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[CRITIQUE] : Sibyl


Réalisateur :Justine Triet
Acteurs : Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2019

Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d'écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu'elle cherche l'inspiration, Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l'acteur principal… qui est en couple avec la réalisatrice du film. Tandis qu'elle lui expose son dilemme passionnel, Sibyl, fascinée, l’enregistre secrètement. La parole de sa patiente nourrit son roman et la replonge dans le tourbillon de son passé. Quand Margot implore Sibyl de la rejoindre à Stromboli pour la fin du tournage, tout s'accélère à une allure vertigineuse…



Critique :


Nous étions de ceux à avoir sincèrement apprécié Victoria de Justine Triet, petit bout de cinéma joyeusement déluré et prenant, ou la cinéaste profitait du bordel mélancolico-existentiel de son héroïne titre, incarnée avec conviction par la solaire Virginie Efira, pour mieux jongler avec les situations comiques, les personnages finement croqués - et identifiable - ainsi qu'avec un propos dramatico-tordu judicieusement contrebalancé et dosé.
Le tout magnifié par une mise en scène plus précise et moins foutraque que sur son précédent essai - le pourtant excellent La Bataille de Solférino -, plus sauvage mais pas moins intéressant et aux similarités assez marquées.



Ce qui est également le cas de Sibyl donc, troisième long de la cinéaste, une nouvelle fois porté par Virginie Efira, et qui contient en son sein in fine plusieurs points communs avec son plus récent ainé, même s'il s'avère nettement plus amer que celui-ci, plongeant bien plus volontairement cette fois dans son versant sombre et dramatique.
Articulée autour d'une romancière reconvertie en psychanalyste, subitement rappelée par son désir d'écriture, et qui trouve contre toute attente une muse inspirante en la personne d'une de ses patientes, une actrice tiraillé par un dilemme passionnel (elle hésite à garder son enfant ou privilégier sa carrière), Sibyl recèle la même gloutonnerie de sa cinéaste à vouloir mélanger les genres autant que les personnages tous plus différents les uns que les autres, le tout avec une passion du verbe qui n'est décemment plus à prouver.
Portrait chaotique voguant avec justesse entre les cinémas de Woody Allen et John Cassavetes (surtout), d'une femme désirant tout contrôlé jusqu'à se retrouver au bord de l'abîme - aussi bien mentalement que psychologiquement -, et qui se retrouve catapultée dans les souvenirs brûlants d'un passé douloureux par la " faute " d'une patiente; le nouveau long de Justine Triet est une formidable tagicomédie humaine, l'exploration mentale déstabilisante et névrotique d'une figure aussi acculée qu'elle est dérangée, lancée dans un jeu de miroirs manipulateur - fantasmé ou réel, telle est la question -, qui rabat continuellement l'équilibre précaire de son quotidien, dans sa quête désespérée d'attention et d'amour.



Drame psychologique intense entre transfert et fantasme, offrant quelques respirations légères dans un océan de déprime peut-être un poil trop ambitieux, quitte à parfois à perdre un brin son auditoire, magnifiquement rattrapé au vol par l'interprétation poignante d'une Virginie Efira ébouriffante (son plus beau et bouleversant rôle à ce jour), Sibyl est un petit bout de cinéma troublé et troublant dans lequel il est passionnant de se perdre autant que dans les méandres douloureux des traumatismes d'une héroïne fascinante de complexité.
Victoria le laissait déjà présager avec force, Justine Triet est décemment l'une des cinéastes les plus importantes de sa génération.


Jonathan Chevrier