[CRITIQUE] : Délocalisés

Réalisateurs : Ali et Redouane Bougheraba
Actrice : Redouane Bougheraba, Vanessa Guide, Ahassan Uddin, Antoine Gouy,...
Distributeur : StudioCanal/TF1 Studios
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h26min
Synopsis :
Le jour où Redouane va obtenir sa promotion et enfin passer contremaître, il apprend que l'usine de matelas où il travaille est délocalisée en Inde. Bien décidé à conserver sa promotion, il accepte de partir tout en ayant la garantie d'être payé double et emmène avec lui Marguerite sa compagne. Une fois sur place, il découvre que son patron l'a dupé, il sera bien payé double mais en roupies. Furieux, il décide de se venger en enseignant aux équipes le meilleur des droits sociaux français : grèves, manifestations et RTT avec pour seul objectif de renverser son patron. Entre choc des cultures et lutte sociale, Redouane mène une révolution inattendue qui pourrait bien changer le destin de l’usine… et le sien.
Qu'on se le dise (et on le fait assez souvent, mais chut), la comédie est, sans l'ombre d'un doute, le genre cinématographique qui est à la fois le plus difficile à aborder, mais aussi et surtout le plus ingrat (puisque rarement invité à la fête des tops de fin d'année, comme des courses aux statuettes dorées), et encore plus au sein d'un septième art hexagonal où il est facile (s'en est même un sport, pour les spectateurs les plus bas du front d'entre-nous, et sans même avoir vu les films parce que lolilol) de tirer sur une ambulance sans roues, sans vitres et sans moteur - voire même parfois sans conducteur, vous reconnaîtrez les films en question.
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Car s'il n'est vraiment pas aisé de faire rire si ce n'est tout le monde, au moins une bonne dizaine/centaine de milliers de spectateurs, ça l'est d'autant plus d'être drôle, et encore plus (définitivement trop de plus dans cette phrase) à une époque où le politiquement correct se fait de plus en plus despotique.
Porteur d'un humour (très) simple et enfantin, jouant pleinement sur les bordures glissantes du comique de situation, la fratrie Bougheraba s'inscrivait jusqu'ici, d'une certaine manière, dans la continuité régressive et dénué de grande force narrative des comédies des 70s/80s des doux dingues tels que feu Philippe Clair où les Charlots (calmes-toi lecteur fougueux, on n'ira pas jusqu'à user du blasphème de la comparaison stérile avec ses films cultes d'une autre époque).
Sans l'un des deux cinéastes de la famille, Hakim (derrière les sympathiques - oui - Les Segpa et Sous Écrous, dont on préférera cela dit leur passé YouTubesque), c'est le tandem Ali/Redouane (qui porte la triple casquette de comédien vedette, co-scénariste et co-réalisateur pour la première fois) qui s'essaye à la comédie sociale, à la lisière du pamphlet, avec Délocalisés, petit pot-pourri narratif qui traite de manière chaotique des affres de la mondialisation, de la délocalisation (d'où le titre) de la lutte ouvrière et même d'un choc des cultures familiers au cœur de la plus grande démocratie du monde - L'Inde.
Le tout vissé sur les atermoiements d'un employé d'une usine de fabrication de matelas fraîchement nommé contremaître, obligé de plier bagages avec sa compagne pour bosser de l'autre côté du globe et gérer une équipe locale, aux habitudes professionnelles sensiblement différentes et en pleine crise sociale.
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Évidemment cousu de fil blanc mais au capital sympathie pourtant bien réel, Délocalisés, fin comme du gros sel et frappé par le sceau d'une écriture au moins aussi méchamment fragile que sa mise en scène (son cadre est plus un prétexte d'écriture qu'autre chose, tant il n'est jamais vraiment sublimé à l'écran), réserve néanmoins son petit lot de séquences cocasses, bien aidé par un humour mi-potache, mi-bon enfant, porté par la gouaille d'un Redouane qui, plus encore que sur scène, mouille le maillot sans demander le moindre temps mort (même si son alchimie avec la craquante Vanessa Guide, est proche de l'encéphalogramme d'une grenouille).
C'est maigre certes, rachitique même, mais on ne bouge pas totalement notre plaisir pour autant, sachant que l'on a vu bien pire ces derniers mois, notamment au cœur d'une comédie hexagonale qui souffle tout autant le chaud que le froid.
Jonathan Chevrier