[CRITIQUE] : Reines
Réalisatrice : Yasmine Benkiran
Avec : Nisrin Erradi, Nisrine Benchara, Rayhan Guaran, Jalila Talemsi,...
Distributeur : Moonlight Films Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Marocain, Belge, Hollandais.
Durée : 1h23min.
Synopsis :
Casablanca, Maroc. Zineb s'évade de prison pour sauver sa fille de la garde de l’État. Mais les choses se compliquent rapidement lorsqu'elle prend en otage la conductrice d'un camion, Asma. La police aux trousses, les trois femmes se lancent dans une cavale dangereuse à travers l’Atlas, ses roches rouges et ses déserts brûlants...
Critique :
Le cinéma marocain va définitivement très bien, merci pour lui.
Au crépuscule d'une année particulièrement exceptionnel, le pays du soleil levant avait déjà brillé par quatre fois dans nos salles obscures, que ce soit via le bouillant La Meute de Kamal Lazraq (un premier effort tout en fureur et en désespoir, façon plongée sans concession dans le quotidien violent d'hommes à la marginalité imposée et sans aucune échappatoire, dans une Casablanca vénéneuse), le puisant Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa (entre le réalisme Loachien et le mélodrame italien, un cocktail hybride et audacieux, logé entre la comédie dramatique socialo-familial, et le road movie désenchanté), le vertige sensoriel Animalia de Sofia Alaoui (petite claque SF pourtant chiche en effets, qui prône une unité de tout, une vision holistique de l'humain au travers d'une intime et captivante transformation spirituelle) et le joli feel good délirant Abdelinho de Hicham Ayouch (un chouette moment de cinéma léger et surréaliste, prônant avec bienveillance la tolérance et la nécessité de lutter pour ses convictions).
Le tout sans oublier le solide Déserts de Faouzi Bensaïdi, gentiment logé entre le film à sketch au sous-texte politique marqué, et western poético-existentialiste, ou même le magnifique documentaire La mère de tous les mensonges de Asmae El Moudir sorti plus tôt cette année, qui faisait du 7ème art un outil de découverte de soi (et des siens) mais aussi et surtout comme un outil curatif, première étape fracturée mais fondatrice vers une réconciliation avec la douleur d'hier, pour mieux vivre au présent.
Il faudra désormais ajouter une nouvelle pierre à l'édifice avec Reines, estampillé premier long-métrage de la wannabe cinéaste Yasmine Benkiran, qui s'en va détourner, à l'instar du plus maladroit Par-delà les montagnes de Mohamed Ben Attia, les attentes comme les codes du road movie, pour lui apporter des sonorités douces, tragiques et même un poil fantastiques à travers les atermoiements de Zineb, à la gouaille tout en panache, qui s'évade de prison pour sauver sa fille des griffes des services sociaux.
Pour arriver à ses fins, elle prend en otage une mécanicienne, Asma, au quotidien à la violence tout aussi sourde et tragique, qu'elle catapulte au cœur de sa propre cavale au sud de l'Atlas, où rien ne va jamais vraiment se passer comme prévu dans un désert tortueux, avec une police énervée à leurs trousses...
Allégorie sur un Maroc aussi à la dérive (dont la cinéaste fustige tous les vices ou presque) que son anti-héroine qui ne demande qu'à s'en affranchir, écrasée sous le poids de la discrimination et du conservatisme d'une société furieusement stratifiée (richesse, revenus, sexualité, croyances,...) et à l'idéologie aliénante - surtout pour les femmes -; Reines et ses figures féminines atypiques des deux bords de la loi, aussi dissemblables qu'unies face à leur désir commun d'émancipation, use harmonieusement d'un réalisme pur autant que du pouvoir de l'imaginaire (avec un folklore pas forcément bien amené il est vrai, par la figure la plus jeune et innocente) au sein d'une narration humoristique et tout en urgence, ou braver les interdits, même de manière cartoonesques et rocambolesques, est autant un acte de désobéissance que de survie.
Merveilleusement empathique, fruit d'une écriture ciselée et d'une interprétation sans faille, ce premier effort incarne une séance à la fois enlevée, engagée et solaire, un vent de fraîcheur rock n' roll à un genre qui en avait bien besoin.
La belle séance immanquable de la semaine.
Jonathan Chevrier
Avec : Nisrin Erradi, Nisrine Benchara, Rayhan Guaran, Jalila Talemsi,...
