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[CRITIQUE] : Bona


Réalisateur : Lino Brocka
Acteurs : Nora AunorMarissa DelgadoPhilip Salvador,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Philippin.
Durée : 1h28min.

Synopsis :
Jeune fille issue de la classe moyenne philippine, Bona a cessé de fréquenter le lycée. Elle préfère suivre Gardo, acteur second couteau sur des films à petit budget. Son attitude finit par exaspérer son père, qui la met dehors. Bona part s’installer chez Gardo. Alors qu’elle pense pouvoir enfin vivre une histoire d’amour avec lui, la jeune fille devient sa bonne à tout faire, obligée de supporter le défilé incessant de ses nombreuses conquêtes...



Critique :



Cinéaste philippin prolifique dont le travail a trop rarement dépassé les propres frontières de sa nation - et encore moins atteint les nôtres -, Lino Brocka se voit offrir un hommage posthume par Carlotta Films, qui s'en va dispenser la magie de son cinéma baigné par le néoréalisme, à travers les salles obscures de l'hexagone, par le biais de Bona, considéré comme l'une de ses œuvres majeures, transposition sur grand écran d'un épisode de la série anthologique Babae.

Soit la plongée troublante dans les limbes d'une jeune gamine issue de la classe moyenne philippine, Bona, dont l'amour irrationnel pour un acteur de seconde zone touche-à-tout (même au porno), Gardo, va la pousser à abandonner ses études, sa famille - et progressivement toute sa vie - pour être au plus près de lui.
Mais alors qu’elle pense pouvoir enfin vivre l'histoire d'amour de toute une existence avec le comédien, elle devient finalement sa bonne à tout faire, un objet à peine digne d'intérêt qu'il n'a aucun problème à violenter, obligée qu'elle se sent de le servir autant que de supporter le défilé incessant de ses nombreuses conquêtes...

© 1980 MS NORA CABALTERA VILLAMAYOR AKA NORA AUNOR. / N.V. PRODUCTIONS Philippines. Tous droits réservés.

Dès les premières minutes du long-métrage, à travers un prologue cru et à la lisière du documentaire, Brocka établit un parallèle évident entre le culte de la célébrité et le culte religieux, faisait de l'être adulé par Bona une idole des temps moderne à ses yeux, un être presque divin, christique, dont la passion démesurée à son encontre ne fait que nourrir sa solitude et son aliénation, quand bien même il n'est jamais montré à la hauteur de cette obsession - c'est un coureur de jupons vantard, égocentrique et profondément immature, en quête constante d'attention.

Où comment adulé un démon, être le bourreau de son propre fardeau, l'artisan de son propre malheur, d'autant que le cinéaste ne glamourise jamais ses personnages, les enfermant dans une dynamique profondément toxique, à la fois étonnamment chaste - du moins un temps -, mais d'autant plus perverse tant elle est bâtie sur l'infantilisation consentie de Gardo, qui ne grandira jamais tant qu'il est aux petits soins d'une Bona (c'est d'ailleurs lorsqu'il tombera amoureux d'une autre femme, riche et plus ancrée dans le monde réel, Katrina, qu'il acquérira une maturité tardive) qui elle, ne vivra jamais vraiment tant qu'elle est à ses côtés (au point qu'elle refuse sa seule porte de salut, Nilo, éperdument amoureux d'elle mais qui, justement, vit pleinement lorsqu'elle l'a rejeté).

Mélodrame cathartique sur une figure douloureusement pathétique, mise en abîme amusée qui nous renvoie de manière inconfortable à nous-mêmes (et si nous étions tous, à différents degrés, les monstres artisans de nos propres tragédies, de nos propres maux ?), Bona est purement et simplement, une merveille de (re)découverte.


Jonathan Chevrier





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