[FUCKING SERIES] : Adolescence : Laisses pas traîner ton fils


(Critique - avec spoilers - de la mini-série)


Qu'on se le dise, la comparaison est forte certes, mais surtout évidente : Adolescence créée par le tandem Stephen Graham et Jack Thorne est, assurément, la meilleure mini-série Netflix depuis When they see us/Dans leur regard chapeautée par Ava DuVernay avec qui elle partage, au-delà d'être techniquement impressionnante, plus d'un point commun, notamment celui d'être savamment écrite et conçue pour que le spectateur ne puisse jamais détourner le regard (un peu à l'image aussi, Angleterre oblige, à Broadchurch)

Une véritable pièce de théâtre anxiogène et captivante tricotée autour d'un pitch à la fois simple mais accrocheur (le meurtre d'une adolescente avec pour principal suspect, un de ses camarades de classe, Jamie Miller), où chaque acte/épisode est tourné en plan-séquence (tout autant qu'ils imposent chacun un cadre et une période bien distincte, comme autant de couches/pièces de contexte à superposer pour avoir l'entièreté de l'histoire) comme pour mieux incarner une analyse édifiante, seconde par seconde, de la psychologie humaine, à la fois nouée autour des angoisses et des échecs d'une parentalité - comme de tout un système - défaillante, que d'une adolescence capable du pire quand elle est sans protection ni surveillance.

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L'intérêt n'est d'ailleurs jamais pas de questionner la potentielle culpabilité où non de son jeune accusé (elle ne fait aucun doute, et ne tarde pas à pointer le bout de son nez dès le final du premier épisode) où même de s'intéresser à la victime et à sa famille, mais bien de sonder les arcanes du mal, de mettre en images tout autant que de comprendre ce qui a amené un gamin peu populaire et peu sur de lui (que l'on a même pas peur de définir comme un incel en puissance), à planifier et commettre l'irréparable.
Un gosse désespéré, refusant toute idée de rejet et certes aux accès de colère particulièrement violent, mais dont l'explosion dévastatrice n'est que la résultante d'un harcèlement constant, victime qu'il est de l'impact colossal d'internet et de l'omniprésence des réseaux sociaux, comme d'une toxicité masculine qui n'a jamais paru aussi décomplexée qu'aujourd'hui.

Jamais frappée par la peur d'être trop intrusive, la crainte de se balader sans réserve dans les pires moments de la vie de chacune des figures principales, ni de pointer la honte comme l’horreur qui les consume, Adolescence scrute de façon percutante le gouffre qui (dés)unit deux générations, à travers la lente réalisation de parents confrontés autant de plein fouet à la tragédie derrière les failles de leur éducation (ils porteront toujours en eux le poids et la culpabilité du crime de leur fils), qu'à la dure réalité qu'il ne retrouveront jamais l'enfant innocent qu'ils pensaient à voir, puisqu'il est finalement mort au moment même où il est passé à l'acte.

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Le show assène sans ménagement ses dures vérités et ce, sans pour autant être dénué d’espoir et de compassion, le tout magnifié à la fois par l'impressionnante performance du jeune venu Owen (qui capture tout le spectre troublé de l'adolescence en presque une seule scène, un interrogatoire/affrontement avec une psychologue campée par la - toujours - excellente Erin Doherty), que celle d'un Stephen Graham impérial, déchirant en père qui s'efforce de comprendre la culpabilité de la chair de sa chair, ce que cela signifie pour sa famille et plus encore, ce que cela révèle de lui.

Tout autant qu'une radiographie crue sur les faillites systémiques de l'éducation, à toutes les échelles, que de l'adolescence à l'heure de la sur-présence du tout-connecté, qu'un drame férocement bouleversant sur la souffrance familiale et le regret, d'une épure émotionnelle assez rare jusque dans son bouleversant final; Adolescence est tout simplement un must-see pertinent et percutant au sein d'un catalogue Netflixien qui, soyons honnêtes, en avait cruellement besoin...


Jonathan Chevrier



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