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[CRITIQUE] : Les Filles du Nil


Réalisatrice•eur : Ayman El Amir et Nada Riyadh
Acteurs : -
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Danois, Égyptien, Français, Qatari, Saoudien.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Dans un village du sud de l'Égypte, une bande de jeunes filles se rebelle en formant une troupe de théâtre de rue. Rêvant de devenir comédiennes, danseuses et chanteuses, elles défient leurs familles coptes et les habitants de la région avec leurs performances audacieuses.




Critique :



C'est dans l'intelligence d'une approche que réside, souvent, la singularité comme la puissance d'un remarquable documentaire.
En apparence, il n'y a rien de plus simple sur le papier, que le procédé opéré par le tandem Nada Riyadh et Ayman El Amir, à travers leur (très) lucide effort Les Filles du Nil, à savoir suivre pendant quatre années, l'évolution de plusieurs jeunes femmes égyptiennes ambitieuses venant d'un petit village égyptien sur les rives de Nil, toutes membres d'une dynamique troupe de théâtre de rue entièrement féminine, défiant les limites d'une société patriarcale oppressante.

Copyright Dulac Distribution

En apparence seulement, tant le parti pris choisi par les cinéastes est des plus malins et vivants : une mise en scène complice et sans réserve du réel, une plongée immersive et perspicace au plus près de l'intimité de ces jeunes héroïnes pionnières, au plus des joies et comme des frustrations qui animent leurs actions, elles dont l'autodétermination, les désirs d'avenir et de rébellion comme d'autonomie, entrent totalement en conflit avec les réalités excessivement conservatrices qui régissent la vie des femmes au sein de leur communauté.

Imperturbables même face à l'hostilité - parfois violente - et aux failles des sphères familiales où règnent souvent la désapprobation (même si les réactions comme les pensées sont bien plus diverses qu'on pourrait le croire), elles cultivent leur union sororal comme leur vision par la remise en question de tout un système et de ses croyances, abordent des sujets généralement évités et tabous - sans jamais censurer leurs réflexions -, dénoncent les restrictions comme les ravages de l'hégémonie du patriarcat (sans pour autant tomber dans une condamnation binaire des hommes), en ouvrant au débat au détour de chansons, de danses et autres sketches de rue souvent décapants.
Autant des performances que de vraies actions politiques, même si la réalité des pressions sociales et des compromis obligés s'imposent peu à peu à elles, à mesure que les années passent et que la troupe se fragmente comme leurs rêves.

Copyright Dulac Distribution

C'est dans leur courage, leur persévérance et leur résilience, magnifiques, malgré les innombrables difficultés et leurs aspirations étouffées, que naît un sentiment d'espoir douloureusement dévastateur, elles qui plantent modestement, à leur échelle, les petites graines d'une hypothétique mais espérée évolution qui pourrait, même lentement, pousser à l'avenir et profiter aux jeunes femmes de demain.

Œuvre féministe épurée et puissante à l'intimité rare, Les Filles du Nil suscite une empathie naturelle tout autant qu'il laisse une marque indélébile - voire même un brin mélancolique - sur son spectateur, même longtemps après sa vision.


Jonathan Chevrier