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[CRITIQUE] : Heureux comme Lazarro


Réalisateur : Alice Rohrwacher
Acteurs : Adriano Tardiolo, Alba Rohrwacher, Agnese Graziani,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Italien, Français, Suisse, Allemand.
Durée : 2h07min

Synopsis :
Lazzaro, un jeune paysan d’une bonté exceptionnelle vit à l’Inviolata, un hameau resté à l’écart du monde sur lequel règne la marquise Alfonsina de Luna.
La vie des paysans est inchangée depuis toujours, ils sont exploités, et à leur tour, ils abusent de la bonté de Lazzaro.
Un été, il se lie d’amitié avec Tancredi, le fils de la marquise. Une amitié si précieuse qu’elle lui fera traverser le temps et mènera Lazzaro au monde moderne.



Critique :


De l’œuvre d'Alice Rohrwacher on peut choisir de ne retenir que ses tâtonnements naturalistes voire, plus injuste, ses inextricables longueurs ou à l'inverse, ne garder que son aspect créatif et expérimental – elle a le mérite de n'être constituée que de vraies propositions cinématographiques. Heureux comme Lazzaro qui vient se nicher entre la dimension socio-religieuse de Corpo Celeste et le cadre éminemment rural des Merveilles n'échappe pas à cette dualité.



On est frappé d'abord par la narration, volontairement indéterminée, sans véritable élément de contextualisation – absence totale d'un cadre spatio-temporel – ou caractérisation détaillée et explicite des personnages qui n'est pas sans rappeler la portabilité du Village de M. Night Shyamalan. D'ailleurs, là encore, un élément extérieur vient dissoudre ce dispositif finement établi et bousculer nos certitudes. Heureux comme Lazzaro révèle ainsi toute sa dimension politique et sociale dans une dernière partie où fiction et réalité cohabitent avec une grande subtilité. Ce troisième film empreinte finalement autant – sinon plus – à Paasilinna et son Homme Heureux qu'à Pasolini : comme dans les fables de l'écrivain finlandais, la nature est un personnage à part entière et la réalisatrice nous invite à une réflexion sur le monde. A l'instar dun Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen enfin, Heureux comme Lazzaro questionne les rapports de force entre maîtres et serviteurs. 


 
Alice Rohrwacher n'approfondit malheureusement pas assez son concept – dont l'aspect par ailleurs gentillet pourra doublement agacer – ce qui dessert l'ensemble du propos et plus encore le dernier acte en lui conférant une teneur éminemment simpliste. Les plus cyniques questionneront peut-être le Prix du scénario glané à Cannes. Ce serait toutefois négliger le travail minutieux de la réalisatrice sur l'intemporalité du récit évoquée précédemment. Bien que parfois engluée dans une dimension religieuse trop opaque (le personnage principal est à la fois l'avatar de Lazare de Béthanie et de Saint François d'Assise), cette apologie philosophique de la gentillesse réussit à toucher en plein cœur et à plusieurs reprises, notamment lors de la scène de l'Eglise où coule l'unique larme du film – mais pas de votre humble et sensible chroniqueuse – énième clin d’œil à The Village et la scène du porche ? (Non ? Bon. D'accord.). Bref, une fable socio-politique et religieuse d'une grande sensibilité, singulière même si esthétiquement rudimentaire. Mais après tout, n'est-ce pas avant tout un film sur la beauté intérieure ?


Anaïs