[CRITIQUE/RESSORTIE] : Règlement de comptes


Réalisateur : Fritz Lang
Avec : Glenn Ford, Gloria GrahamePeter Whitney, Lee Marvin,...
Budget : -
Distributeur : Park Circus France
Genre : Policier, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h29min

Date de sortie : 8 décembre 1953
Date de ressortie : 19 mars 2025

Synopsis :
Le policier Tom Duncan se suicide en laissant une lettre où il révèle la corruption de l'administration de la ville qui est sous la coupe du gangster Mike Lagana. Dave Bannion pense qu'il y a une autre raison au suicide de son collègue. Ses soupçons sont confirmés lorsque Lucy Chapman, une entraîneuse, lui apprend qu'il était en parfaite santé et décidé à divorcer pour elle. Le lendemain, Dave reçoit l'ordre d'abandonner l'enquête, mais ne s'y résout pas : Lucy a été assassinée. Ce dernier défie Lagana et l'accuse d'avoir tué la jeune femme.




S'il est une évidence pour beaucoup de cinéphiles (et il est bien difficile de les contredire) que le pendant américain de la foisonnante carrière du vénéré Fritz Lang, n'a pas totalement la même grandeur que la première moitié de sa filmographie tournée dans son Allemagne natale, ce constat n'empêche pas cependant de se plonger sans réserve au coeur de ses dits efforts, tant certains méritent décemment le détour.


Produit quasiment au crépuscule de son épopée au cœur du pays de l'oncle Sam - le milieu des 50s -, et tourné en un temps record de quinze jours (les amoureux des 80s/90s appellent ça " la méthode Albert Pyun ", en plus talentueuse ici, évidemment), Règlement de comptes aka The Big Heat, à la mécanique Langienne purement huilée, incarne un solide polar des familles aux excès de violence gentiment marquants, vissé sur la quête vengeresse d'un bon flic au cœur d'une cité pourrie par la corruption - fermement ancré au sein des institutions - et le crime.

Soit Dave Bannion qui, à la suite du suicide d'un membre de sa brigade, réalise le degré mignon de corruption qui règne aussi bien dans son propre corps de métier (collègues comme supérieurs) qu'au plus hautes sphères politiques.
Un peu trop intègre et refusant de se salir pour rentrer dans le moule, plus prompt à la confrontation brutale qu'à toute idée d'approche pensée et subtile, son enquête pour découvrir pourquoi son ancien collègue s'est ôté la vie fait qu'il deviendra, inéluctablement, une cible de choix pour la pègre locale qui a l'ambition de le balancer pour un aller sans retour entre quatre planches.


Image via Columbia Pictures/TriStar Pictures /Park Circus

Mauvaise pioche, sa voiture plastiquée ne le tue pas lui mais sa chère et tendre, la (grosse) goutte de pisse qui va faire déborder la cuvette et placer le bonhomme sur la voie destructrice d'une croisade où justice et vengeance ne font plus qu'une...

Symbole du regard férocement pessimiste que pose le cinéaste sur une nation américaine qu'il est en passe de quitter (corruption policière et politique, gangsterisme de plus en plus imposant,...), le film se fait l'auscultation crue d'un flic honnête dont la foi inébranlable en la justice le place au-dessus de tout, tellement obsédé à l'idée d'annihiler toute la crasse qui l'entoure (un mal dont la banalisation au sein de la société de l'époque, est proprement effrayante) et de mener à bien sa vendetta, qu'il aligne lui-même de manière insensée les victimes collatérales (surtout des femmes, pas uniquement la sienne) sur son propre chemin dénué de toute culpabilité; Lang s'amuse à détricoter les fines nuances qui unissent et désunissent policier et truand, à mesure que les actions de Bannion brouillent autant la frontière entre le bien et le mal, qu'elles effacent inconsciemment la frontière - censée être indélébile - qui les séparent.


Revenge movie désespéré et brutal mené tambour battant, à la fois merveilleusement dense et d'une simplicité rare, Règlement de comptes est un vrai diamant noir noué autant autour de la mise en scène enlevée du cinéaste, que de la partition folle d'un Glenn Ford habité (modèle évident au futur Dirty Harry de Don Siegel), à qui répond un Lee Marvin absolument terrifiant en homme de main particulièrement sadique.
Clairement une de ses (re)découvertes immanquables en salles.


Jonathan Chevrier




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