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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Malina


Réalisateur : Werner Schroeter
Avec : Isabelle Huppert, Mathieu Carrière, Can Togay, Isolde Barth,…
Distributeur : Les Films du Camelia
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand, Autrichien.
Durée : 2h07min

Date de sortie : 13 novembre 1991
Date de ressortie : 26 novembre 2025

Synopsis :
Vienne au début des années 70. Une femme, philosophe, poétesse, essayiste, romancière – brillante et contestée – libre, folle, révolutionnaire et féministe. Deux hommes l’entourent. Malina, le mari, le frère, le complice, en tout cas une partie d’elle-même. Yvan, l’amant, l’éclair, le choc du plaisir découvert ou retrouvé, qui l’emporte sur les chemins de la passion. Jusqu’où la mènera son feu intérieur ?





Au sein d'un calendrier des sorties furieusement chargé, les ressorties aux petits oignons de certains distributeurs (des Films du Camélia à Carlotta Films, en passant par Potemkine, histoire de faire un peu de name-dropping aux petits distributeurs qui méritent amplement tous les regards cinéphiles) incarnent autant une bouffée d'air frais, que la possibilité de découvrir - où de re-découvrir - des merveilles du cinéma d'hier, qui ont pour beaucoup, influencées le cinéma d'aujourd'hui (car les influences sont et ont toujours été, cyclique).

Passé un mois de novembre particulièrement dense, d'une pluie de films de Francis Ford Coppola et Werner Herzog, sans oublier L'Anglaise et le Duc d'Eric Rohmer, L'étrange obsession de Kon Ichikawa où même The Killer de John Woo, place à Malina de Werner Schroeter, figure phare du Nouveau cinéma allemand des 60s/70s et adaptation - plus où moins lointaine - du roman éponyme de l'écrivaine autrichienne Ingeborg Bachmann (ce qui restera son unique roman) par Elfriede " La Pianiste " Jelinek - et avec la merveilleuse Isabelle Huppert en vedette, où comment boucler la boucle à la perfection.

Copyright Les Films du Camélia/Kuchenreuther Filmporduktion GmbH/Zweites Deutsches Fernsehen/Neue Studio Film

Drame vénéneux à la contemporanéité bouillante, qui vient attaquer frontalement l'hypocrisie profonde et insidieuse de la société contemporaine, en s'attachant au plus près des tourments intérieurs, dans un Vienne des 70s encore furieusement marqué par les ravages de la Seconde Guerre mondiale, d'une philosophe et écrivaine reconnue fille de nazis, déchirée par sa passion dévorante pour deux hommes/amants, au point de lentement mais sûrement glisser vers la folie, tribut d'une liberté qu'elle pensait pour acquise.

Portrait psychologique complexe et à la théâtralité assumée dans sa narration (savamment décousue et tout en ellipses salutaires) comme dans son montage (frénétique) et sa mise en scène (léchée et riches en séquences troublantes), en totale adéquation avec la destinée chaotique d'une femme dont la réalité - comme son identité - fragmentée se mêle, se percute à ses illusions (encore une fois, une Isabelle Huppert littéralement à tomber), Malina est un sommet de drame sur l'auto-destruction aussi stimulant qu'il est fascinant et dérangeant.
Une (re)découverte essentielle du moment.


Jonathan Chevrier