Distributeur : Moonlight Films Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Marocain, Belge, Hollandais.
Durée : 1h23min.
Synopsis :
Casablanca, Maroc. Zineb s'évade de prison pour sauver sa fille de la garde de l’État. Mais les choses se compliquent rapidement lorsqu'elle prend en otage la conductrice d'un camion, Asma. La police aux trousses, les trois femmes se lancent dans une cavale dangereuse à travers l’Atlas, ses roches rouges et ses déserts brûlants...
Critique :
Détournant habilement les attentes comme les codes du road movie, pour lui apporter des sonorités douces, tragiques et même un poil fantastiques, #Reines se fait une aventure à la fois enlevée, engagée et solaire, vissée sur une poignée de femmes aussi atypiques qu'empathiques. pic.twitter.com/pGJBfmkiV4
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 16, 2024
Le cinéma marocain va définitivement très bien, merci pour lui.
Au crépuscule d'une année particulièrement exceptionnel, le pays du soleil levant avait déjà brillé par quatre fois dans nos salles obscures, que ce soit via le bouillant La Meute de Kamal Lazraq (un premier effort tout en fureur et en désespoir, façon plongée sans concession dans le quotidien violent d'hommes à la marginalité imposée et sans aucune échappatoire, dans une Casablanca vénéneuse), le puisant Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa (entre le réalisme Loachien et le mélodrame italien, un cocktail hybride et audacieux, logé entre la comédie dramatique socialo-familial, et le road movie désenchanté), le vertige sensoriel Animalia de Sofia Alaoui (petite claque SF pourtant chiche en effets, qui prône une unité de tout, une vision holistique de l'humain au travers d'une intime et captivante transformation spirituelle) et le joli feel good délirant Abdelinho de Hicham Ayouch (un chouette moment de cinéma léger et surréaliste, prônant avec bienveillance la tolérance et la nécessité de lutter pour ses convictions).
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Le tout sans oublier le solide Déserts de Faouzi Bensaïdi, gentiment logé entre le film à sketch au sous-texte politique marqué, et western poético-existentialiste, ou même le magnifique documentaire La mère de tous les mensonges de Asmae El Moudir sorti plus tôt cette année, qui faisait du 7ème art un outil de découverte de soi (et des siens) mais aussi et surtout comme un outil curatif, première étape fracturée mais fondatrice vers une réconciliation avec la douleur d'hier, pour mieux vivre au présent.
Il faudra désormais ajouter une nouvelle pierre à l'édifice avec Reines, estampillé premier long-métrage de la wannabe cinéaste Yasmine Benkiran, qui s'en va détourner, à l'instar du plus maladroit Par-delà les montagnes de Mohamed Ben Attia, les attentes comme les codes du road movie, pour lui apporter des sonorités douces, tragiques et même un poil fantastiques à travers les atermoiements de Zineb, à la gouaille tout en panache, qui s'évade de prison pour sauver sa fille des griffes des services sociaux.
Pour arriver à ses fins, elle prend en otage une mécanicienne, Asma, au quotidien à la violence tout aussi sourde et tragique, qu'elle catapulte au cœur de sa propre cavale au sud de l'Atlas, où rien ne va jamais vraiment se passer comme prévu dans un désert tortueux, avec une police énervée à leurs trousses...
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Allégorie sur un Maroc aussi à la dérive (dont la cinéaste fustige tous les vices ou presque) que son anti-héroine qui ne demande qu'à s'en affranchir, écrasée sous le poids de la discrimination et du conservatisme d'une société furieusement stratifiée (richesse, revenus, sexualité, croyances,...) et à l'idéologie aliénante - surtout pour les femmes -; Reines et ses figures féminines atypiques des deux bords de la loi, aussi dissemblables qu'unies face à leur désir commun d'émancipation, use harmonieusement d'un réalisme pur autant que du pouvoir de l'imaginaire (avec un folklore pas forcément bien amené il est vrai, par la figure la plus jeune et innocente) au sein d'une narration humoristique et tout en urgence, ou braver les interdits, même de manière cartoonesques et rocambolesques, est autant un acte de désobéissance que de survie.
Merveilleusement empathique, fruit d'une écriture ciselée et d'une interprétation sans faille, ce premier effort incarne une séance à la fois enlevée, engagée et solaire, un vent de fraîcheur rock n' roll à un genre qui en avait bien besoin.
La belle séance immanquable de la semaine.
Jonathan Chevrier