[CRITIQUE] : Sicilian Ghost Story

Réalisateur : Fabio Grassadonia et Antonio Piazza
Acteurs : Julia Jedlikowska, Gaetano Fernandez, Corinne Musallari,...
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Italien, Français, Suisse.
Durée : 1h57min.

Synopsis : 
Dans un village sicilien aux confins d’une forêt, Giuseppe, 13 ans, disparaît. Luna, une camarade de classe, refuse la disparition du garçon dont elle est amoureuse et tente de rompre la loi du silence.
Pour le retrouver, au risque de sa propre vie, elle tente de rejoindre le monde obscur où son ami est emprisonné et auquel le lac offre une mystérieuse voie d’accès. Sicilian Ghost Story revisite le mythe de Roméo et Juliette dans le monde impitoyable de la mafia. 



Critique :

Fable gothique poétique et tragique rappelant fortement - et logiquement - le cinéma béni de Guillermo Del Toro avec cet " allégement " du réel par la mythologie, #SicilianGhostStory est un moment de cinéma aussi authentique et bouleversant qu'il est d'un humanisme terrassant. pic.twitter.com/QsfWLm0OLa

— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 13 juin 2018

Découvert aux yeux du grand public il y a cinq ans de cela avec Salvo, chronique hantée par Le Samouraï du grand Melville (où un homme de main de la mafia se découvrait peu à peu une humanité), le duo Fabio Grassadonia/Antonio Piazza continue à traiter de la figure mystique et dangereuse de la mafia ritale pour leur troisième long, Sicilian Ghost Story, qui aura gentiment pris son temps pour atteindre les salles obscures hexagonales, après un passage remarqué sur la croisette cannoise... en 2017.

Habile prolongement des thèmes phares de leur précédent essai tout autant qu'un brillant mélange des genres, le film est surtout la mise en images singulière d'un fait divers d'une cruauté sans nom : le calvaire réel d'un adolescent innocent, Giuseppe, kidnappé et retenu pendant deux ans par la mafia pour faire pression sur son informateur.
Mais loin de la simple chronique douloureuse sur une terrifiante réalité jamais masquée (le dénouement de ce rapt, inéluctablement tragique, est à la limite du supportable), le duo de cinéastes parsème leur film d'une dose de fiction fantastique aussi complexe que sincère, opérant de manière totalement inattendue, un retour aux sources du conte initiatique, en embrassant fougueusement sa part d'ombre par la force d'une initiation à la dure d'un gamin confronté à l'horreur la plus pure, et dont la seule échappatoire est l'imaginaire qu'il partage avec son amoureuse, Luna, une jeune camarade de classe.

Fable gothique à l'humanisme terrassant, à la mise en scène aussi sobre que léchée (mention à la sublime photographie de Lucas Bigazzi), rappellant fortement - et logiquement - le cinéma béni de Guillermo Del Toro avec cet " allégement " du réel (toujours montré avec réalisme et crudité) par la mythologie (un univers imaginaire nourri par le dessin et l'écriture), Sicilian Ghost Story, tragédie poétique où la pureté de l'amour et de l'imagination triomphent du mal, est un moment de cinéma aussi authentique et bouleversant qu'universel.
Onirique, radical, cruel et douloureusement optimiste même face à l'implacable réalité, le film est une véritable expérience étrange et pénétrante, qui n'aura de cesse de vous hanter même longtemps après sa vision...


Jonathan Chevrier