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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Intouchables


Réalisateurs : Olivier Nakache et Éric Toledano
Avec : François Cluzet, Omar Sy, Anne Le Ny, Audrey Fleurot,...
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : -
Genre : Biopic, Domédie, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 2h00min

Date de sortie : 2 novembre 2011
Date de ressortie : 31 juillet 2024

Synopsis :
A la suite d’un accident de parapente, Philippe, riche aristocrate, engage comme aide à domicile Driss, un jeune de banlieue tout juste sorti de prison. Bref la personne la moins adaptée pour le job. Ensemble ils vont faire cohabiter Vivaldi et Earth Wind and Fire, le verbe et la vanne, les costumes et les bas de survêtement... Deux univers vont se télescoper, s’apprivoiser, pour donner naissance à une amitié aussi dingue, drôle et forte qu’inattendue, une relation unique qui fera des étincelles et qui les rendra... Intouchables.



Critique :



Qu'on se le dise, quand bien même ils ont une propension à produire des films sensiblement feel good et réconfortants, fruit d'une formule à l'italienne qui sait savamment presser sur tous les boutons fédérateurs avec un enrobage nostalgico-bienveillant suffisamment sucré; il n'y a, peut-être, pas cinéma populaire qui vieillit plus mal que la filmographie du tandem Olivier Nakache/Éric Toledano, malgré quelques petites exceptions vraiment notables : Nos jours heureux mais surtout Le sens de la fête, leurs seules vraies tentatives authentiquement humoristiques, où ils ne tentaient pas d'insérer au chausse-pied un propos social mal amené/digéré (coucou Samba, Une année difficile).

Intouchables, définitivement leur plus gros succès et la quintessence de leur vision du buddy movie à la française, est une œuvre un poil à part, à la fois divertissante ET au fessier coincé entre les fauteuils de la caricature maladroite, du misérabilisme exacerbé, de la misogynie décomplexée (pauvre Audrey Fleurot...), de la bonne conscience bourgeoise bien démago mais aussi et surtout d'un choc des cultures mignons où le shit et la peinture, Vivaldi et Earth Wind & Fire viennent pimenter une confrontation so clichée bourgeoisie/banlieue entre un aristo tétraplégique et un ex-taulard repenti mais qui se laisse porter par le système, qui va se transformer en une amitié extraordinaire bien masculine, tout en verve et en tchatche, où le premier va réapprendre à vivre tandis que l'autre va enfin prendre son existence en main.

Copyright Gaumont Distribution

De la belle histoire qui dégouline de bons sentiments et qui se digère moins bien qu'un avocat trop mûr, un cocktail pachydermique inspiré d'une histoire vraie (dans les grandes lignes, magie cinématographique oblige), enrobé d'une musique au piano bien larmoyante de Ludovico Einaudi, qui cherche à défier les préjugés faciles (tout en les embrassant, le fameux ourobouros) tout autant qu'à sensibiliser sur les questions du handicap et des banlieues, sans véritablement aller en profondeur des choses voire même sans chercher à toucher à un réalisme un tant soit peu palpable (la précarité des deux côtés).

Parce que oui, sous couvert d'une bienveillance plus ou moins difficilement discutable (car en partie vouée à emporter l'adhésion d'un maximum de spectateurs, sans jamais brusquer personne) et de la bonhomie non feinte suscitée par sa distribution - totalement vouée à sa cause -, la sensibilisation du handicap tourne vite à vide, entre quelques gesticulations futiles (l'insensibilité à la douleur, la sexualité singulière), quelques rires peu complices (on se moque plus aux dépends de Philippe qu'avec lui) et une figure centrale férocement privilégié et donc loin d'être touché par la problématique de 99% des personnes handicapés en France (le souci de s'inspirer d'une histoire vraie, mais aussi celui de ne la réécrire que sous certaines coutures).

Le symbole, au fond, d'une écriture certes soignée dans sa mise en place de la dynamique entre ses personnages, mais sans épaisseur dans sa généralité, qui accumule les simili-sketchs souvent plein de panache (la scène des bas de contention, l'opéra, le rappel à l'ordre du voisin et du petit-ami irrespectueux de la fille de Philippe par Driss,...) mais filmé avec un manque cruel de liant, bardés de vannes mi-figue, mi-raisin tout autant qu'ils sont cinglés d'une gravité pas toujours maîtrisé (le petit frère/cousin qui tourne mal, le love interest que l'on a peur de rencontrer).
Alors oui, taper sur une comédie qui s'appuie justement sur son humour est assez contradictoire, d'autant que le jeu de ping-pong incessant entre un Omar Sy au sommet et un François Cluzet affûté, est vraiment exceptionnel, mais le vrai problème du film est qu'il ne se contente pas de n'être qu'une simple comédie, qu'il ne se contente pas qu'à vouloir faire rire son auditoire.

Copyright Gaumont Distribution

Ambivalent, tant il a à la fois tout du feel good movie drôle et entraînant quand on ne décide de ne pas loucher sur ses grosses coutures, mais dans le sens inverse, qui a tout du divertissement désincarné et faussement authentique pour ceux qui s'y attarde trop; Intouchables, aussi divertissant reste-t-il, vieillit donc un peu plus mal qu'un tube de Earth Wind & Fire ou que le rire extrêmement communicatif d'Omar Sy, mais encore faut-il vouloir le voir.

Exactement le type de seconde (bon, troisième, soyons honnête) vision douce-amère qui peut faire des dégâts mais rassurez-vous, il y a pire : son remake américain...


Jonathan Chevrier