[CRITIQUE] : Le maître du Kabuki
Réalisateur : Lee Sang-il
Acteurs : Ryô Yoshizawa, Ryusei Yokohama, Soya Kurokawa, Keitatsu Koshiyama,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h54min.
Synopsis :
Nagasaki, 1964 - A la mort de son père, chef d’un gang de yakuzas, Kikuo, 14 ans, est confié à un célèbre acteur de kabuki. Aux côtés de Shunsuke, le fils unique de ce dernier, il décide de se consacrer à ce théâtre traditionnel. Durant des décennies, les deux jeunes hommes évoluent côte à côte, de l’école du jeu aux plus belles salles de spectacle, entre scandales et gloire, fraternité et trahisons... L'un des deux deviendra le plus grand maître japonais de l'art du kabuki.
Au-delà du plaisir, indéniable, de retrouver le grand Ken Watanabe et sa présence ambiguë et obscure, loin des blockbusters Hollywoodiens dont il nous avait fait une habitude sur les deux dernières décennies (même si le bonhomme s'est échiné à figurer aux distributions de quelques-unes des meilleures de ses productions), Le Maître du Kabuki de Lee Sang-il incarne sans l'ombre d'un doute (avec, entre autres, l'immense Magellan de Lav Diaz), l'une des ultimes belles surprises d'une année ciné 2025 qui les a dégainé en masse (une vérité indiscutable, n'en déplaise aux spectateurs/cinéphiles les moins avertis).
Fresque imposante sur l'obsession artistique, le sacrifice et l'effacement consentie de soi, la narration reste tout du long au plus près d'une âme marquée très jeune par le fantôme sordide et glaçant de la Grande faucheuse, Kikuo, héritier d'une famille yakuza dont il va quitter la violence sourde et viscérale à la mort de son père (un acte tout autant traumatisant que fondateur), pour être confié un célèbre - et redoutable - acteur de kabuki qui, aux côtés de Shunsuke, son fils unique (avec qui Kikuo va moins entretenir une rivalité intestine qu'une opposition liée dans la rigueur et l'investissement sans réserve de soi), va lui apprendre son art, dont l'élégance et le raffinement cache une exigeance - comme une loyauté - aussi extrême que brutale.
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| Copyright Pyramide Distribution |
S'étendant sur pas moins cinq décennies, documentant avec une précision chirurgicale la construction à la fois douloureuse et méticuleuse d'un artiste, dont chaque parcelle de son âme (l'esprit comme l'enveloppe charnelle) est vouée à être brisée pour parvenir à son but - une reconstruction plus forte -, dans une sorte de purification d'un héritage violent par la vénération sacrée d'un art pensé un temps comme un refuge, avant d'incarner le moteur vivant et vibrant de toute une existence; le film de Sang-il se fait un portrait glacial, presque anthropologique, de la dévotion comme de la souffrance du corps sous le sceau d'une discipline implacable, pour atteindre la perfection dans l'exercice - ou plutôt, l'incarnation - d'un art à l'apparente simplicité incroyablement trompeuse, tant le prix à payer pour sa beauté et la défense de son caractère sacré, est démesuré.
D'une maîtrise formelle exceptionnelle (tout en longs plans-séquences intenses et en coupes abruptes), tout autant qu'il est dominé par les prestations sensiblement investies de Ryo Yoshizawa et Ryusei Yokohama, Le Maître du Kabuki est un magnifique drame dévastateur et subtil dont on ressort aussi charmé que troublé.
Le cadeau de Noël que personne n'attendait, mais dont il serait fou de passer a côté.
Jonathan Chevrier


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