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[CRITIQUE] : Le temps des moissons


Réalisateur : Huo Meng
Acteurs : Shang Wang, Chuwen Zhang, Zhang Yanrong, Zhang Caixia,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Chinois.
Durée : 2h15min.

Synopsis :
Chuang doit passer l’année de ses dix ans à la campagne, en famille mais sans ses parents, partis en ville chercher du travail. Le cycle des saisons, des mariages et des funérailles, le poids des traditions et l’attrait du progrès, rien n’échappe à l’enfant, notamment les silences de sa tante, une jeune femme qui aspire à une vie plus libre.





Il y a, indiscutablement, de la douceur lancinante comme de la mélancolie des cinémas de Jia Zhangke et de Hsiao-Hsien, qui se dégage du second long-métrage du cinéaste chinois de Huo Meng (dont le premier effort, Crossing the Border, petite bête de festivals, demeure toujours cruellement inédite dans l'hexagone), Le Temps des moissons, merveilleuse et amère élégie rurale capturée sur une année entière, flanquée dans une Chine en pleine mutation, au virage du début des des années 90, au plus fort des mutations socio-économiques et culturelles du pays.

Non pas bâti sur l'opposition - souvent prétexte et artificielle - entre tradition et modernité, et encore moins sur l'unique idéalisation d'une ruralité à la solidarité marquée (la beauté comme la dureté de la vie paysanne sont pointées sur un même pied d'égalité), la narration s'intercale brillamment sur les fractures causées par le temps et ses bouleversements inévitables, scrute méticuleusement ce qui unit comme ce qui sépare les différentes générations qui habitent son cadre.

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Joliment à hauteur d'enfant, Meng s'attache aux aternoiments d'un jeune Chuang, dix ans au compteur, pour en faire le témoin innocent des moindres bouleversements qui façonne l'histoire du film comme de celle de son village et de toute une nation lessivée, dont le présent est oppressé par la violence insidieuse d'une urbanisation et d'un capitalisme galopant, mais aussi par la froideur institutionnelle d'un système affreusement répressif (dont les ravages de la politique de l'enfant unique, comme la rupture avec une culture agricole séculaire, ne se font que la pointe visible de l'iceberg).
Une survie au quotidien de plus en plus difficile (surtout pour les femmes, d'autant plus étouffées par les lois patriarcales), dont les promesses d'un avenir meilleur sont noyés par l'assurance de souffrances encore plus dures à encaisser.

Récit initiatique embaumé par la vie tout autant que par la mort (le film débute et se clôt sur des funérailles, dont les différences symbolisent à elles seules la mutation du pays), Le Temps des moissons, dénué de tout misérabilisme putassier, est un drame à la fois poétique et vibrant, mélancolique et désenchanté sans pour autant dénué d'humour.
L'une des séances immanquables d'une fin d'année qui les aligne à la pelle.


Jonathan Chevrier