[CRITIQUE] : Personne n'y comprend rien

Réalisateur : Yannick Kergoat
Actrice : Florence Loiret Caille (narratrice).
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h43min.

Synopsis :
Une démocratie et une dictature. Une campagne présidentielle et de l’argent noir. Une guerre et des morts. « Personne n'y comprend rien », se rassure Nicolas Sarkozy au sujet de ses liens avec le colonel Kadhafi. Alors que s’ouvre le procès de l’affaire des financements libyens, voici le film qui va enfin vous permettre de tout comprendre à l’un des scandales les plus retentissants de la Ve République.

Critique :

Pédagogique dans sa volonté d'exposer tous les détails complexes de l'affaire Sarkozy-Kadhafi avec limpidité et sérieux, tout autant que de pointer une défense aussi désespérée que cartoonesque, #PersonneNyComprendRien est de ces quêtes de vérités aussi édifiante que nécessaire. pic.twitter.com/tHGV7L4e6S
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 18, 2025

À une heure où les médias choisissent une manière - sournoise et partiale - bien à eux de couvrir l'actualité, pour quiconque n'ayant pas le réflexe de se perdre dans les méandres des réseaux sociaux où, il est vrai, tout et son contraire y est affirmé telle une vérité irréfutable, le septième art est plus que jamais un outil de prise de conscience et de connaissance essentiel, pour réaliser ce qu'il se passe réellement sur notre planète.
Pas de polissage de l'image par une quelconque rédaction obscure (et/où aux intérêts bien trop marquées pour apparaître objective), pas de crainte d'un quelconque incident diplomatique : simplement montrer la réalité en nous plaçant au plus près d'elle, souvent avec l'appui de journalistes dont les investigations ne sont pas bridées, et ont un écho définitivement plus fort que frappés sur le papier.

En ce sens, un documentaire tel que Personne n'y comprend rien de Yannick Kergoat (les excellents Les nouveaux chiens de garde et La (très) grande évasion) est, véritablement, d'utilité publique, lui dont les intentions sont dégainées dès son titre, qui cite directement les mots mêmes d'un Nicolas Sarkozy qui, au cours d’une interview donnée au Figaro Magazine, tentait de désamorcer l'éclairage sur l'affaire dont il était le principal inculpé : celle du financement de sa campagne présidentielle par le colonel Kadhafi.

Un sujet déjà abordé d'une manière magistrale dans le roman graphique Sarkozy-Kadhafi - Des billets et des bombes, et dont il est une alternative essentielle en incarnant une œuvre synthétique et parfaitement ancrée dans l'actualité - le procès s'est ouvert le 6 janvier dernier.
Avec force, le documentaire vient appuyer pas moins de dix années d'investigation précises dont le minimalisme de leur retranscription à l'écran n'a d'égale que la détermination extraordinaire d'une enquête fleuve, où les témoignages des journalistes de Média ayant oeuvrés sur l'affaire, se voient agrémentés des nombreux démentis médiatiques des personnes inculpées, principalement l'ancien Président de la République et Claude Guéant, ancien secrétaire général de la présidence de la République française et ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration durant l'investiture du premier.

Pédagogique dans sa manière de jouer pleinement la carte de l'illustration, dans sa volonté d'exposer et de clarifier tous les détails complexes de cette affaire avec modestie, limpidité et sérieux, le tout porté par un sens du montage des plus affûtés; Personne n'y comprend rien est de ces quêtes de vérités édifiantes qui méritent d'être vues et partagées tant elles dégainent des révélations accablantes et effarantes, tout autant qu'elle fustige une défense aussi désespérée que cartoonesque (notre réalité est plus proche de Groland qu'on ne le croit).
Personne n'y comprenait rien donc mais ça, c'était avant.

Jonathan Chevrier