[CRITIQUE] : Familia
Réalisateur : Francesco Costabile
Acteurs : Francesco Gheghi, Barbara Ronchi, Francesco Di Leva, Marco Cicalese, Tecla Insolia,...
Distributeur : Damned Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien.
Durée : 2h04min
Synopsis :
Rome, début des années 1980. Licia élève seule ses fils Gigi et Alessandro, suite à une mesure d’éloignement de Franco, leur père dont la violence a marqué leur enfance. Gigi grandit en trouvant refuge auprès d’un groupe néofasciste et reproduit peu à peu le schéma paternel. Après dix ans d'absence, Franco réapparaît, bien décidé à retrouver sa place au sein de ce qu'il considère comme son foyer.
D’après le livre de Luigi Celeste - Non sarà sempre così (Il n’en sera pas toujours ainsi).
Il y a des sujets qui ne fuient pas l'actualité, tant les maux qu'ils portent sont d'une dureté continue, intemporelle, impossible à guérir, parce qu'ils sont perpétués avec une inhumanité froide presque quotidiennement.
Des maux souvent, longtemps condamnés au silence jusqu'à ce que le courage des victimes s'exprime, parfois trop tardivement pour qu'une justice déjà à deux vitesses en temps normal (quand elle n'est pas absolument inexistante), ne puisse faire son office.
![]() |
Copyright Damned Films |
Familia, estampillé second long-métrage du cinéaste italien Francesco Costabile (que l'on avait découvert avec Una Femina, qui abordait lui aussi la violence envers une figure féminine au sein de la mafia calabraise), co-écrit avec Sara Loffredi, qui base son récit sur la véritable expérience couchée sur le papier, de l'auteur Luigi Celeste (le roman autobiographique Non sarà sempre così), est l'une des rares séances récentes à aborder avec autant de justesse et de dureté les affres douloureux de l'emprise et de l'obsession affective comme des ravages des violences domestiques et de l'héritage/transmission de cette horreur, au coeur d'une modeste famille totalement vampirisée par la toxicité exacerbée d'un père abusif.
Un cousin âpre et calabrais au fantastique Jusqu’à la garde de Xavier Legrand.
Scindé en deux parties bien distinctes tout en ellipses (ce qui sape un brin, le développement de ses personnages), la narration suit dans un premier temps l'étouffement progressif d'une mère qui subit dans un silence sourd les abus psychologiques comme physiques de son mari, face auxquels ses deux fils - Luigi et Alessandro - sont des témoins impuissants.
Une emprise si puissante et totale qu'elle est tétanisée à l'idée de signaler quoique ce soit, jusqu'à ce qu'un texte de Luigi à l'école, alerte les autorités et sépare les deux enfants de leur parents.
Le ver était déjà dans la pomme, et cette réponse institutionnelle inhumaine et incompétente face à la brutalité d'un père, nourrira la colère comme la vision déformée du monde de Luigi, et son chemin vers une autre forme de violence (les actions racistes, à travers un groupe de skinheads qu'il considère comme sa seconde famille), reflet sombre de celle qui gangrenait l'âme de son patriarche, dont il est une victime avant tout.
![]() |
Copyright Damned Films |
Embaumé dans une atmosphère constante d'oppression, à laquelle la mise en scène répond avec des plans emprisonnant les personnages aussi bien avec leur environnement désolé qu'avec eux-mêmes, Familia, entre le drame familial intime et le thriller brutal, sonde durement la détérioration émotionnelle et psychologique d'une famille sous le poids néfaste et monstrueux de la violence d'un père.
Une sacrée séance, nécessaire, dure et sans concession.
Jonathan Chevrier