[FUCKING SERIES] : L’Attaque des titans, saison finale : Un nouveau mythe au sein de la pop culture
(Critique - avec spoilers - de la saison finale)
Le final tant attendu de l’Attaque des titans est arrivé en dFrance sur Crunchyroll le 5 novembre, à 1h du matin. Le destin d’Eren Jäger, jeune chasseur de titans devenu porteur de lourdes missions, s’est clôturé non sans émotions.
Il est de plus en plus difficile de passer à côté du phénomène SNK soit Shinjeki no Kyojin pour les plus japonophones, ou bien AoT pour Attack of Titans : tous les acronymes évoquent la même chose, L’Attaque des titans. La France n’échappe pas au manga à succès écrit par Hajime Isayama et à son animé qui fascine autant les adolescent.es que les adultes. Les lecteurs du manga avaient déjà vu l’histoire se terminer mais les « anime only » attendaient avec impatience le dénouement d’une saison finale, découpée en plusieurs parties jusqu’à s’y perdre. Pour offrir aux fans impatients des combats spectaculaires rapidement, il fallait soit bâcler la production (en plus des conditions déjà difficiles du travail en animation) et servir un ratage visuel, soit sortir les choses progressivement. C’est la seconde solution qui a été adoptée. Il en résulte une difficulté à récupérer tous les détails (d’autant plus que malgré la durée tout est très rapide !), mais une intensité dramatique intacte.
Le shonen avide de combats spectaculaires avait laissé place, depuis un bon nombre d’épisodes déjà, à un récit plus sombre, dans lequel la naïveté n’avait plus sa place. Le début de la saison 4 avait marqué une rupture brutale puisque le personnage principal n’était plus Eren, devenu l’antagoniste, mais une jeune adolescente du nom de Gaby, au caractère similaire. Le monde n’était plus le même : la saison 3 s’était terminée sur le bataillon d’exploration découvrant une plage déserte. On était désormais dans une grande ville totalement inconnue, alors qu’une armée se préparait à la guerre… Les internautes avaient cherché à comprendre le nouveau sens des thématiques, y attribuant plusieurs interprétations politiques, souvent contraires. C’est ce dernier élément qui prouve que leur lecture est très universelle, non politique mais davantage philosophique. Déjà nihiliste, le récit n’a fait que poursuivre sur sa lancée et amorcer les éléments d’un fatalisme. Un romantisme souffle sur des personnages dans le doute – et ce romantisme sera de plus en plus creusé, jusqu’au dénouement final.
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La fin du manga avait été décriée avant de trouver son public, parmi les fans. Il faut dire qu’elle était déroutante – aussi une question trottait dans les têtes : est-ce que l’adaptation resterait toujours aussi fidèle ou est-ce que le manga se permettrait quelques libertés ? Est-ce que les mystiques dernières pages du manga, seraient aussi adaptées ? Bonne nouvelle : l’animé choisit de conserver la réflexion amorcée par Hajime Isayama et porte les idées jusqu’au bout. Le final est aussi doux-amer que légendaire. Il rassemble tous les éléments présents depuis le tout début, justifie tout, explicite les thèmes, en des actions pourtant, du premier regard, abstraites.
L’Attaque des titans puise un bon nombre de références dans la mythologie européenne et plus particulièrement la mythologie nordique (souvent associée à la mythologie germanique… D’où des paroles en allemand, ou des noms scandinaves !). On y retrouve (en autres) une nouvelle interprétation de Yggdrasil, l’arbre monde, dans lequel Ymir tombe sur un pouvoir mystérieux. Les titans primordiaux sont neuf, soit les neufs mondes contenus par l’Yggdrasil. L’Histoire plus contemporaine se mêle à cela puisque le ghetto renfermant les eldiens s’inspire allégrement des ghettos juifs instaurés par le régime nazi lors de la Seconde Guerre Mondiale. L’univers d’Eren Jäger n’est qu’un reflet du notre. Et finalement, L’Attaque des titans est une histoire sur l’Histoire, la reconstruction complète d’une cosmogonie et un mythe de pop culture.
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Mieux comprendre la fin
Si on pouvait reprendre certaines pages du manga et les relire jusqu’à les comprendre, il est plus difficile et moins agréable et retourner sans cesse sur une scène d’animé. La vitesse à laquelle les dénouements se déroulent a perdu plusieurs animes only. Il faut partir du postulat que le monde est régi par le Destin, que la liberté n’existe pas et qu’Eren est un héros profondément romantique. Attention, la suite de ce texte dévoile l’entièreté du dénouement !
Les destins d’Eren et Mikasa sont liés par une Histoire ancestrale comme ils font inexorablement écho à l’histoire d’Ymir. L’esclave Ymir, mère de tous les titans était profondément amoureuse du roi Fritz, et souffrait énormément de ses sentiments envers un roi cruel. Cela l’avait obligé à le servir pendant toute une vie de souffrance. La seule façon d'arrêter la « malédiction » perpétuée par Ymir était que la personne qui aime l'originel aille au-delà de ses sentiments et, contrairement à Ymir avec le roi Fritz, le tue. Quand Mikasa tue Eren, Ymir peut enfin reposer en paix et disparaît, les Titans avec elle.
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Dans sa quête de liberté, Eren s’était heurté à un destin inévitable, il était devenu esclave d’une boucle infernale, qui ne pouvait être brisée que lorsque la personne amoureuse de lui le tuerait. Ne voyant aucune solution envisageable dans l’avenir que l’Histoire avait tracé pour lui, et se sachant condamné, avait fait le choix d’option pour la solution dans laquelle ses amis seraient les plus susceptibles d’être sauvés. Lorsque l’on visualise une scène dans les montagnes, c’est un des avenirs peu reluisants qui pouvaient s’offrir à Eren. Il pouvait partir loin avec Mikasa, se cacher, et mourir à petit feu pendant que le monde cédait, dans tous les cas, dans le chaos. Il fallait que Mikasa déteste Eren au point de le tuer, afin de faire disparaître une bonne fois pour toutes le pouvoir d’Ymir. Parce qu’il avait le pouvoir de l’originel, Eren était capable d’une omniscience absolue : lorsqu’il décède, son pouvoir disparaît et ses amis retrouve des morceaux de mémoires qu’il avait disséminé.
Même si le sacrifice d’Eren a sauvé les eldiens de Paradis en leur ôtant ce pouvoir qui avait mené à la haine des Mahrs, il n’a pas pris de restaurer une paix absolue mais le bataillon d’exploration est devenu émissaire de la paix. Ils tentent d’instaurer un dialogue entre les pro-Jäger de Paradis et l’acceptation des pro-Jäger par les Mahrs. La mer est calme, mais qui sait ce que leur réserve l’avenir ?
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Petit à petit, tout le monde vieillit et meurt. Le monde change, évolue, les grandes villes modernes arrivent. La guerre revient, inévitablement, et le seul restant d’Eren dans l’Histoire est l’arbre sur la colline.
Manon Franken