[CRITIQUE] : Working Woman
Réalisatrice : Michal Aviad
Acteurs : Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen,...
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Israélien
Durée : 1h32min
Synopsis :
Orna travaille dur afin de subvenir aux besoins de sa famille. Brillante, elle est rapidement promue par son patron, un grand chef d'entreprise. Les sollicitations de ce dernier deviennent de plus en plus intrusives et déplacées. Orna prend sur elle et garde le silence pour ne pas inquiéter son mari. Jusqu’au jour où elle ne peut plus supporter la situation. Elle décide alors de changer les choses pour sa famille, pour elle et pour sa dignité.
Critique :
Critique :
Après la libération de parole des femmes sur le harcèlement sexuel subi dans le monde du cinéma, Michal Aviad se saisit à nouveau du sujet de manière frontale, sans spectacle ni drame lourd, et fait de #WorkingWoman un film important qui frappe fort et juste (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/vZ8aeFpESS— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 19 avril 2019
Après le film Invisible en 2011 (avec la regrettée Ronit Elkabetz), Michal Aviad revient vers la fiction, avec un autre sujet fort : le harcèlement sexuel dans le cadre du travail. Spécialisée dans les documentaires, quand Aviad réalise de la fiction, c'est pour nous conter le destin de femmes fortes, à qui il arrive des choses ignobles. Il y a 6 ans, c'était le traumatisme du viol trente ans après. Ici, dans Working Woman, la réalisatrice s'est intéressée au mécanisme du harcèlement au travail, comment il se met en place et comment une femme dans une situation précaire se prend au piège d'un cercle infernal. Comme elle le dit elle-même : “ lorsque je me suis mise à écrire, ce n'était pas le matériau qui manquait ! “. En bonne documentariste, Michal Aviad n'a rien laissé au hasard, voulant décrire avec précision cet pression du quotidien.
Quand nous découvrons Orna, le personnage principal (impeccable Liron Ben-Shlush) c'est le sourire au lèvre, car elle vient d'être engagée comme assistante chez son ancien commandant dans l'armée, Benny, qui a un énorme projet de construction. Mariée, mère de trois enfants, ce boulot tombe pic. Ofer, son mari, vient d'ouvrir un restaurant et les sous manquent à l'appel. Même si elle apprend tout du métier, Orna se montre rapidement à la hauteur. Sérieuse, rigoureuse, un sens de l'organisation et un instinct de vente innée, elle s'épanouit vite dans ce boulot, où elle souhaite monter les échelons et faire une brillante carrière. Orna, comme de nombreuses femmes, apprend à jongler entre vie professionnelle et rôle de maman, avec un mari pas toujours d'accord de son choix (même si l'argent rentre à flot grâce à elle). Tout va bien, dans le meilleur des mondes. Si seulement… Son patron commence doucement à lui faire des avances. Sur le ton de la plaisanterie tout d'abord mais il devient vite pressant.
Michal Aviad commence l'écriture de son film vers 2007, il lui a fallu tout ce temps pour le produire. La raison ? Les producteurs trouvaient qu'il n'y avait pas de tension dramatique, qu'il ne se passait rien. Une preuve, s'il en faut, de la dédramatisation du harcèlement sexuel, souvent mis sur la ligne de la “blague”, car c'est bien connu les femmes ne savent pas rigoler. Comme le dit si bien la réalisatrice “ n’est-ce pas édifiant qu'un tel drame dans la vie d'une femme soit considéré comme un événement si peu dramatique au cinéma ? “. Oh si, malheureusement. Et c'est d'ailleurs là où Working Woman frappe fort, c'est en installant petit à petit une menace tacite, une zone grise pour mieux montrer jusqu'où peut aller le harcèlement sexuel, qu'il faut le prendre très au sérieux. Une tension, d'abord invisible, se place. Avec les changements d'humeur de Benny, le patron au visage poupon et avenant. Tantôt paternel, tantôt cajoleur, tantôt cassant, tout est fait pour garder Orna sous sa coupe.
C'est avec une mise en scène toujours en mouvement, du point de vue de Orna que Michal Aviad capte tous les petits détails du harcèlement. Privilégiant les gros plans sur le visage de l'actrice quand elle n'est pas en compagnie de son patron et des plans plus larges avec Benny, comme si la réalisatrice lui donnait de l'espace pour fuir si besoin. C'est au moment où le spectateur se dit que la menace n'était peut-être pas réelle que l'irréparable se produit. Orna décide alors de parler, et arrive à démissionner grâce à son ingéniosité.
Michal Aviad choisit un sujet d'actualité, après la libération de parole des femmes sur le harcèlement sexuel subi dans le monde du cinéma. Et elle le fait d'une manière frontale, sans spectacle, ni drame lourd. Working Woman montre le côté sinueux de la menace et comment une femme peut se retrouver dans un cercle infernal. Un film important.
Laura Enjolvy
Il y a quelque chose de profondément encourageant à voir une certaine prise de conscience de la part du septième art, relativement minime certes (les révolutions ne se font pas en un jour... même si avec de la volonté, elle le pourrait), mais suffisamment importante pour être notable, face aux maux les plus abjects qui gangrènent nos sociétés contemporaines, à une heure où La Ligue du Lol par exemple - et quel exemple -, vient seulement à être (timidement) pointé du doigt.
