tourné en un unique plan-séquence de 1h30. Et pour le coup c’est
exactement le genre de proposition horrifique qu’on veut découvrir grâce à elle,
un film original d’une efficacité déconcertante, bien que souffrant de la
lourdeur de son dispositif.
Copyright Cecilia Almiron Rivas |
Le pari de l’énorme plan-séquence est devenu le fantasme ultime
du cinéphile moderne et pas forcément pour les bonnes raisons. La virtuosité du
plan-séquence incarne une sorte de graal du savoir-faire en matière de cinéma,
et ce parfois au détriment de son sens profond, et aux dépends du montage,
créateur de grammaire cinématographique depuis plus d’un siècle. Comme toute
chose au cinéma, le plan-séquence est un outil à la disposition du réalisateur
qui se doit d’être le porteur du sens du film ou de la séquence dans laquelle
il est utilisé. Créateur de suspens chez des réalisateurs comme Brian De Palma
ou Alfred Hitchcock, vecteur jouissif de dynamisme dans l’action chez John Woo
où plus récemment dans la saga John Wick, ou bien dispositif glacial et implacable
dans le terrible Elephant de Gus Van Sant : c’est un élément de l’arsenal
du réalisateur capital qui peut faire des miracles entre des mains expertes, et
qui ne doit pas être utilisé pour la simple performance technique et
logistique. Alors quand un film débarque
avec ses gros sabots et son argument d’être tourné en un unique et énorme (vrai
ou faux) plan-séquence, on se méfie un peu quand même. C’est le cas de Night
Shot, mais j’ai le plaisir d’écrire que la démarche est non seulement pertinente
pour ce que le film raconte, mais surtout une diablerie d’efficacité
horrifique.
Toute l’idée va être de suivre sans coupe une bloggeuse
un peu agaçante dans son exploration d’un sanatorium abandonné et effrayant au cœur
de la nuit, et regarder impuissant les choses partir en vrille sévèrement. Si
le film met un peu de temps à faire grimper le curseur du trouillomètre, c’est
parce qu’il prend le temps d’immerger le spectateur avec lui dans cette
aventure, et quand je dis spectateur je devrais plutôt parler de viewer. Parce
que oui, l’intérêt de ne pas faire de coupe ici et d’utiliser la technique du
found footage c’est qu’on se retrouve très rapidement avec le sentiment de s’être
perdu sur Twitch et de regarder quelque chose de parfaitement authentique. Nathalie
Couturier, seule actrice dans le champ de la caméra pendant tout le film,
participe grandement à cette immersion. La voir interagir avec ses followers,
donner des explications brouillonnes sur les lieux de l’exploration et s’exprimer
avec beaucoup de répétition, de mots dans le désordre et de grammaire
approximative donne à ces images une crédibilité folle et on se prend très facilement
au jeu. Le dispositif de plan-séquence est encore une fois à la faveur de ses
approximations de jeu qui créent toute l’authenticité de ce qu’on voit à l’écran,
une fois que ça tourne on n’arrête pas, si c’est le mauvais mot qui sort de la
bouche de l’actrice on n’arrête pas, comme si on tournait une véritable
émission d’urbex en ligne.
Copyright Cecilia Almiron Rivas |
Le film puise ses influences au meilleur du found footage
surtout chez le Projet Blair Witch évidement qui irradie complètement son ADN. Et
on pourrait lui reprocher un trop plein d’idée, vraiment il y a trop de trucs
dedans, entre les explications de Nathalie sur les diverses histoires du bâtiment
et les événements divers et variés qui se dérouleront au cours du film, il y a
à boire et à manger et même un peu trop. On ne sait finalement plus, à un
certain point, où donner de la tête et on est en proie à une petite overdose.
Le film aurait gagné à être épurer sur ce plan-là, d’autant plus qu’après plus
d’une heure de tournage sans interruption le poids du dispositif se fait
ressentir et commence à lui nuire. A son pic d’intensité, on sent une certaine
perte de maitrise sur le tournage, les choses commencent à dérailler en terme
de rythme et la fatigue mentale du réalisateur et caméraman du film est
palpable. Quoi de plus normal, puisque celui-ci doit depuis le début penser son
cadrage, probablement être attentif à toute la logistique qui se met en place
pendant le tournage pour que tout se passe correctement, subir la pression
énorme de l’absence de droit à l’erreur, et en plus de cela donner la réplique
à l’actrice principale. Pour ce qui est de ses répliques il serait logique de
penser qu’elles ont été enregistrés en post-production, mais étant donné le
manque d’implication émotionnelle surtout sur la fin, j’aurais tendance à
penser que non, mais je peux bien sûr me tromper. C’est là que le film trouve sa
plus grosse limite en terme d’immersion. Tant que le film ressemble à une
émission normale c’est déstabilisant de réalisme, quand des portes commencent à
claquer aussi, mais quand tout part magistralement en cacahuètes, le
comportement de la caméra cesse de faire sens. Le calme olympien dont le
cadreur fait preuve est une énorme porte de sortie du film, et après un tel
boulot pour te mettre la tête dedans c’est regrettable.
Reste que Night Shot est une très chouette découverte qui
convainc bien plus qu’elle ne déçoit, de plus c’est un found footage excellent
a une époque où on a un peu du mal à renouveler le genre et à lui donner du
sens (l’affreux remake/suite de Blair Witch en 2016 est une date funeste dans
son histoire), et une excellente raison d’attendre avec un œil attentif les
prochaines exclusivités sur Shadowz.
Kevin
Kevin