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[CRITIQUE] : La Source


Réalisatrice : Meryam Joobeur
Acteurs : Salha Nasraoui, Mohamed GrayaaMalek MecherguiAdam Bessa,...
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Tunisien, Français, Canadien, Norvégien, Qatari, Saoudien.
Durée : 1h58min.

Synopsis :
Dans un village reculé de Tunisie, Aicha et Brahim sont dévastés par le départ inexpliqué de leurs fils, partis pour une guerre indicible. Quand l’un d’eux revient avec une mystérieuse fiancée voilée et muette, les parents décident de taire ce retour. Mais Bilal, un policier et ami de longue date, enquête sur des événements inquiétants. Ses suspicions ne tardent pas à le mettre sur la piste de la famille.



Critique :



On pourrait intimement rapprocher le premier long-métrage de la wannabe cinéaste canado-tunisienne Meryam Joobeur, La Source, au premier tout récemment mis en scène par Mareike Engelhardt, Rabia (toujours en salles, pour les plus curieux); deux efforts comme autant de réponses à la fois intime, douloureuse et pertinente sur la question de la radicalisation religieuse, à une heure des réseaux sociaux et de la télévision poubelle, où n'importe qui poppant de nulle part, peut prétendre à un statut d'expert sur n'importe quel sujet - et encore plus, ceux demandant un minimum de bagages.

Copyright 2024 Tanit Films, Leona Films Inc, Instinct Bleu, 1888 Films

Si Engelhardt privilégiait un regard cru et viscéral, fruit d'un vrai travail d'investigation fouillé et pointu pendant huit ans, pour aborder avec maîtrise et au plus près de la réalité la vérité derrière les « madâfas », ses " maisons " où sont parquées, entassées les captives volontaires de l’État islamique, amenés à devenir, dans le meilleur des cas, les futures épouses (et plus tard les mères), des combattants de Daesh; Joobeur, qui croque ici une extension de son propre court-métrage Brotherhood, dont elle reprend les principaux traits (à ceci près qu'elle ne se fixe cette fois plus sur le point de vue du père, mais bien de la mère, toujours campés par le tandem Mohamed Grayaâ/Salha Nasraoui), se revendique lui comme une œuvre un peu plus insaisissable et esthétiquement soignée - mais pas moins pertinente pour autant.

Adoptant la même approche cinématographique, à mi-chemin entre réalité et onirisme, que Lemohang Jeremiah Mosese pour son magnifique L'Indomptable feu du printemps (jusque dans sa mise en scène, un format 1:33 au plus près des visages et des corps, tout en appuyant la puissance des paysages tunisiens, sublimé par la photographie léchée de Vincent Gonneville), le film suit donc le même pitch que son pendant épuré : dans un village isolé de Tunisie, un couple dont deux fils ainés ont rejoint Daesch, voit l'un d'eux revenir avec une fiancée enceinte à son bras et l'annonce que son frère est mort.
Un dilemme alors s'impose à la famille et surtout à la mère, qui prend la décision de cacher son retour à tous, à la police comme au monde, quitte à risquer la prison, pour éviter qu'on lui arrache une nouvelle fois la chair de sa chair.

Copyright 2024 Tanit Films, Leona Films Inc, Instinct Bleu, 1888 Films

Scindé en trois parties bien distinctes, dont une dernière qui plonge sans réserve dans une tonalité onirique - voire un poil horrifique -, La Source incarne in fine moins une expérience aux vérités viscérales sur les conséquences que le fondamentalisme peut provoquer au cœur des familles victimes de la radicalisation, qu'un de voyage sensoriel et existentiel parmi les dunes murmurantes, animé par une sorte de mysticisme qui enfermé tous ses personnages (comme son récit) dans des silences aussi perdus que leurs regards.
La balade est loin d'être désagréable, mais une narration plus claire n'aurait pas forcément atténué la force de son atmosphère aussi oppressante qu'envoutante.


Jonathan Chevrier