Ce n'est peut-être donc pas un hasard - soyons un brin optimiste - si deux bandes aux sensibilités similaires, Comme si de rien n'était et Working Woman, débarquent dans des salles obscures pour mettre en lumière - doux paradoxe -, à différentes échelles, la question du pouvoir, de désir sexuel et de violence (physique et psychologique) de l'homme sur la femme.
Si Eva Trobisch abordait avec pudeur le sujet du viol, Michal Aviad pour son second long-métrage, s'intéresse cette fois frontalement aux conséquences du harcèlement sexuel sur une victime et son entourage, dans un environnement social moderne volontairement aveugle, même quand le harceleur est tout désigné.
Traitant avec sincérité et tout en nuances d'un malheur universel - le harcèlement sur le lieu de travail par un supérieur hiérarchique -, sans pour autant en brader tous les prismes (les rapports au travail, avec les collègues, son mari, ses enfants), la cinéaste décortique les arcanes d'une spirale infernale, la traque d'un prédateur pour faire douter et plier sa proie, entre intentions faussement familières et complices et vrais actes déplacés, pointant au-dessus de la tête de sa victime, la carotte culpabilisante et menaçante d'un job qu'il faut conserver (les conséquences de la perte d'un emploi sont de plus en plus colossales, encore plus quand on a une famille) quitte à subir les pires atrocités chaque jour.
Drame tendu et profondément anxiogène, installant peu à peu le mal qui ronge le quotidien de sa courageuse héroïne Orna (superbe Liron Ben-Shlush, que la caméra ne quitte pas du regard) sans jamais trop en faire, Working Woman, dont l'écriture est aussi fine qu'implacable, frappe fort et juste de tout son petit long - une heure trente à peine -, touche par sa bouleversante humanité et déchire tout autant par sa cruelle vérité.
Un message/testament sur pellicule indispensable (dont le " happy end " ne doit pas être prit comme une issue commune à toutes), si tenté est qu'on se borne à l'écouter un minimum, comme les vraies victimes du quotidien, et ça, ce n'est pas du tout gagné d'avance...
Jonathan Chevrier
Michal Aviad choisit un sujet d'actualité, après la libération de parole des femmes sur le harcèlement sexuel subi dans le monde du cinéma. Et elle le fait d'une manière frontale, sans spectacle, ni drame lourd. Working Woman montre le côté sinueux de la menace et comment une femme peut se retrouver dans un cercle infernal. Un film important.
Laura Enjolvy
Il y a quelque chose de profondément encourageant à voir une certaine prise de conscience de la part du septième art, relativement minime certes (les révolutions ne se font pas en un jour... même si avec de la volonté, elle le pourrait), mais suffisamment importante pour être notable, face aux maux les plus abjects qui gangrènent nos sociétés contemporaines, à une heure où La Ligue du Lol par exemple - et quel exemple -, vient seulement à être (timidement) pointé du doigt.
Ce n'est peut-être donc pas un hasard - soyons un brin optimiste - si deux bandes aux sensibilités similaires, Comme si de rien n'était et Working Woman, débarquent dans des salles obscures pour mettre en lumière - doux paradoxe -, à différentes échelles, la question du pouvoir, de désir sexuel et de violence (physique et psychologique) de l'homme sur la femme.
Si Eva Trobisch abordait avec pudeur le sujet du viol, Michal Aviad pour son second long-métrage, s'intéresse cette fois frontalement aux conséquences du harcèlement sexuel sur une victime et son entourage, dans un environnement social moderne volontairement aveugle, même quand le harceleur est tout désigné.
Traitant avec sincérité et tout en nuances d'un malheur universel - le harcèlement sur le lieu de travail par un supérieur hiérarchique -, sans pour autant en brader tous les prismes (les rapports au travail, avec les collègues, son mari, ses enfants), la cinéaste décortique les arcanes d'une spirale infernale, la traque d'un prédateur pour faire douter et plier sa proie, entre intentions faussement familières et complices et vrais actes déplacés, pointant au-dessus de la tête de sa victime, la carotte culpabilisante et menaçante d'un job qu'il faut conserver (les conséquences de la perte d'un emploi sont de plus en plus colossales, encore plus quand on a une famille) quitte à subir les pires atrocités chaque jour.
Drame tendu et profondément anxiogène, installant peu à peu le mal qui ronge le quotidien de sa courageuse héroïne Orna (superbe Liron Ben-Shlush, que la caméra ne quitte pas du regard) sans jamais trop en faire, Working Woman, dont l'écriture est aussi fine qu'implacable, frappe fort et juste de tout son petit long - une heure trente à peine -, touche par sa bouleversante humanité et déchire tout autant par sa cruelle vérité.
Un message/testament sur pellicule indispensable (dont le " happy end " ne doit pas être prit comme une issue commune à toutes), si tenté est qu'on se borne à l'écouter un minimum, comme les vraies victimes du quotidien, et ça, ce n'est pas du tout gagné d'avance...
Jonathan Chevrier