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[CRITIQUE] : A Man


Réalisateur : Satoshi Tsumabuki
Avec : Satoshi TsumabukiSakura AndôMasataka KubotaAkira Emoto,…
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h01min

Synopsis :
Rie découvre que son mari disparu n'est pas celui qu'il prétendait être. Elle engage un avocat pour connaître la véritable identité de celui qu'elle aimait.



Critique :


Que A Man de Kei Ishikawa s'ouvre et se clôt sur le tableau La Reproduction interdite de René Magritte, pourrait paraître presque simpliste pour triturer la question de l'identité, mais il est avant tout un rappel à la fois intelligent et subliminal sur comment la question de l'identité même est sensiblement malléable, difficilement descriptible tant elle peut s'avérer parfois en complète contradiction avec la société dans laquelle on vit, faites de convenances, de concessions et de faux-semblants.
En ce sens, comment définir qui nous sommes, dans un monde où il est de plus en plus difficile d'être soi-même, de ne pas être autre que ce que l'on nous impose, même auprès des siens.

Est-ce l'identité que nous bâtissons qui compte, ou celle que l'on nous donne ?
Est-ce cette artificialité consentie - voire même auto-orchestrée pour certains -, qui façonne notre véritable identité, ou faut-il dissocier notre existence de toute norme socioculturelle, pour savoir qui nous sommes réellement ?

Copyright 2022 A Man Film Partners

Non sans quelques maladresses, difficile de ne pas se passionner pour le quatrième long-métrage protéiforme du cinéaste nippon, adaptation du roman éponyme de Keiichiro Hirano dont le titre après presque trop simpliste, réducteur même, à la vue d'une narration labyrinthique et tout en ellipses et en flash-backs abruptes, ou s'entrechoquent le drame familial sous fond de romance et de deuil, le drame existentiel sous fond de notion donc, mais aussi le thriller psychologique et d'investigation, le tout saupoudré d'une auscultation de la société nippone, de ses maux comme de ses distorsions et de ses faux-semblants.

La première question qui nous vient est finalement celle d'une femme, Rie, pleurant son second époux, Daisuke : qui est-il ?
Pour elle, il était un mari aimant, un bûcheron discret et timide qu'elle a connu alors qu'il achetait son papier à dessin et ses crayons dans sa propre papeterie, à une époque ou elle devait se remettre d'un divorce douloureux et de la perte d'un enfant - des suites d'une tumeur au cerveau.
Au fil du temps, ils ont appris à s'aimer, se sont mariés et sont même devenus parents d'une petite fille.
Tout bascule lorsqu'il meurt subitement, et que les membres de sa famille - avec qui il avait rompu tout contact - ne le reconnaissent pas lors des funérailles, tant le vrai Daisuke se serait volatilisé il y a des années de cela...

Copyright 2022 A Man Film Partners

C'est autour de ce questionnement sur l'individu, à la fois intime (Daisuke, un étranger qui semble avoir volé son identité) et universelle, que le cinéaste déploie une quête de vérité à travers les recherches d'un avocat, Akira, qui enquête au nom de Rie - et qui s'était déjà occupé de son divorce - sur l'identité de son défunt mari, qui va lui permettre autant de distiller sa prose sur la notion d'identité (même Akira va se questionner sur la sienne, tout en ressentant de la compassion pour les choix de Daisuke), que d'offrir une radiographie affûtée d'une société nippone furieusement corsetée, avec une liberté de ton et de propos rarement vu à l'écran depuis The Third Mother de Kore-eda, tant il traite autant de l'ostracisme normalisé que de la peine de mort ou même des disparités entre les différentes classes sociales, avec une dialectique rigoureuse et sans concession.

Dommage dès lors, qu'il se perde un brin dans des digressions/intrigues secondaires pas toujours justifiées, ou qu'il delaisse par la même occasion son véritable cœur émotionnelle : Rie, passant in fine trop vite au second plan le trouble profond de cette femme qui a aimé et épousé un homme qui, dans la mort, s'est révélé être un parfait étranger, même si ses actes ont toujours été sincères et vrais.
Trouble partagé par son fils Yuto, qui en avait fait un véritable père de substitution, mais dont la narration dissipe beaucoup trop eurs dilemmes existentiels.

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Dans l'ombre du cinéma de Kore-eda, tant il cherche tout autant à bousculer l'absolutisme de la vérité, qu'à offrir un regard impitoyable sur sa propre nation, A Man ne donne pas tant de réponses qu'il questionne son auditoire dans sa réflexion sur le paradoxe qui habite la notion d'identité, le renvoie à ses certitudes comme à ses contradictions.
Vertigineux, parfois un poil trop déroutant pour son bien, mais réellement fascinant.


Jonathan Chevrier


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