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[CRITIQUE] : Godless : The Eastfield Exorcism


Réalisateur : Nick Kozakis
Acteurs : Georgia Eyers, Dan Ewing, Tim Pocock, Rosie Traynor,...
Distributeur : Shadowz
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Australien.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
Sous pression par son mari, Lara subit les punitions d'un exorciste qui tente de sauver son âme en l'obligeant à vivre un enfer.



Critique :



Alors que le chef-d'oeuvre L'Exorciste de William " Fucking " Friedkin se rapproche tranquillement mais sûrement de ses cinquantes printemps bien tassés (même s'il ne les fait pas vraiment), il y a quelque chose d'assez frustrant et, n'ayons pas peur des mots, d'assez effrayant même, à l'idée de réaliser qu'en un demi-siècle de production cinématographique ou presque, aucun film d'exorcisme ne lui arrive un tant soit peu à la cheville... non, ne cherchez pas derrière votre écran, il n'y en a pas.

Ce qui permet de d'aborder, finalement, sans véritablement de grosses attentes et même de relativiser la vision de toute péloche arpentant, même avec assurance et ambition, ce sous-genre de l'horreur tant la comparaison avec le mètre étalon est aussi inutile que contre-productive.

Copyright Dark Side Productions

De quoi donc nous en faire apprécier ceux qui l'aborde modestement, sans chercher à le renouveler ou y apporter un tant soit peu leur " marque " où, à contrario, savater sans remords toute exploration molle et difficilement défendable.
Le bien nommé Godless : The Eastfield Exorcism de Nick Kozakis (inspiré de loin sur le cas bien réel d'Anneliese Michel), a le bon ton de boxer dans la première catégorie, quand bien même il use lui aussi des tropes familiers du genre (en gros, attacher une personne supposément possédée qui crie des obscénités blasphématoires, pour lui crier encore plus fort à la tronche des prières - avec peut-être deux, trois claques en supplément).

La clé, c'est qu'il monte l'escalade de l'horreur un petit cran au-dessus d'une concurrence qui n'hésite jamais à se vautrer mignon dans la grandiloquence la plus complète : sa propension à ménager ses effets, tout en suivant au plus près la tragédie insondable vécue par une femme vulnérable (qui vient de perdre son jeune fils), Lara, victime autant de troubles psychatriques (le fruit d'une schizophrénie paranoïde mais aussi et surtout d'une culpabilité intense, qui lui font enchaîner les troubles comportementaux et les hallucinations étranges) que de l'attitude de son mari (certes aimant, mais aussi et surtout férocement dominateur, croyant et méfiant envers la science et la psychiatrie moderne) et de la foi elle-même.

Copyright Dark Side Productions

Une âme damnée par l'homme sur qui une brutalité inouïe et bien humaine, se déchaînera à la suite d'une opération d'exorcisme indépendant, réalisée par et au sein d'une secte christiannique marginale.
Intelligemment vissé du point de vue de son héroïne (magistralement incarnée par une Georgia Eyers dont la gamme d'émotions exprimée est juste spectaculaire), Godless : The Eastfield Exorcism expose la sombre réalité d’un fondamentalisme religieux sans entraves, qui manipule, brise les esprits autant que les corps.
Sans jamais remettre en question la puissance (positive comme négative) de la foi, Kozakis montre avec brio qu'entre de mauvaises âmes, elle peut être une pathologie non moins réelle que la psychose subie par son héroïne (l'enfer est pavé de bonnes intentions, comme on dit), dont les agissements ne laissent nullement place à un hypothétique salut.

L'horreur se cache alors dans la stricte réalité que Lara n'est plus véritablement considérée comme un être de chair et de sang, mais comme le simple véhicule des idéologies et voix contradictoires de ceux qui rivalisent brutalement pour imprimer leur propre vérité sur ses souffrances, là où son remède - médical - est évident pour tout le monde dès le départ.

Copyright Dark Side Productions

Merveilleusement décidée à ne pas uniquement flatter nos désirs de frissons faciles, le film s'échine donc à savamment triturer nos méninges et à nous questionner sur les limites de la raison, en surlignant volontairement la zone grise entre la foi aveugle et la crédulité dangereuse/criminelle, en pointant combien la foi peut cristalliser aussi bien le plus beau comme le pire de l'humanité.
Tragique, captivant et inconfortable, décidément, l'horreur australienne se porte vraiment très bien en ce moment.


Jonathan Chevrier