[ENTRETIEN] : Entretien avec Céleste Brunnquell (La Fille de son père)
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Céleste Brunnquelle fait partie
des moteurs émotionnels essentiels de La fille de son père. C’est
autour d’une table au FIFF à Namur que nous avons pu discuter avec cette actrice,
déjà brillante dans L’origine du mal, lors d’un entretien très
sympathique.
C’est assez bizarre ce truc-là de créer une complicité très très forte entre un père et sa fille. Cela se fait beaucoup quand on ne travaille pas en fait. C’est là où on avance le plus dans notre relation car c’est une relation à deux qui ne s’invente pas vraiment. C’est dans ce truc-là d’être juste ensemble, se rencontrer vraiment. - Céleste Brunnquell
Comment êtes-vous arrivée sur La
fille de son père ?
Céleste Brunnquell : C’est
Elsa Pharaon, une directrice de casting avec qui j’avais déjà fait mon premier film
et ensuite En thérapie, qui m’a rappelée pour ce film-là. Tout
bêtement, j’ai passé les essais avec elle, avec Erwan et Nahuel. C’est Erwan
qui a fait passer les castings, tout simplement (rires).
C’est une excellente réponse
déjà ! (rires) Quel a été à ce sujet votre travail avec Nahuel Pérez
Biscayart ? On ressent directement la force de votre lien à l’écran.
Céleste Brunnquell : C’est
assez bizarre ce truc-là de créer une complicité très très forte entre un père
et sa fille. Cela se fait beaucoup quand
on ne travaille pas en fait. C’est là où on avance le plus dans notre relation
car c’est une relation à deux qui ne s’invente pas vraiment. C’est dans ce
truc-là d’être juste ensemble, se rencontrer vraiment. Après, d’un point de vue
plus concret et technique, on avait rencontré une chorégraphe. C’était une idée
de Nahuel de passer une journée avec elle, juste à s’appréhender comme ça par
le corps. Ce qui nous a aidé aussi pour le film après, c’était de faire des
répétitions, de bien manger, toutes ces choses-là qui font qu’on se rencontre
plus vraiment. Sur le tournage, une grande partie de celui-ci se déroulait dans
la maison d’Étienne et Rosa. Cette maison était tellement agréable, on s’y
sentait tellement chez nous aussi. Il y avait une espèce de souci du détail
dans chaque élément. La déco avait fait un travail énorme dans cette maison où
chaque élément que tu pouvais ouvrir avais des objets d’Étienne et Rosa. On se
sentait tellement imprégnés dedans que cela a permis de renforcer encore la
relation entre nos personnages, cet espace dans lequel on a évolué.
Il y a un rapport à l’art assez prégnant
dans le film. Comment avez-vous vu cet aspect et aussi quelle était votre
propre expérience dans la pratique ?
Céleste Brunnquell : Ce
n’est pas moi qui peins en tout cas. Ce qui était chouette dans le personnage
de Rosa, c’est qu’on sentait ces couches et ces couches car il y avait du coup
l’état d’Erwan là-dessus, ce que j’ai pu en faire et ces peintures. Elles ont
été faites par une étudiante aux Beaux-Arts qui a le même âge que moi. C’était
donc aussi intéressant de mettre en parallèle ces deux personnes du même âge
dans cette espèce d’égal à égal par rapport à ça, dans la recherche du travail.
Elle avait déjà un style très marqué, très imprégné, avec sa personnalité à
elle de jeune femme. On a ajouté des couches comme ça. La façon dont ce
personnage s’ouvre enfin à quelqu’un d’autre, c’était assez génial à appliquer.
La peinture est toute la vie pour mon personnage, elle ne connaît que ça. Son
foyer et cet espèce de domaine qu’elle s’est créé, c’est une forme de
protection avec toutes ces toiles partout dans la maison. C’est comme si elle
ne connaissait que ça, son monde, son univers. Même ses peintures, ce ne sont
que ses proches et elle n’a pas d’expérience de l’extérieur. C’est comme si ce
qu’elle mettait sur ses toiles était son intérieur. Elle est influencée par
elle-même.
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Cet aspect intérieur se trouve
aussi par rapport à Youssef, cette distance poétique jusqu’à ce travelling
avant du baiser. Peut-être pourrions-nous parler de cet aspect plus romantique
du personnage ?
Céleste Brunnquell : Après,
je ne pense pas que tous ces personnages ont ce côté romantique mais celui qui
caractérise clairement plus cet aspect, ce lyrisme, c’est Youssef, qui est
poète. Il traduit cela concrètement. Elle n’est pas pragmatique mais plus terre
à terre aussi et plus acérée que Youssef. Je ne sais pas si elle est tant
romantique que ça, Rosa.
Peut-être que mon terme n’était
pas le plus à propos ?
Céleste Brunnquell : Non
mais cela me permet de poser la question aussi. Je ne sais pas en tout cas.
Il y a une inquiétude forte de la
jeunesse dans le film, aussi bien par votre personnage, les actions climatiques
en fond, Youssef qui s’inquiète de ne pas s’inquiéter, … Comment avez-vous
appréhendé ce point, aussi bien pour vous que pour votre personnage ?
Céleste Brunnquell : Du
coup, cette inquiétude n’est pas tant traversée par Rosa car elle est en
décalage avec les gens de son âge, cette urgence climatique là. Ce n’est pas
qu’elle s’en fout, c’est qu’elle est tellement dans son monde que cela ne peut
pas la toucher. Ce n’est pas un jugement mais plus une forme de déni de ça car,
si elle s’ouvre à ça, ça casserait aussi le monde qu’elle a pu se créer. Cela
amène encore à ce truc du foyer où elle est complètement dans sa bulle.
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Youssef amène aussi de la tragédie
dans votre relation intime avec votre père. À quel point ce point traverse
votre personnage sans que cela ne marque réellement comme une tragédie à vos
yeux ?
Céleste Brunnquell : Je
pense que, dès le début, Erwan m’a dit que ce n’était pas un drame pour Rosa et
que c’est Youssef qui fantasme aussi cette idée-là d’un schéma familial assez
inédit. Je pense que pour elle, ce n’est pas un drame et qu’elle s’en vante
presque par orgueil, qu’ils savent tout faire à deux. Il y a un tel amour avec
son père, ils sont carrément d’égal à égal, avec une relation de fratrie plus
que de vraie famille. Ce n’est pas la famille nucléaire. Elle pourrait presque
se vanter de ça car, de sa part, il n’y a pas de manque.
Vous, en tant qu’actrice,
qu’est-ce qui vous anime, notamment dans vos choix de carrière ?
Céleste Brunnquell : Je
pense que je ne pourrais pas jouer sans être sincère dans ce que je peux faire,
dans les états dans lesquels je pourrais aller. Je veux faire des choses qui
soient inédites, pas des choses plan-plan, écrasées. J’aime jouer dans des
films qui sont forts de propositions et qui ne soient pas formatés non plus,
les éternelles redites. Ce n’est pas tant au niveau du personnage aussi que je
m’intéresse à ce que je pourrais participer, c’est plus par rapport au niveau
du regard, le point de vue du réalisateur, de la réalisatrice et de l’histoire.
C’est pour cela que c’est très instinctif et que je ne peux pas trop en parler
en général parce que ce sont des rencontres aussi. On peut rencontrer tellement
de gens passionnants avec ce métier, pouvoir tous les jours travailler avec des
gens qui te laissent la place, un vrai partage.